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RFI, le 25/03/2024
De notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer
Le 31 mars, les Turcs se rendront aux urnes pour des élections municipales à l’enjeu national. Porté par sa victoire aux législatives et à la présidentielle de l’an dernier, le président Recep Tayyip Erdogan tentera de reconquérir la mégapole d’Istanbul, dirigée par l’opposition depuis 2019. Mais un parti ultraconservateur, le Yeniden Refah, vient contrarier ces ambitions en présentant son propre candidat au lieu de soutenir celui du pouvoir, comme il l’avait fait l’an dernier. Un choix qui inquiète et provoque la colère du chef de l’État.
Le président Recep Tayyip Erdogan s’adresse aux partisans de l’AKP venus soutenir le maire sortant d’Istanbul Murat Kurum, candidat à sa réélection dans le cadre des municipales, le 24 mars 2024. REUTERS – Umit Bektas
C’est une petite musique qui monte ces dernières semaines en Turquie. Celle de la campagne du Yeniden Refah, parti ultraconservateur, qui s’est lancé dans la bataille des élections municipales.
Fondé il y a cinq ans, ce parti islamiste avait fait alliance avec l’AKP – le parti au pouvoir – aux élections législatives de l’an dernier, et avait soutenu la candidature de Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle. Mais aux municipales, le Yeniden Refah fait cavalier seul. Et il inquiète le camp du pouvoir. L’an dernier, l’AKP a perdu près de 200 000 membres, tandis que le parti islamiste en a gagné plus de 200 000 depuis janvier 2023.
Mehmet Altinöz, son candidat pour Istanbul, confirme que le Yeniden Refah séduit des électeurs déçus de l’AKP. Pour plusieurs raisons, selon lui : « Ils sont en accord avec nos valeurs. Nous sommes les seuls à promettre des mairies morales, sans corruption, sans piston, sans clientélisme. Et puis il y a la crise économique : 90% des Turcs vivent sous le seuil de pauvreté ! Une partie des électeurs de l’AKP cherchent une alternative. »
Vote sanction contre l’AKP ?
Le journaliste politique Kemal Can explique pourquoi les Turcs déçus par le pouvoir se tournent plus facilement vers le Yeniden Refah que vers n’importe quel parti d’opposition.
« On parle d’électeurs mécontents, qui ne veulent plus voter pour l’AKP ou veulent juste lui donner une bonne leçon, mais qui hésitent quand la seule alternative consiste à changer de camp. Or, dans la mesure où le Yeniden Refah a soutenu Erdogan aux dernières élections et ne se comporte pas clairement comme un membre du bloc d’opposition, il devient une alternative possible pour ce type d’électeurs déçus. »
« Politique pirate », dit Erdogan
Dans l’hypothèse d’un score serré à Istanbul entre le candidat de l’AKP, Murat Kurum, et le maire sortant d’opposition, Ekrem Imamoglu, les voix conservatrices captées par le Yeniden Refah pourraient priver le pouvoir d’une victoire. Cela lui vaut de sévères critiques de Recep Tayyip Erdogan, qui a qualifié son ancien allié d’« acrobate de cirque » qui ferait de la « politique pirate dans l’ombre de l’AKP ».
Mehmet Altinöz s’offusque de tels reproches : « Nous ne sommes pas un parti qui fait campagne pour faire gagner ou pour faire perdre un autre candidat… Le fait que le pouvoir réagisse ainsi montre à quel point il est désespéré… Ils n’ont qu’à travailler et gagner les élections, au lieu d’accuser les autres ! »
Si un allié lui fait défaut, Recep Tayyip Erdogan est pourtant loin de s’avouer vaincu. Il a une bonne raison d’espérer : le maire sortant d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, n’a plus que son parti pour le soutenir, alors que presque toute l’opposition avait appelé à voter pour lui en 2019.
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