Depuis deux ans, la Turquie était revenue à une politique orthodoxe de hausse des taux pour combattre l’inflation
Taux directeur de la Banque centrale et taux d’inflation officiel (en glissement annuel)
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Alternatives Economiques, le 06/05/2025
Par Eva Moysan
La dérive autoritaire du pouvoir turc trouve en partie ses racines dans la crise économique. Son incapacité à la résoudre fait grossir le mécontentement, qui s’exprime avec vigueur depuis l’arrestation du maire d’Istanbul.
Après vingt-deux ans à la tête de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan n’a aucune envie de lâcher la main. Il l’a rappelé clairement en ordonnant l’arrestation de son principal rival, le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, le 19 mars. La mise aux fers de l’opposant issu des rangs du parti CHP (kémaliste et social-démocrate) a choqué la population, qui se mobilise depuis pour demander la libération de ce maire populaire, vu comme le favori de la prochaine élection présidentielle, en 2028.
Le durcissement autocratique du régime d’Erdogan n’est pas nouveau. Mais ce dernier épisode a déstabilisé les investisseurs internationaux, qui étaient peu à peu revenus en Turquie depuis le retour à une politique économique orthodoxe il y a deux ans.
Quelques jours plutôt, le numéro un et le numéro deux de la Tüsiad, la grande organisation patronale laïque, ont été arrêtés pour avoir critiqué la politique d’Erdogan, les détentions arbitraires et le manque d’Etat de droit dans le pays. Orhan Turan, le patron des patrons, avait aussi dénoncé un nouveau décret présidentiel qui permet de nommer des administrateurs provisoires à la tête d’entreprises soupçonnées de malversations ou d’activités terroristes. « Il y a une remise en cause de la propriété privée et du capital en Turquie », juge Deniz Ünal, économiste au Cépii.
Libérés sous caution, le parquet a requis jusqu’à cinq ans de prison contre les deux dirigeants patronaux. Tous ces éléments ont vivement alarmé les marchés financiers et les investisseurs, qui peuvent légitimement craindre que la répression accrue vise leurs avoirs.
La Turquie en crise depuis 2018
L’arrestation d’Imamoglu a entraîné une forte chute de la livre turque face à l’euro et au dollar, le principal indice de la Bourse d’Istanbul a reculé de 15,6 % en une semaine et sur le marché obligataire, les taux souverains ont grimpé de plus de 500 points de base en un seul week-end, un record.
Pour répondre à la crise, la Banque centrale a injecté près de 50 milliards de dollars afin de limiter la dépréciation de la livre turque, soit 70 % de ses réserves de change. Le 17 avril, la Banque centrale a également annoncé la hausse du taux directeur de 42,5 % à 46 %, dans un nouvel appel du pied aux marchés. Mais difficile de croire pour l’instant au retour de la confiance des investisseurs, ou, encore plus improbable, à une sortie de la crise économique et financière dans laquelle est plongée la Turquie depuis sept ans.
Revenons un peu en arrière. Le pays connaît de premières difficultés à la suite de la crise mondiale de 2008-2009. Le resserrement global des politiques monétaires c’est-à -dire la hausse par les banques centrales des taux d’intérêt, surtout à partir de 2013, grippe peu à peu le modèle turc, dépendant fortement des financements internationaux. Ankara ne parvient plus à attirer suffisamment de capitaux étrangers et la livre perd de la valeur face au dollar. L’économie s’enfonce définitivement dans la crise en 2018.
« La dégradation est causée par la défiance des investisseurs internationaux et la détérioration des relations avec les Etats-Unis [qui mènent à la hausse des droits de douane par Trump sur l’acier et l’aluminium turc, NDLR]. Tout cela va révéler les faiblesses du pays : sa dépendance aux investissements étrangers, l’importance de la dette en devises étrangères et la dépendance aux importations, en particulier énergétiques », retrace Nicolas Ressler-Fessy, chercheur associé à l’IFG-Lab (Université Paris-8). L’inflation atteint 16 % en 2018 et la livre perd 25 % de sa valeur en un an face à l’euro, tandis que la croissance freine brusquement, passant de 7,5 % en 2017 à 0,8 % en 2019.
La population ressent très directement les effets de la crise. La hausse des prix rogne le pouvoir d’achat des ménages et la pauvreté gagne du terrain. Pour continuer à consommer, les Turcs ont de plus en plus recours à la carte de crédit, qui permet de faire des achats à découvert. La dette des ménages bondit et les conditions de vie se dégradent.
Il est difficile cependant de quantifier précisément la crise. Depuis plusieurs années, les statistiques officielles sont remises en cause par de nombreux experts, qui critiquent l’opacité des méthodes de calcul, au point que plusieurs universités se sont mises à publier leurs propres données sur le chômage ou l’inflation. A titre d’exemple, l’institut statistique turc TÜIK calculait un taux d’inflation annuel à 39 % en février, alors qu’ENAGrup, un groupe de recherche sur l’inflation, l’estimait à 79,5 % sur la même période.
Une légitimité tirée des succès économiques
Recep Tayyip Erdogan et son parti, l’AKP, sont perçus comme responsables de cette crise économique et pâtissent de leur incapacité à y répondre. « Ils ont laissé filer le crédit trop longtemps, en maintenant des taux d’intérêt bas alors que l’inflation était très élevée. Erdogan a attendu d’être réélu lors de l’élection présidentielle de 2023, pour revenir à une politique orthodoxe et austéritaire », rappelle Dorothée Schmid, responsable du programme Turquie/Moyen Orient de l’Ifri.
En effet, alors que les statistiques officielles annonçaient 40 % d’inflation annuelle en mai 2023, le taux directeur de la banque centrale était maintenu à 8,5 %. Après sa réélection, le nouveau ministre de l’économie Mehmet Simsek – un ancien de Wall Street qui a confiance des marchés – a peu à peu augmenté les taux jusqu’à atteindre 50 % en mars 2024.
Depuis deux ans, la Turquie était revenue à une politique orthodoxe de hausse des taux pour combattre l’inflation
Taux directeur de la Banque centrale et taux d’inflation officiel (en glissement annuel)
Pourtant, lors de son arrivée au pouvoir au début des années 2000, Erdogan avait tiré sa légitimité de ses succès économiques. « En 2000-2001, la Turquie est en proie à une crise financière profonde à laquelle l’instabilité gouvernementale semble incapable de répondre. L’AKP remporte les élections législatives dans ce contexte en 2002 et le nouvel exécutif poursuit et récolte les fruits des politiques initiées par le gouvernement technique précédent », rappelle Nicolas Ressler-Fessy.
Erdogan, qui devient Premier ministre en 2003, bénéficie notamment des fonds du FMI obtenus par ses prédécesseurs. Sous sa houlette, l’AKP accentue l’orientation libérale de l’économie turque en prolongeant les politiques d’assainissement des comptes publics et de privatisations massives. Il poursuit le rapprochement avec l’Union européenne : après l’instauration d’une union douanière en 1995, la Turquie obtient le statut officiel de candidat et débute les négociations d’adhésion en 2005.
« Le pays a bénéficié de son intégration dans le marché européen. De nombreuses entreprises européennes sont venues investir en Turquie, qui était vue comme une plateforme pour exporter vers le Moyen-Orient. Les fonds de pré-adhésion ont également boosté l’économie », explique Dorothée Schmid. La croissance du PIB par habitant dépasse alors 5 % par an entre 2002 et 2007. La population en récolte quelques fruits : les grands travaux lancés par Erdogan donnent à la Turquie des infrastructures neuves (ferroviaires, etc.), la part de l’emploi informel se réduit.
Les économistes Ahmet Yılmaz et Togan Karatas de l’université de Marmara nuancent cependant :
« Après 2003, l’afflux de capitaux étrangers, l’appréciation de la livre turque, la baisse de l’inflation et la reprise économique ont créé un sentiment temporaire de bien-être dans la société. Mais c’est surtout la croissance du grand capital qui a atteint des proportions énormes. Par exemple, Koç Holding, le plus grand conglomérat turc, a presque triplé ses actifs au cours des vingt-cinq dernières années. »
« Si l’on décompose le PIB turc, on constate un creusement des inégalités entre les revenus du travail et ceux du capital, en faveur du capital. Et lorsque l’on zoome sur les revenus de l’ensemble des ménages, les 10 % les plus riches ont vu leurs revenus exploser tandis que les 70 % du bas de la distribution ont eu une perte de revenus, leur salaire s’approchant du salaire minimum », appuie l’économiste Deniz Ünal.
Une politique du « quoi qu’il en coûte »
La croissance repose en effet sur des salaires bas, ce qui rend les entreprises turques compétitives à l’export. Alors que la productivité du travail a été multipliée par 4,3 entre 1970 et 2020, les salaires réels restent en deçà de leur pic de 1970, un maximum jamais atteint depuis.
Alors que la productivité a été multipliée par 4 depuis 1970, les salaires réels ont diminué sur cette période
Productivité du travail et salaires réels, base 100 en 1970
« Le grand succès de l’AKP a été de promouvoir des politiques pro-capitalistes tout en obtenant le consentement d’une grande partie des plus pauvres, en particulier jusqu’en 2018 », lors du passage à un régime présidentiel, analysent Ahmet Yılmaz et Togan Karatas.
« L’AKP y est parvenu en employant un discours populiste prétendant donner la priorité au peuple par rapport aux élites, en favorisant les loyalistes pour les marchés et emplois publics, en fournissant une assistance sociale via les ministères et les municipalités, en gérant des réseaux de clientélisme et en s’appuyant sur le soutien des communautés religieuses », poursuivent les deux économistes turcs.
Le secteur du BTP, notamment, a fortement bénéficié des grandes commandes publiques d’infrastructures, et contrairement à une autre partie du patronat plus critique, est resté fidèle à Erdogan.
De l’autre côté de l’échiquier politique, Ekrem Imamoglu, du parti kémaliste CHP, a lui aussi lancé des politiques d’assistance sociale en arrivant à la mairie d’Istanbul, en 2019. « Les municipalités métropolitaines comme celles d’Istanbul disposent de ressources financières très importantes, ce qui leur donne un pouvoir de redistribution énorme, leur permet de créer de l’emploi, etc. », souligne Nicolas Ressler-Fessy.
Dans le marasme économique, les programmes sociaux d’Imamoglu ont largement contribué à sa popularité au-delà de son électorat bourgeois, relève Dorothée Schmid. On le voit aujourd’hui dans les mobilisations depuis son arrestation, qui rassemblent des groupes divers comme les étudiants, qui craignent pour leur avenir, les habitants des métropoles, mais aussi les agriculteurs et les habitants des petites villes.
Erdogan se retrouve aujourd’hui usé par vingt-deux années de pouvoir et des crises à répétition. Pendant toutes ces années, il a tordu l’économie dans tous les sens, au fil de ses priorités. Après avoir adopté une politique libérale et pro-business relativement classique jusqu’à la fin des années 2010, il a obstinément refusé de monter les taux d’intérêt alors que l’inflation dépassait 80 %, tout en pratiquant une politique du « quoi qu’il en coûte » pour assurer sa réélection en 2023.
Une fois reconduit, il est revenu à une politique austéritaire et orthodoxe, en augmentant fortement les taux d’intérêt pour attirer de nouveau les investisseurs étrangers. Malgré tous ces revirements, Erdogan n’a pas réussi à répondre aux maux chroniques de l’économie turque, ni aux aspirations de la population. Face à cette impasse, il a trouvé une solution simple : la répression.
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