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Médiapart, le 16/03/2019
Par Nicolas Cheviron
Aux prochaines élections municipales, le 31 mars, les électeurs de la ville turque de Manisa, à l’ouest du pays, auront le choix entre un candidat de l’extrême droite pro-Erdogan et celui de la droite extrême anti-Recep Tayyip.
Manisa (Turquie), de notre envoyé spécial.- À moins d’une progression fulgurante du marxisme-léninisme ou de la cause kurde aux prochaines élections municipales, le 31 mars, les habitants de Manisa, une municipalité de 1,4 million d’habitants concentrant l’essentiel de l’activité industrielle du grand port turc d’Izmir, à l’ouest du pays, savent déjà qu’ils seront administrés pour cinq années supplémentaires par l’extrême droite nationaliste.
À droite, la coalition formée autour du président Recep Tayyip Erdogan par son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur, au pouvoir depuis 2002) et le Parti de l’action nationaliste (MHP, nationaliste) a présenté pour candidat unique le maire sortant MHP, Cengiz Ergün, qui brigue un troisième mandat.
À gauche, le Parti républicain du peuple (CHP), deuxième force politique du pays et membre de l’Internationale socialiste, s’est désisté au profit de son allié, le Bon parti (IP), issu d’une scission du MHP, et de son candidat Orkun Siktasli.
Les deux hommes diffèrent par leur âge – respectivement 59 et 48 ans – et par leur tempérament. « Ergün est une copie conforme d’Erdogan : il est cassant, il sait se faire obéir et il n’aime pas parler à la presse si elle n’est pas aux ordres », décrit Hülya Kilinç, directrice de la rédaction du petit journal local Manisa Manset, confessant n’avoir décroché qu’un entretien avec lui en dix ans. Siktasli, pour sa part, « fait confiance au sens commun, il écoute tout le monde », plaide le chef départemental du CHP, Semih Balaban, assurant que son champion est désormais « fortement influencé par la social-démocratie ».
Mais ce sont surtout leurs points communs qui sautent aux yeux : tous deux sont des entrepreneurs qui ont fait fortune dans le BTP. Quand le premier a assumé la présidence du club de foot de Manisaspor, le second s’est investi dans l’équipe de basket locale. Élu conseiller municipal avec l’AKP en 2014, Siktasli a rapidement démissionné du parti présidentiel et n’a eu de cesse, depuis, de soutenir toutes les décisions du maire. La connivence va d’ailleurs plus loin. « Ergün était prêt à se porter candidat pour l’IP. Quand la coalition présidentielle l’a investi, c’est lui qui a suggéré à Siktasli de se présenter avec l’IP », affirme une source proche des milieux nationalistes locaux, parlant sous le couvert de l’anonymat.
Comme ils sont soutenus par des partis qui totalisent 90 % de l’électorat local, l’affaire semble entendue : Ergün ou Siktasli, l’un des deux entrera à l’hôtel de ville.
Le cas de Manisa n’est pas isolé. Dans neuf autres municipalités métropolitaines – qui administrent tout un département – et onze mairies de moindre importance, le CHP a choisi de ne pas présenter de candidat et de soutenir celui de l’IP, qui a, quant à lui, renoncé à vingt-neuf villes, dont treize grandes. Mais les concessions du vieux parti social-démocrate au nationalisme ne s’arrêtent pas aux accords passés avec son partenaire. On les retrouve dans le choix de ses propres candidats – comme Mansur Yavas, à Ankara, transféré du MHP en 2014.
Répondant aux critiques concernant ces nominations lors d’un entretien télévisé, le 8 mars, le leader du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, a remisé aux oubliettes de l’histoire le clivage gauche-droite. « On ne peut pas résoudre les problèmes du XXIe siècle avec des concepts du XVIIe ou du XVIIIe siècle », a-t-il déclaré, avant de prononcer sa chahada (profession de foi) nationaliste : « Moi, j’aime tous les nationalistes. Le nationalisme, ça veut dire quoi ? Est-ce qu’il peut y avoir une chose plus importante que le pays ? L’amour de la patrie, l’amour du drapeau, l’amour des gens, embrasser tout cela. Si c’est ça, le nationalisme, alors moi aussi je suis nationaliste. »
En décembre, Kiliçdaroglu avait déjà apporté son soutien à un projet d’opération militaire turque, alors annoncée comme imminente, contre la région kurde-syrienne du Rojava, « parce que la Turquie est l’un des pays les plus forts de la région et ne doit jamais autoriser la constitution de foyers de terrorisme à ses propres frontières ». Comme il l’avait fait un an plus tôt lors de l’invasion de l’enclave kurde syrienne d’Afrin par les troupes d’Ankara, qui s’est traduite par le déplacement durable de la moitié de ses habitants.
À Manisa, l’attitude du parti historique de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne, est jugée avec sévérité par les petits candidats de la gauche radicale. « Une des plus grandes réussites de l’AKP est d’avoir réussi à fabriquer une prétendue opposition qui lui ressemble », commente Ahmet Cinar, prétendant à la mairie pour le Parti communiste (TKP) et journaliste pour le quotidien du parti, Sol. « L’AKP a tué la pensée partisane. Il ne reste plus qu’un seul parti : le parti de l’opportunisme et du bénéfice. »
Par adhésion partielle, souci d’attirer à soi l’électeur conservateur ou crainte de l’effrayer, l’opposition sociale-démocrate s’est régulièrement mise au diapason de la coalition islamo-nationaliste au cours des dernières années – une tendance qui n’a fait que s’aggraver après son échec lors des élections de juin 2018 et la réélection d’Erdogan à la présidence dès le premier tour de scrutin.
À la décharge du CHP, Ömer Laçiner, directeur de la revue de gauche Birikim, souligne la violence utilisée contre l’opposition par l’AKP, qui répète à l’envie que la victoire de la coalition présidentielle à ces élections municipales – le dernier scrutin prévu avant 2023 – constitue une « question de survie » pour la nation. « Face au langage agressif et ouvertement injurieux du camp AKP-MHP, au vent de terreur judiciaire qu’il fait souffler, à ses pratiques qui ne respectent plus la loi, nous observons une opposition qui, dans sa majorité, donne une image d’impuissance et de faiblesse », écrit l’intellectuel.
Après avoir laminé, au cours des quatre dernières années, la formation de la gauche pro-kurde HDP (Parti démocratique des peuples) – quelque 7 000 de ses militants et cadres sont aujourd’hui en prison, dont son charismatique leader Selahattin Demirtas, ses maires ont été chassés de leurs hôtels de ville au nom de la lutte contre la rébellion kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) –, le pouvoir a aujourd’hui retourné ses foudres contre le CHP et l’IP.
« Une véritable éradication politique »
Relayés par une presse dans sa grande majorité aux ordres, Erdogan et ses ministres se succèdent sur les antennes pour désigner les deux partis comme les suppôts du PKK ou de FETÖ, le réseau du prédicateur Fethullah Gülen, à qui Ankara impute la tentative manquée de coup d’État du 15 juillet 2016. Les accusations sont portées avec d’autant plus de hargne que le HDP a décidé de ne pas présenter de candidat dans toutes les villes de l’ouest du pays où le CHP est tête de file de l’opposition.
« Les ennemis du drapeau et du muezzin se sont trouvé un nouveau toit. Ils essaient de faire entrer le PKK sous le toit du CHP, sous celui d’un mauvais parti qui se dit bon [l’IP – ndlr]. Ils ont présenté des candidats pour les conseils municipaux », a ainsi martelé Erdogan le 13 mars, pendant un meeting électoral. « Mansur (Yavas) en a sur sa liste. Quand il sera élu, ils travailleront pour Kandil », a-t-il poursuivi, faisant référence au quartier général du PKK, dans les montagnes du nord de l’Irak.
Bien placé dans la course à la mairie d’Ankara, selon les sondages, Mansur Yavas a par ailleurs été mis en examen lundi 11 mars pour « malversation » dans le cadre de ses activités d’avocat.
Dans la conservatrice Manisa, les accusations de collusion entre l’opposition et le mouvement güleniste font sourire les connaisseurs de l’histoire locale. « C’est ici, entre Manisa et Izmir, que Gülen a fondé son mouvement, dans les années 1970. La confrérie était et est toujours très puissante dans la ville, affirme l’un d’eux, parlant sous le couvert de l’anonymat. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le ménage n’a pas été achevé dans les cercles politiques de l’AKP. »
La mise à l’index du HDP, en revanche, fonctionne à plein. Après une percée du HDP aux élections générales de juin 2015 – 7 %, soit presque trois fois le score habituel du parti dans la ville –, plus de 400 militants du parti ont été arrêtés, dont 83 ont été placés en détention provisoire, souvent pendant plus de deux ans, pour appartenance au PKK. Certains d’entre eux ont été condamnés à des peines supérieures à dix ans de prison.
« On a vécu une véritable éradication politique », se souvient Hatice Aslan, cocandidate du HDP, qui pourrait passer les 15 prochaines années en prison si sa peine est confirmée en appel. « Aujourd’hui, le pouvoir politique n’emploie qu’un seul langage à l’égard des Kurdes : celui de la guerre et de l’affrontement. Il désigne le HDP comme un virus, le porteur d’une maladie dont tout le monde doit se tenir à l’écart », poursuit-elle.
Dans le centre-ville, impossible de trouver un fanion du HDP – a fortiori un stand ou des militants distribuant des prospectus de campagne. Avec son amie Emine, Büsra y défend les couleurs du petit Parti démocrate (DP, droite), une vieille formation de droite qui n’existe plus guère aujourd’hui qu’à l’échelon municipal. La jeune femme ne cache pas sa détestation de l’AKP. « Ils ont ruiné le pays. L’économie est dans la mouise et pendant ce temps ils ouvrent des écoles religieuses. Je suis originaire de Gaziantep [ville du Sud-Est], et là-bas, ce n’est plus la Turquie, c’est la Syrie », énumère-t-elle.
La machine médiatique progouvernementale a cependant bien fait son travail. Quand on l’interroge sur les raisons pour lesquelles elle ne donne pas son vote à l’alliance IP-CHP, plus à même de faire obstacle à l’AKP, l’étudiante s’insurge : « Je ne pourrai jamais voter pour le CHP depuis qu’ils parlent de Kurdistan. » À l’appui de ses dires, elle montre sur son téléphone une vidéo dans laquelle un cadre de second rang du CHP utilise le mot tabou devant un micro resté ouvert à son insu, vidéo diffusée par la chaîne pro-Erdogan A Haber.
Dans un contexte de tension permanente alimentée par le pouvoir et sa presse, la figure d’Erdogan rassure, et la peur de l’inconnu l’emporte sur l’hostilité envers le régime, même dans des lieux insoupçonnés. « Je ne pense pas que quelqu’un puisse mieux diriger le pays que le Reis actuellement. Beaucoup de gens pensent comme moi. Il n’y a personne d’autre, dans aucun parti, en qui j’ai confiance, pas même dans le mien », confie Tugraç Bilgin, un militant du CHP rencontré sur le stand commun de son parti et du IP.
Le jeune homme, technicien au chômage, s’excuserait presque pour son manque de conviction. « J’ai 23 ans et tout ce que j’ai connu, c’est Tayyip, explique-t-il. Cela me fait de la peine, parce que, dans ma famille, on est tous CHP, mais c’est comme ça. Je pense que Tayyip restera au pouvoir jusqu’à sa mort. »
Dans ces conditions, qu’attendre au niveau local ? Le TKP et le HDP espèrent réaliser un score historique en récupérant les voix des électeurs du CHP résolus à voter à gauche. Le DP entend en faire de même avec les déçus de tout bord. La crise économique pourrait aussi influencer le choix des électeurs, assure Semih Balaban, du CHP. « La crise, on la sent passer : les petits commerçants ferment boutique, les usines de la zone industrielle de Manisa mettent leurs ouvriers en chômage technique, les producteurs agricoles abandonnent la terre », commente le politicien.
Mais la marche semble clairement trop haute pour tous ces partis. « Cengiz Ergün va gagner, parce qu’il utilise tous les moyens de la mairie pour la campagne. Et puis, tout le monde le connaît, jusque dans les villages les plus reculés du département », pronostique Ahmet Cinar. « Les gens sont en colère, il y a du mécontentement dans les deux camps par rapport aux candidats. Mais ils ne changeront pas de camp comme ça, confirme la journaliste Hülya Kilinç. Ce qui me frappe le plus dans cette élection, c’est la confusion et le manque d’intérêt des gens. C’est nouveau. »
Le même constat est valable à l’échelle nationale. « Une bonne partie de l’électorat a des problèmes avec son parti, est critique à son égard, mais ne se voit pas passer vers l’autre bord. Dès lors, soit il va voter en grognant, soit il n’ira pas voter », estime ainsi Bekir Agirdir, directeur de l’institut de sondages Konda, dans le quotidien Hürriyet. Citée par le même journal, une enquête réalisée par l’institut Optimar auprès de 1 500 personnes entre le 24 et le 26 février révèle un taux inédit d’indécis ou de partisans de l’abstention chez les sondés : 33,2 % chez les sympathisants de l’AKP et 27,5 % chez ceux du CHP. L’abstention pourrait ainsi être la grande nouveauté de ce scrutin, dans un pays où elle est en théorie interdite.
Les espoirs de voir ces élections chambouler le paysage politique turc restent faibles. « Même si l’opposition prend [une ville moyenne comme] Antalya ou Adana, cela ne changera pas grand-chose, tant qu’Istanbul et Ankara ne seront pas tombées », commente Naci Sönmez, cocandidat du HDP à Manisa. « Si l’une des deux métropoles change de mains, le pouvoir de l’AKP ne va pas s’effondrer en quelques jours, ce sera progressif. Mais nous serons au début du processus. Sinon, notre travail sera plus difficile », poursuit le politicien chevronné, sans débordement d’optimisme.
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