En Turquie, huit mois après le séisme, le nombre officiel de victimes très contesté

Ouest-France, le 18/09/2023

à Istanbul, Zafer SIVRIKAYA

 
L’estimation de 50 783 décès avancée par les autorités après le séisme du 6 février 2023 ne convainc pas les habitants du sud-est du pays dévasté par la catastrophe, ni certains experts.

Des secouristes à la recherche de victimes à Kahramanmaras, le 9 février 2023, trois jours après la catastrophe. | RONEN ZVULUN, REUTERS

Huit mois après le double séisme du 6 février 2023, les autorités turques sont parvenues à chiffrer à 103 milliards de dollars le coût de la catastrophe. Mais un autre bilan, plus dramatique, fait encore l’objet de débat.

Rapidement établi en avril à 50 783 morts, le nombre de victimes est contesté par une partie de la population. Alors même que certaines familles n’ont toujours pas de nouvelles de proches portés disparus, ce chiffre n’a pas été mis à jour depuis six mois.

Certains y voient une volonté du gouvernement de dissimuler l’ampleur de la tragédie, l’absence de plan anti-séisme et l’échec des services de secours. Hasan est policier dans la ville d’Adiyaman, il a perdu douze membres de sa famille, sans compter les funérailles auxquelles il a assisté dans le cadre de son travail de fonctionnaire :  J’ai participé à tellement d’enterrements sans que le procureur en soit averti… De nombreuses familles ont enterré leurs proches à la hâte sans prévenir les autorités. Le chiffre officiel est faux, bien sûr, mais ils préfèrent s’en accommoder plutôt que de rechercher la vérité », témoigne-t-il.

« Le pouvoir masque les chiffres »

Dans la région d’Antakya, la plus durement touchée par le séisme, les autorités rapportent que plus de 12 000 bâtiments se sont entièrement effondrés le 6 février. Un chiffre contesté par les opposants, qui soulignent que, même s’il était exact, le nombre de victimes devrait être plus élevé qu’annoncé, la plupart des bâtiments en question étant des immeubles d’habitation logeant parfois plusieurs dizaines de familles présentes dans leur domicile lors du séisme survenu à 4 heures du matin.

Il suffit d’aller compter les tombes dans les immenses cimetières anonymes en périphérie de la ville pour comprendre l’absurdité du bilan officiel, s’émeut Aylin Açikgöz, activiste politique et habitante de la ville d’Antakya. Mais le pouvoir masque les chiffres pour ne pas créer de remous dans l’opinion et être rendu responsable de l’ampleur de la catastrophe », estime la jeune femme.

« Le véritable bilan est trois fois supérieur »

D’autres indicent pointent vers un bilan bien plus lourd que celui toujours provisoire des autorités. Les opérateurs de téléphonie mobile auraient comptabilisé 300 000 lignes muettes après le séisme – dont une partie certainement imputable aux appareils perdus pendant la catastrophe — et 183 000 comptes bancaires sont inactifs.

 Le véritable bilan est au moins trois supérieur aux chiffres annoncés  avance anonymement une urbaniste turque qui travaille sur le sujet. Si elle requiert l’anonymat, c’est qu’elle craint d’être poursuivie pour sa remise en cause des chiffres officiels. Depuis octobre 2022, une nouvelle loi punit d’un à trois ans d’emprisonnement la diffusion de  fausses nouvelles .

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