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Courrier international, le 08/01/2023
Réunis en Suède, des dirigeants des pays nordiques et de l’Alliance atlantique ont assuré pouvoir convaincre Ankara de ratifier l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan. Toutefois, pour des journaux de Stockholm, les concessions suédoises faites à la Turquie ne suffiront pas.
Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, lors de son discours à la Conférence annuelle sur la sécurité et la défense organisée à Sälen, en Suède, le 8 janvier 2023 . PHOTO HENRIK MONTGOMERY/AFP
Quoique non représentée à un haut niveau, la Turquie était dans tous les esprits lors de la Conférence annuelle sur la défense et la sécurité qui s’est tenue du 8 au 10 janvier dans la station de ski suédoise de Sälen. Et pour cause, Ankara continue de refuser de ratifier l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan, près de huit mois après l’annonce de leurs candidatures. Présent à Sälen (400 kilomètres au nord-ouest de Stockholm), le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a déclaré au quotidien libéral Expressen être “confiant” quant à l’issue de ce bras de fer. Mais il a refusé de “promettre quoi que ce soit en termes de calendrier”, tant la Turquie s’est montrée ferme jusqu’à présent.
Ce dirigeant a toutefois tenu à rappeler que, comparativement à des candidatures précédentes, “les choses sont allées très vite” pour celles de la Suède et de la Finlande. Les Parlements de vingt-huit des trente membres actuels les ont d’ores et déjà ratifiées. La Hongrie, elle, “semble sur la bonne voie”, son Parlement devant a priori donner son feu vert en février. “Le vrai problème, c’est la Turquie”, observe le quotidien Svenska Dagbladet.
Tendre la main à Ankara
Pour ce journal conservateur, le gouvernement suédois n’a d’autre solution que de “continuer à jouer le jeu, avec une main tendue” à Ankara. Tout autre choix – l’arrêt des pourparlers ou un retrait de la candidature – serait “dévastateur pour la sécurité suédoise – et finlandaise”.
C’est donc dans un état d’esprit constructif que Stockholm a abordé sa campagne en vue de convaincre le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Le quotidien Dagens Nyheter (libéral) parle même d’un “plan suédois”, qui mêle diplomatie, échanges bilatéraux entre policiers et procureurs, et économie. Ainsi des représentants d’entreprises suédoises ont accompagné le Premier ministre conservateur, Ulf Kristersson, à Ankara en novembre dernier.
Le journal note, avec d’autres, un net changement d’attitude de la part de Stockholm, en rupture avec la politique traditionnelle de soutien sans faille aux Kurdes, dont une diaspora importante (environ 100 000 personnes) vit dans le royaume.
“Lorsque la Turquie bombarde le nord de la Syrie, [le nouveau ministre des Affaires étrangères Tobias] Billström ne la critique pas mais réaffirme son droit à se défendre”, constate un des principaux experts de la Turquie en Suède, Paul Levin, dans le même article.
Loi contre la “propagation de la terreur”
Autre signe en direction du président Erdogan, Stockholm accélère la manœuvre de manière qu’une nouvelle loi interdisant “la propagation de la terreur” entre en vigueur au 1er juillet. “Et cela pourra inclure le simple fait d’agiter des drapeaux”, par exemple ceux du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), formation considérée comme “terroriste” par Ankara, déplore le magazine de gauche ETC.
Le gouvernement suédois a précisé que la possession de drapeaux de ce genre ne constituerait pas une preuve en soi mais pourrait servir d’indices à un procureur. Quoi qu’il en soit, “rien n’indique qu’il y a une limite à l’humiliation que ce gouvernement – et, avant lui, le social-démocrate – est prêt à endurer pour obtenir l’adhésion convoitée à l’Otan”, déplore l’éditorialiste d’ETC.
Selon un sondage Ipsos publié par Dagens Nyheter, une grande majorité de Suédois interrogés (79 %) pensent que leur pays “doit défendre les lois et les principes” en vigueur dans leur pays vis-à-vis de la Turquie, “même si cela retarde notre adhésion à l’Otan” (10 % pensent le contraire). Le soutien à l’entrée dans l’Alliance, lui, s’est stabilisé aux alentours de 60 %.
“Une crise pour l’Otan” si le veto turc dure
Que se passera-t-il si, après les élections présidentielle et législatives de juin en Turquie, le Parlement de ce pays continue à rejeter les candidatures nordiques à l’Otan ? “Cela signifierait alors une crise pour l’Otan en tant qu’organisation”, a lancé le chef de la diplomatie finlandaise, Pekka Haavisto, interrogé à Sälen par Svenska Dagbladet. Pour la Finlande, en tout cas, il n’est pas question de se désolidariser de son voisin scandinave en jouant sa propre carte auprès d’Ankara, même si son dossier est plus favorable.
Avant de quitter la conférence de Sälen, une journaliste du même journal, Therese Larsson Hultin, en est convaincue : “Les États-Unis commenceraient alors à utiliser le bâton et la carotte pour faire rentrer les Turcs dans le rang.” Et “même si le président français Macron ou le chancelier allemand Scholz souhaitent entrer dans le jeu, seuls les États-Unis ont les muscles” pour forcer la main à Ankara.
Antoine Jacob
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