France et Turquie déterminés à mieux collaborer dans la lutte contre les djihadistes

Matthieu Suc
Le Monde – 27/09/2014

« Je ne suis pas venu pour demander des comptes, je ne suis pas venu pour accuser. Je suis venu pour construire ! » Vendredi 26 septembre au soir, à l’issue de son voyage diplomatique expresse à Ankara, Bernard Cazeneuve a eu beau jeu de se montrer bon prince. Le ministre de l’intérieur français venait de rencontrer son homologue turc Efkan Ala afin d’améliorer la coopération dans la lutte contre les filières djihadistes qui traversent la Turquie. Tout plutôt que de revivre le cafouillage de mardi quand trois Français, pourtant soupçonnés d’être des djihadistes, ont pu rentrer de Turquie en France en trompant la vigilance de la police.

Après un séjour de plusieurs mois en Syrie dans les rangs de l’Etat islamique, ces trois hommes, dont un beau-frère de Mohamed Merah, ont été arrêtés fin août à leur retour en Turquie et placés en centre de rétention administrative pour « séjour illégal » sur le sol turc. Expulsés, ils devaient initialement prendre un vol pour Paris, où les attendait la police française, mais ont finalement rallié Marseille sans que les autorités turques prennent la peine de prévenir la France. Les trois hommes se sont finalement livrés à la police le lendemain et se trouvaient toujours samedi en garde à vue.

« MINIMUM D’ERREURS POSSIBLES »

L’explication, qui a duré une heure et demie, entre M. Cazeneuve et M. Ala a dû être virile car, à son issue, la Turquie a accordé ce que la France réclamait depuis des mois : désormais, lorsqu’un ressortissant djihadiste sera renvoyé, les policiers français accrédités pourront l’accompagner jusqu’à la passerelle d’embarquement et s’assurer ainsi de la réalité de son départ. Une disposition qui, si elle avait été effective, aurait empêché le couac de mardi.

Entre autres mesures, le ministre de l’intérieur a également précisé que le préavis donné à la France avant l’expulsion d’un djihadiste présumé serait désormais « plus long ». La Turquie s’est également engagée à communiquer à la France la liste de ses ressortissants détenus en centre de rétention et à alerter immédiatement les services de renseignement français lorsqu’un Français est contrôlé à la frontière turco-syrienne.

« Nous allons faire en sorte que les mécanismes de coopération entre nos deux pays puissent fonctionner avec le minimum d’erreurs possible » , a confirmé le Turc Efkan Ala. Les autorités européennes dénoncent régulièrement le manque d’empressement de la Turquie à enrayer le flot des candidats au djihad qui traversent son territoire pour rejoindre le groupe de l’Etat islamique (EI) en Syrie. « La Turquie lutte avec persistance contre les combattants djihadistes et les refoule à sa frontière », s’est défendu M. Ala, affirmant que son pays avait interdit l’entrée de son territoire à 6 620 personnes et en avait expulsées 1 013 autres. A l’invitation de son homologue français, M. Ala sera présent à la réunion des ministres de l’intérieur de l’UE qui se déroulera à Paris le 6 novembre prochain.

RENCONTRE AVEC LES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS TURCS

De son côté, fort de ce succès diplomatique, M. Cazeneuve a pris soin de ménager son allié, louant « la très grande qualité de la coopération franco-turque ». « Il peut parfois y avoir des ajustements mais globalement, la relation est excellente », a-t-il affirmé. Et le ministre de l’intérieur de rappeler que cette coopération a conduit à l’expulsion en France de 40 ressortissants français depuis 2011 et autant de refoulement de candidats au djihad qui cherchaient à rentrer en Turquie, depuis mars 2013.

Après une conférence de presse à l’Ambassade de France et avant de rentrer à Paris, Bernard Cazeneuve s’est, lui, absenté durant un peu plus d’une heure pour honorer un rendez-vous secret. D’après nos informations, accompagné de Patrick Calvar, le patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le ministre a rencontré Hakan Fidan, le chef du Millî Ä°stihbarat TeÅŸkilatı (MÄ°T), les services de renseignement turques. Tard dans la nuit, Bernard Cazeneuve et son équipe sont rentrés en France.

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