Ce parrain mafieux qui fait trembler l’État turc avec des vidéos postées sur les réseaux sociaux

Ouest-France, le 27/05/2021

De notre correspondant Zafer SIVRIKAYA, à Istanbul. 

 
Sedat Peker multiplie les accusations contre l’entourage du président Erdogan. | CAPTURE D’ÉCRAN YOUTUBE  

 Dans des vidéos suivies par des millions d’internautes en Turquie, Sedat Peker multiplie les déclarations visant de hautes personnalités de l’entourage du président Erdogan.Un trépied et une caméra, voilà ce qui causera votre chute !​ C’est la promesse réitérée de Sedat Peker, adressée à certaines figures politiques parmi les plus puissantes de Turquie. En cavale, ce caïd de 49 ans diffuse, depuis le début du mois, sur les réseaux sociaux, des vidéos consultées par des millions de Turcs. Il y règle ses comptes avec ses ennemis du monde politique, déballant par la même occasion des scandales à l’ampleur inédite.

Trafic de drogue, viols, tabassages, assassinats de journalistes : la sordide liste des révélations du parrain déchaîne une partie de l’opinion publique et des politiques. Dans les années 1990, au nom du combat contre la guérilla kurde, on a vu se développer des liaisons dangereuses entre la mafia, des groupes d’extrême droite et des services de l’État. Cette alliance contre-nature a continué à prospérer jusqu’à nos jours. Nous n’avons cessé de la dénoncer. Mais cette fois, c’est différent : les révélations émanent d’un homme de l’intérieur de ce système​, estime Sezgin Tanrikulu, député du CHP, le principal parti d’opposition.

« Une sorte de haut dignitaire »

Friand des apparitions publiques, Sedat Peker, 49 ans, est connu depuis trente ans dans tout le pays. Militant de la cause ultranationaliste, il avait fini par rallier ouvertement le camp du président Erdogan autour de 2015. Le voyou n’hésitait pas, alors, à tenir en personne des meetings politiques, notamment à Rize, ville natale du chef de l’État. Au faîte de sa gloire, il bénéficiait même d’une escorte de policiers-gardes du corps mis à sa disposition par le ministère de l’Intérieur : Ils me suivaient partout, même en visite à l’étranger, comme si j’étais une sorte de haut dignitaire », ​s’esclaffe-t-il.

Mais tombé en disgrâce, le bandit s’enfuit dans les Balkans, puis à Dubaï. Et en avril 2020, une opération policière vise son organisation, une cinquantaine de ses hommes de main sont arrêtés, le domicile de sa femme et ses filles perquisitionné. Depuis, il ne décolère pas, multipliant les révélations et les accusations contre des députés de la majorité, des fils d’ex-ministres et même contre le redouté ministre de l’Intérieur, Süleyman Soylu.

Certaines des accusations les plus spectaculaires du parrain sont portées sans l’appui d’aucune preuve autre que sa parole, mais certains éléments les rendent crédibles, notamment le fait qu’il confesse sa propre participation à certains méfaits.

Bien que le mafieux s’abstienne de le citer, les accusations qui visent son entourage pourraient encore fragiliser la position du président Erdogan, déjà ébranlée par une profonde crise économique.

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