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Les Echos, le 23/09/2022
Timour Ozturk (Correspondant à Istanbul)
Depuis l’annonce mardi de la mobilisation partielle des réservistes russes, les places sur les vols entre Moscou et Istanbul ont été prises d’assaut. Reportage auprès des premiers déserteurs.
Des visiteurs russes à l’aéroport d’Antalya, en Turquie, au lendemain de l’allocution télévisée de Vladimir Poutine. (Kaan Soyturk/REUTERS)
Par Timour Ozturk
Sous le grand tableau d’affichage du hall d’arrivée de l’aéroport d’Istanbul, Piotr détonne parmi les touristes. À côté des familles de vacanciers moscovites chargées de valises, ce développeur informatique de 29 ans n’a pour seul bagage qu’un petit sac à dos. « Je ne pensais pas vraiment que j’allais réussir à passer », admet, soulagé, ce déserteur. « Je me disais qu’à n’importe quel moment, quelqu’un allait surgir pour me remettre un ordre de mobilisation. Jusqu’au décollage, c’était très stressant ».
Officiellement, Piotr est en Turquie pour ses congés. Avec l’intention de tromper les douaniers russes, il avait réservé un billet retour pour le 15 octobre, qu’il ne compte pas utiliser. Piotr a choisi l’exil, plutôt que de risquer d’être enrôlé. « Je sais de quoi j’ai l’air en ne partant que quand la mobilisation a commencé . Vous devez vous dire que jusqu’ici, je m’accommodais de la situation. J’aurais dû fuir plus tôt », regrette-t-il.
Avions complets
Chaque vol en provenance de Moscou débarque son lot de jeunes hommes ayant quitté dans la précipitation leur famille pour échapper à la mobilisation. Les visages sont tendus, fermés. Certains refusent de répondre aux questions, toujours tenus par la peur du régime de Vladimir Poutine.
Dimitri, visage imberbe et petites lunettes sur le nez, n’arrive pas à calmer les tremblements qui agitent tout son corps. Ce Russe de 26 ans vient d’atterrir à Istanbul. « Quand j’ai appris mardi qu’on mobilisait les réservistes, j’ai eu une attaque de panique. J’ai ouvert mon ordinateur, consulté des dizaines de sites, jusqu’à ce que je trouve un billet pour l’étranger », raconte le jeune homme.
Tous les avions entre Moscou et Istanbul sont complets jusqu’à la semaine prochaine. Depuis le début de la guerre en Ukraine, Istanbul reste l’une des rares portes de sortie des Russes qui quittent leur pays. Ankara n’a pas fermé son espace aérien à Moscou, et les Russes peuvent entrer en Turquie sans visa.
La carte bancaire russe refusée
Sur Turkish Airlines, qui opère une demi-douzaine de vols par jour, le prix de l’aller simple a dépassé les 2.500 euros à cause de la brusque montée de la demande. Dimitri a payé environ 1.200 euros le sien, mais il n’avait pas assez d’argent pour un second. Sa femme est donc restée en Russie. « Je me sens seul, perdu, mais je crois que j’ai pris la bonne décision. J’ai réservé un hôtel pour deux semaines, après je ne sais pas ce que je ferai. Mais je ne rentrerai pas en Russie », affirme-t-il.
Dimitri s’approche d’un guichet pour acheter un billet de bus vers le centre-ville. Sa carte bancaire ne passe pas. Il sort de son portefeuille quelques dollars pour régler. « J’ai pris un peu de liquide avec moi en partant heureusement », se rassure-t-il. Le service de cartes Mir, utilisé par les Russes pour payer à l’étranger, fonctionnait jusqu’à présent en Turquie . Mais sous pression des Etats-Unis, qui y voient un moyen de contourner les sanctions économiques contre Moscou, deux banques turques ont récemment arrêté d’accepter ce moyen de paiement . Le président turc Recep Tayyip ErdoÄŸan a annoncé que la Turquie allait statuer ce vendredi sur une éventuelle suspension de ce système.
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