Crise politique en Turquie : la communauté en France suit les événements entre soutien à l’opposition et résignation

France Info / Radio France, le 25/03/2025

par Emmanuel Bouard

Les locaux de l’association des Alévis de Nancy ont vu passer près de 900 personnes dimanche 23 mars 2025 pour voter symboliquement en faveur d’Ekrem Ä°mamoÄŸlu, le principal opposant au président turc sortant, emprisonné le même jour. • © Savol Dogan/AKM

La communauté turque de Lorraine a apporté massivement son soutien au maire d’Istanbul, Ekrem İmamoğlu, emprisonné depuis le dimanche 23 mars 2025. Le principal opposant au président turc Recep Tayyip Erdoğan a été désigné par son parti, le CHP, comme candidat aux prochaines élections.

Savol Dogan n’en revient toujours pas : « on a été dépassé par l’afflux de votants ! On avait reçu 150 bulletins de vote, et une demi-heure après l’ouverture du bureau, il n’en restait presque plus… On a dû se réapprovisionner sans cesse jusqu’à la fermeture à 17h« .

Dimanche 23 mars 2025, dans les locaux de l’association culturelle des Alévis de Nancy (AKM) il a participé au vote organisé par le Parti républicain du peuple (CHP), le parti d’Ekrem İmamoğlu, afin de désigner le candidat aux prochaines élections présidentielles en Turquie. Le seul candidat en lice a déplacé près de 900 personnes dans toute l’agglomération de Nancy, sur une communauté estimée à 5000 au total. Au total en Lorraine, Ekrem İmamoğlu a recueilli 1600 voix, avec celles recueillies également à Metz et Hayange, selon Ali Atakaya, représentant du CHP pour la région.

Le militant associatif, membre du conseil de surveillance de l’AKM, se réjouit du plébiscite accordé à l’opposant : « on a revu des gens qu’on n’avait pas croisés depuis longtemps, c’était un moment convivial et plein d’optimisme. Contrairement à ce qui s’est passé en 2013, on sent que la population turque dans son ensemble refuse le coup de force d’Erdoğan, d’ailleurs ses partisans ne descendent pas dans la rue pour le soutenir« .

Un soutien à l’opposition au-delà de la personnalité politique

Le président de l’association nancéienne A ta Turquie était parmi les votants. Murat Erpuyan se décrit comme « un homme de gauche, opposant à Erdoğan depuis toujours« . Le professeur de turc au lycée Poincaré de Nancy reconnaît que la mobilisation de ses compatriotes en Lorraine et en France « va au-delà de la personnalité même d’Ekrem İmamoğlu, je suis un partisan de l’union de l’opposition en Turquie, et je vois bien que le soutien qui lui est apporté va bien plus loin que les sympathisants du CHP« .

Murat Erpuyan s’inquiète des violences policières dans les manifestations : « je suis sur internet tout le temps pour voir et lire ce qui se passe… Je suis effaré de voir les policiers frapper et gazer les manifestants à Istanbul alors même que les rassemblements se dispersent !« .

Le site internet de l’association et son forum fournissent de précieux articles et liens en français sur la situation au jour le jour en Turquie, alors que la plupart des médias nationaux, aux mains du pouvoir, ne traitent pas les manifestations et passent sous silence ce coup d’État à l’envers.

Ersin (prénom changé) étudie le journalisme à Nancy et il reconnaît la difficulté de s’informer en temps réel : « mon père, qui déteste ErdoÄŸan, m’a donné des titres de journaux que je peux lire, et qui sont fiables, de gauche comme de droite. J’utilise les réseaux aussi…« . À distance, les Turcs de Lorraine restent complètement connectés aux événements du pays : « je sens un mouvement très différent de celui de 2013 parce que le mouvement est parti des universités, et qu’il a gagné tout le pays rapidement » s’enthousiasme Savol Dogan.

Huseyn (prénom changé) est enseignant dans un lycée nancéien. Il reste prudent : « je ne suis pas sûr que ça soit le coup de trop pour ErdoÄŸan… les Turcs sont révoltés par ce qui se passe, ils ne sont pas dupes, mais beaucoup sont résignés après autant d’attaques contre la démocratie depuis vingt ans« . Le trentenaire pense que l’issue de la crise « réside dans le degré d’adhésion à la démocratie des partisans d’ErdoÄŸan. Je suis certain qu’une partie d’entre eux est dans la rue en ce moment, en colère contre le président et son coup de force, mais est-ce que ça sera suffisant ?« .

Une manifestation en soutien à Ekrem İmamoğlu a rassemblé 2600 personnes place Kleber à Strasbourg mardi 25 mars 2025 selon le représentant local du CHP, et une grande manifestation est annoncée dimanche 30 mars 2025 à Bruxelles.

Lors des dernières élections présidentielles en mai 2023, Recep Tayyip ErdoÄŸan avait remporté les suffrages de l’étranger, avec 60% des votes en dehors du pays, contre 52% en Turquie. La proportion en Lorraine, selon des responsables de la communauté, est également en faveur du président en poste. Les prochaines élections présidentielles en Turquie doivent se tenir en 2028.                                                           

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