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Courrier International, le 12/10/2025
par Zekiye Kaçar Bakirhan
Depuis plus d’une décennie, les villages au pied du mont Madran, dans le sud-ouest de la Turquie, sont pris d’assaut par des compagnies minières, avec la complicité des autorités, dénonce cette journaliste du média “Fayn”. Elle raconte la résistance d’une petite famille d’éleveurs face à l’explosion des carrières.
Cet été, le Parlement [dominé par les islamo-nationalistes de l’AKP et leurs alliés d’extrême droite du MHP] a adopté la loi minière dite “du super-permis”, qui permet de contourner toute réglementation visant à protéger l’environnement et autorise la destruction des forêts et des zones agricoles pour l’exploitation minière [alors que le nombre de permis miniers explose déjà et que 110 000 hectares de forêt ont été rasés au cours des dix dernières années au profit de nouveaux sites d’extraction].
Parmi les manifestants et les victimes du secteur minier rassemblés devant le Parlement pour protester contre ce projet de loi se trouvait Zeynep Coskun, dont le discours a capté l’attention des médias.
“Je suis Zeynep la paysanne”, s’était-elle présentée, avant de raconter comment son village natal, Topçam, dans le district de Çine [dans le sud-ouest du pays, non loin de la mer Egée], avait été dévasté en dix ans par une société minière.
“Ils imaginent les paysannes muettes et soumises”
Son récit de la disparition de la forêt de pins si dense que la lumière ne pouvait y pénétrer, de l’assèchement des sources qui coulaient autrefois à flots et des montagnes de sable qui ont englouti son village de carte postale a ému l’opinion.
Elle a aussitôt été la cible des médias progouvernementaux et des trolls. “Elle ne ressemble pas à une paysanne”, ont-ils dit, affirmant qu’elle était actrice et qu’elle lisait un texte qu’on lui avait donné. Pourtant, une simple recherche de deux minutes sur Internet aurait suffi pour découvrir que Zeynep et sa famille menaient depuis des années une lutte solitaire contre la mine.
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Ali, son père, s’indigne de la campagne de haine en ligne : “Nos trois filles sont diplômées de l’université. Zeynep parle des langues étrangères et fait un master. Au village, elle trayait les vaches et cultivait les champs comme tout le monde. Doit-elle venir à Ankara en sabots pour prouver qu’elle est du village ?”
Zeynep dénonce elle aussi les calomnies : “On m’accuse d’être une actrice parce que j’ai candidaté pour une agence de production publicitaire il y a des années, mais je n’ai jamais joué dans une vidéo. Pour eux, je ne ressemble pas à une fille du village parce qu’ils imaginent les paysannes muettes et soumises. Grâce à mes parents, j’ai étudié en gardant des moutons avec un manuel à la main, ils m’ont appris qu’une fille doit être indépendante”, s’émeut-elle.
“Le chantier n’a cessé de s’étendre”
Topçam est un village de Yörük [peuple de langue turque et de culture nomade aujourd’hui largement intégré à la population turque sédentaire] situé au pied du mont Madran.
Le lieu était localement célèbre pour la pureté de ses eaux de source et pour ses pignons de pin, exportés jusqu’en Europe. Mise en bouteille, l’eau de Madran était distribuée comme eau potable dans toute la Turquie. L’huile d’olive, l’apiculture, l’élevage, les fruits et légumes constituaient les autres ressources des 800 habitants du secteur.
Mais le mont Madran est aussi riche en feldspath et en quartz, ce qui lui vaut d’être encerclé par les sociétés minières. Le feldspath est un minerai utilisé dans le verre, la céramique, les peintures et plastiques, tandis que le quartz est utilisé dans le béton et la métallurgie.
Rien que sur le versant du Madran, on compte dix carrières appartenant à trois compagnies différentes. L’une d’elles, exploitée par Eysim Madencilik, se trouve à seulement 70 mètres de la maison de la famille Coskun et jouxte leur oliveraie.
Les parents de Zeynep, Cennet et Ali Coskun sont nés à Topçam. La récolte et la vente des pignons de pin étaient leur principale source de revenus. Avec leurs autres revenus tirés de l’agriculture, de l’élevage et de l’apiculture, ils avaient réussi à envoyer leurs trois filles à l’université. Mais l’arrivée de la mine a bouleversé toute leur existence.
“Au début, en 2012, on croyait que la compagnie ne prendrait que quelques pierres puis repartirait, dit Cennet Coskun, mais le chantier n’a cessé de s’étendre. Puis ils ont commencé à couper les pins pour agrandir la mine. Ils en ont abattu près de mille.”
“Vous finirez par prendre une balle”
À partir de 2016, ce sont les explosions à la dynamite qui ont commencé et duré pendant huit ans. La famille Coskun, qui refusait de quitter sa maison malgré les pressions, a perdu une partie de son bétail, tuée par des éclats à la suite des explosions ou tombée malade à cause de la poussière qui recouvre les lieux en permanence. L’eau des sources a disparu et les arbres se sont desséchés.
“Il y avait deux explosions par semaine, qui faisaient trembler la terre, on aurait dit un séisme. Notre maison en pierre a commencé à se fissurer. Les gendarmes nous forçaient à quitter les lieux pendant les explosions, quand on refusait ils nous emmenaient au poste puis, vers 2 ou 3 heures du matin ils nous disaient ‘le patron vous a pardonné’ et ils nous libéraient.”
Non contente de leur rendre la vie impossible, la compagnie les a aussi menacés.
“Des employés de la mine nous menaçaient, ils nous disaient : ‘Vendez, prenez l’argent et partez, ou vous finirez par prendre une balle.’ Ils nous disaient que la compagnie minière avait des appuis politiques, qu’ils étaient intouchables. Quand j’allais me plaindre à la préfecture, on me disait qu’ils ne pouvaient rien faire parce que la mine avait un permis d’exploitation en règle. Mais est-ce que ça leur donne tous les droits ?”
Le 12 décembre 2021, les menaces sont allées jusqu’à ce qu’un employé tire à trois reprises sur leur domicile depuis le jardin. Le couple a déposé plainte mais le procureur n’a pas jugé utile d’instruire le dossier.
“Ne sacrifions pas demain pour sauver aujourd’hui”
Leur fille Zeynep, diplômée en tourisme et en hôtellerie, travaille désormais dans la ville voisine d’Aydin mais revient sans cesse au village pour soutenir ses parents. Elle déplore que beaucoup de villageois aient préféré travailler pour le compte de la mine.
“Je les comprends, mais j’aurais préféré qu’ils résistent comme nous. Ils préfèrent sacrifier demain pour sauver aujourd’hui. On croyait lutter contre la compagnie, et on se retrouvait à se disputer avec nos voisins”, regrette-t-elle. “Mais aujourd’hui, les villageois comprennent mieux, ils ont constaté les dégâts au fil des ans. Si on s’unit, alors il y a de l’espoir”, souligne-t-elle.
En 2023, la famille Coskun a intenté un procès contre la société minière. Le 31 juillet 2025, le tribunal administratif d’Aydin a partiellement annulé le permis de la société. Depuis près d’un an, plus d’explosions ni d’extraction sur le site. Mais le village est détruit.
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“Nos tomates et nos concombres poussent avec du sable à l’intérieur, l’eau manque… Avant, on récoltait 2 kilos de pignons de pin par arbre, maintenant on a du mal à trouver 500 grammes”, s’inquiète Cennet.
“La mine a laissé un cratère de 200 mètres de profondeur et 500 mètres de largeur. Des montagnes de gravats. On ne pourra jamais réparer ces dégâts. Des agents de l’État sont venus, ils ont soumis une amende à l’entreprise pour des irrégularités dans l’exploitation et des dégâts à l’environnement. Mais ce genre d’amendes ne changent rien : les compagnies paient, ne remettent pas en état et partent s’installer ailleurs”, ajoute son mari.
Une multiplication des cas de silicose
Ali tousse en parlant. “Le médecin m’a dit de cesser de fumer, je lui ai dit que ça faisait vingt ans que je n’avais pas touché une cigarette, il a demandé des analyses approfondies.” Il souffre en fait d’une silicose, une maladie professionnelle des mineurs de fond, due à la poussière inhalée, la même qui a déjà tué la moitié de son cheptel de 65 moutons.
Le porte-parole de la plateforme écologiste locale Cine Yasam [“Vie à Cine”], Ahmet Uslu, alerte : “Les minières ont mis toute la région en coupe réglée. Les 26 villages de la région ont des problèmes d’eau désormais. Les ouvriers locaux aussi sont touchés, 200 d’entre eux sont atteints par la silicose”, s’indigne-t-il.
Le patron d’Eysim Madencilik, Muhammet Demir, possède trois mines dans la région, dont une dans le village de la famille Coskun et une autre près d’une des principales sources de la région. Il vante dans les médias la croissance, “multipliée par dix en dix ans” de son entreprise et se plaint des “pseudo-écologistes” qui tentent de l’empêcher de travailler. “Nous exportons les minerais vers l’Allemagne, l’Espagne et jusqu’au Canada et en Corée du Sud”, se félicite-t-il, tout en déplorant des “contraintes bureaucratiques encore trop importantes”.
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Dans la Turquie d’aujourd’hui, ce qu’il y a sous terre semble plus précieux que tout ce qui se trouve en surface, y compris les vies humaines.
Les sources d’eau, les forêts et les terres agricoles sont sacrifiées sur l’autel de l’extractivisme minier. D’autres Topçam seront sacrifiés pour que les compagnies croissent plus vite et à moindre coût. Mais l’histoire de ces quelques villageois qui refusent d’abandonner leur maison et leur village et résistent laisse entrevoir une mince lueur d’espoir pour l’avenir de ce pays.
Créé en 2020 par un collectif de journalistes, d’écrivains, de cinéastes et de créateurs de contenu photo et vidéo, Fayn est un média indépendant turc qui se définit comme “un studio d’information et de narration numérique nouvelle génération”, produisant des contenus “créatifs” et “innovants”, principalement à destination des réseaux sociaux.
L’organisation compte deux branches : Fayn Studio, qui produit des contenus vidéo, et Fayn Press, lancé deux ans plus tard, axé sur la production d’articles et de vidéos journalistiques.
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