Conflit. La Turquie avance difficilement dans son offensive contre le PKK en Irak

Courrier International, le 08/06/2022

Ankara poursuit ses opérations contre la guérilla kurde du PKK dans le nord-ouest du pays. Sa progression sur le terrain est lente, même si la rivalité politique entre la famille Barzani et le PKK joue en sa faveur. Par ailleurs, la Turquie se prépare à une offensive en Syrie, en attendant le feu vert de Moscou.

La Turquie poursuit son opération militaire lancée au mois d’avril dans le Kurdistan irakien contre la guérilla kurde du PKK. Les combats ont lieu dans les montagnes, dans le nord-est de l’Irak, dans les régions de Zap et de Metina, dont l’armée turque essaye de s’emparer pour pouvoir progresser vers les monts Qandil, fief de l’organisation.

Les forces armées turques, qui progressent pas à pas dans cette zone au relief escarpé, font officiellement état d’une quinzaine de morts dans leurs rangs (un chiffre contesté par le PKK). “Autour de 150 terroristes séparatistes ont été mis hors d’état de nuire depuis le début de l’opération”, affirme un éditorialiste du journal progouvernemental Star.

Le média proche du PKK Medya Haber dénonce, lui, un usage d’armes chimiques par les forces turques :

“Malgré les intenses bombardements, la guérilla tient bon dans les tunnels creusés dans les montagnes, l’armée turque a donc, comme elle l’avait déjà fait à une reprise l’année dernière, recours à des armes chimiques pour déloger les combattants. Du fait des gaz, huit guérilleros sont tombés en martyrs dans la région de Ciyares et cinq dans celle de Kurojahro.”

La Turquie mène également en parallèle une guerre de renseignement et une campagne d’assassinats dans les grandes villes kurdes irakiennes où le PKK est influent. “Un des dirigeants du PKK mis hors d’état de nuire”, se félicite ainsi le quotidien Sabah, qui rapporte qu’une opération des services secrets turcs, le MIT, a permis de viser un cadre de l’organisation, Mehmet Dogan, non loin de la ville de Souleimaniyé.

Le risque d’affrontements entre différents mouvements kurdes

Si le gouvernement irakien a critiqué l’opération turque, considérant qu’elle violait sa souveraineté territoriale, Ankara peut compter sur le soutien du gouvernement de la région kurde d’Irak, tenu par la famille Barzani, qui partage de nombreux intérêts économiques avec la Turquie et s’oppose au PKK, qu’il voit comme un rival politique.

Les forces du gouvernement régional autonome ne participent pas directement aux combats, mais elles fournissent de précieux renseignements à l’armée turque, et la possibilité de leur implication plus directe dans les affrontements inquiète le PKK, comme le rapporte l’agence kurde Firat News, citant un responsable de l’organisation :

“Si les forces du KDP [le parti de la famille Barzani] décident, comme elles semblent tentées de le faire, d’attaquer les nôtres dans la région de Metina, alors elles doivent savoir que nous leur déclarerons la guerre et que les combats s’étendront à l’ensemble du territoire.”

Prochaine intervention en Syrie ?

La Turquie menace par ailleurs d’intervenir en Syrie, contre les Forces démocratiques syriennes (FDS) qui tiennent une partie du nord du pays après y avoir défait le groupe État islamique (EI, ou Daech) et qu’Ankara considère comme émanant directement du PKK.

Mais une éventuelle intervention militaire dans le nord-est du pays suppose qu’Ankara obtienne le feu vert de la Russie, sont des troupes sont stationnées dans la région, en soutien au régime de Bachar El-Assad.

Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, est attendu pour une visite officielle et une rencontre avec le président turc Recep Tayyip Erdogan mercredi 8 mai à Ankara.

La question d’un éventuel feu vert russe à une intervention turque sera “très probablement abordée” à cette occasion, d’après le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, ce que souligne le média en ligne Gazete Duvar.

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