« Free Sky » : la Turquie lance sa série télévisée à la « Top Gun » grâce au soutien de l’armée

Géo, le 25/07/2023

Benjamin Laurent

Avec la nouvelle production de la chaîne d’Etat TRT, Ankara cherche à montrer au monde ses capacités militaires et à trouver des clients à l’étranger.
 
Les 20 années d’Erdogan à la tête de la Turquie ont été marquées par une militarisation accrue du pays ainsi qu’une intervention dans plusieurs conflits du Moyen-Orient. En tant que Premier Ministre puis Président, l’homme fort de Turquie a guidé son pays en Syrie et Libye, montré les crocs en Méditerranée mais a aussi livré du matériel en Azerbaïdjan comme en Ukraine.

Mais l’armée n’est pas qu’un outil intervenant à l’étranger : elle est aussi un formidable moyen de soft power, symbolisé par la nouvelle série Free Sky, centrée sur un aviateur turc et réalisée à l’aide des militaires du pays.

Un Top Gun assisté par les forces turques

L’implication de l’armée dans des projets audiovisuels ou même la propagande assumée via la télévision ne sont pas des phénomènes nouveaux : Top Gun en est le meilleur exemple, avec la mise à disposition pour les besoins du film de bases américaines et de chasseurs ou hélicoptères, ainsi qu’un porte-avions, rien que ça. Les exemples ne manquent cependant pas, allant de La Chute du Faucon Noir au film de propagande de l’armée chinoise Wolf Warrior.

VOIR LE DIAPORAMA

La série Free Sky suit le même procédé, avec l’implication des forces turques ainsi que l’utilisation d’appareils de combat de l’armée de l’air, comme le rapportent nos confrères de Bloomberg. Les F-16 visibles dans la série sont des avions de combat utilisés par l’armée et le nom turc de la série, Hur, fait référence à un programme de jet bâti en Turquie plutôt qu’achetés aux États-Unis.

Diffusé sur la chaîne d’État TRT, le show ne devrait pas s’arrêter aux frontières turques. En effet, la plateforme de streaming Tabii, en cours de lancement par TRT, devrait posséder des versions anglaise, arabe, espagnole et urdu, et diffuser d’autres programmes patriotiques comme The Shadow Team, centré sur le service secret turc MIT.

L’armée et la télévision à la conquête du marché mondial

La volonté de diffusion à l’étranger de programmes militaristes n’est pas un hasard. La Turquie cherche en effet à se positionner comme un grand acteur du secteur de l’armement, avec des ventes qui ont augmenté de plus de 66 % entre 2018 et 2022 par rapport aux cinq années précédentes selon nos confrères de Bloomberg se basant sur le Stockholm International Peace Research Institute.

Le pays est notamment passé sur le devant de la scène avec ses drones Baykar Bayraktar TB2, utilisés en Ukraine ou dans la seconde guerre du Haut-Karabagh, mais vend de nombreux matériels de pointe.

Cette politique est facilitée par la dévaluation constante de la livre turque, dont la valeur a été divisée par 10 depuis le premier mandat présidentiel d’Erdogan en 2014. Et l’audience de TRT serait également en pleine phase de diversification, selon les dires de la chaîne qui revendique une audience de 800 millions de personnes –la Turquie compte 84 millions d’habitants.

La valeur des exportations de films et séries devrait doubler en 2023 pour atteindre 1,5 milliards de dollars, renforçant la vitalité du secteur audiovisuel comme de l’armée : le but de la série serait selon le producteur Selda Gunsay d’augmenter les recrutements et de faire de la publicité aux capacités des pilotes turcs.

♦

Publicité