Diplomatie. La Turquie et l’Égypte finissent d’enterrer une décennie de brouille

Courrier International, le 10/09/2024

Le chef de la diplomatie turque a participé, le 10 septembre, à une réunion de la Ligue arabe au Caire, une première depuis treize ans. La semaine dernière, c’est le président égyptien qui effectuait une visite inédite à Ankara. Il s’agit de relancer les relations entre les deux pays, mais des divergences persistent sur les dossiers régionaux.

“Pour la première fois depuis treize ans, la Turquie participe à une réunion de la Ligue arabe”, rapporte le site Arabi21 à propos du déplacement du ministre des Affaires étrangères turc, Hakan Fidan, le 10 septembre au Caire pour une session ordinaire de la Ligue arabe. Elle sera consacrée aux “affaires régionales”, en premier lieu la guerre à Gaza, ainsi qu’aux “relations entre la Turquie et la Ligue arabe”.

Cette participation s’inscrit dans le cadre de l’“amélioration des relations entre la Turquie et plusieurs pays arabes après une longue période de tensions avec l’Égypte, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite”, ajoute le site.

Les vingt-deux États membres de la Ligue arabe ont dû donner leur accord à cette participation turque, souligne le site Arab Digest, et c’est Le Caire qui a “joué un rôle clé” pour convaincre notamment la Syrie, ajoute le site en citant des sources diplomatiques proches de la Ligue.

Ces relations s’étaient fortement dégradées depuis 2011, dans le contexte du “printemps arabe”. La Turquie soutenait les mouvements révolutionnaires, alors que Riyad et Abou Dhabi menaient une politique contre-révolutionnaire, de même que Le Caire depuis le coup d’État mené par les forces armées égyptiennes en juillet 2013 contre le président élu en juin 2012, Mohammed Morsi, issu des Frères musulmans. C’est Abdel Fattah Al-Sissi qui lui succéda au pouvoir.

Cela avait conduit à un rappel des ambassadeurs respectifs, turc et égyptien. Ce n’est qu’en juillet 2023 que les deux pays ont rétabli leurs relations diplomatiques.

Au début de 2024, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’était déjà rendu en visite au Caire, tandis que le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, a été reçu par son homologue à Ankara le 4 septembre.

Volonté de peser sur le dénouement à Gaza

C’est la guerre à Gaza qui a poussé la Turquie et l’Égypte à accélérer leur rapprochement, affirme le quotidien panarabe qatari Al-Quds Al-Arabi, selon lequel les deux pays estiment avoir besoin l’un de l’autre pour pouvoir peser dans ce dossier.

Mais le dégel avait commencé bien avant sous l’impulsion des pays du Golfe, qui ont soutenu les deux pays, en proie à une crise économique et monétaire depuis plusieurs années.

L’Égypte notamment cherche à s’imposer comme acteur régional incontournable, et la presse égyptienne, à l’instar du quotidien Al-Masry Al-Youm, se plaît à citer le président turc affichant son “soutien au rôle de l’Égypte comme médiateur” dans les négociations pour un cessez-le-feu à Gaza.

Il n’est pas sûr toutefois que les pays de la Ligue arabe – l’Égypte et ses partenaires du Golfe en tête – aient vraiment la même approche de la diplomatie régionale.

L’idée surprise d’une “alliance islamique”

Le 7 septembre, trois jours après la visite d’Abdel Fattah Al-Sissi à Ankara, le président truc a en effet appelé à la création d’une “alliance islamique contre la menace expansionniste croissante d’Israël”, rapporte le quotidien panarabe (financé par les États-Unis) Al-Hurra.

“C’est une idée purement turque, qui n’a pas été abordée avec la partie égyptienne”, commente à ce propos le rédacteur en chef du quotidien égyptien Al-Ahram, cité par le journal. De même, “il n’y a eu aucune réaction” officielle des pays arabes à cette proposition.

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