Une autre guerre commerciale fait rage, qui oppose Nutella aux spéculateurs. “Les négociants turcs de noisettes sont dans une impasse avec Ferrero, le groupe italien de confiserie”, propriétaire de la plus connue des pâtes à tartiner, explique le Financial Times.

La récolte du précieux fruit à coque en Turquie, premier producteur et exportateur mondial, est catastrophique cette année, les arbres ayant subi “le gel au printemps et l’attaque d’un ravageur” – la punaise marbrée brune. Résultat : le prix des noisettes a “presque doublé depuis le début de l’été”.

 

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Le géant italien de la confiserie, qui en “consomme environ un quart de la production mondiale”, a donc décidé de “geler ses achats, en puisant dans ses propres réserves et en s’approvisionnant au Chili et aux États-Unis”, poursuit le quotidien économique britannique.

 

Le Godot de la noisette

La tactique n’aura pas suffi à faire baisser les prix : les négociants turcs ont “acheté en masse aux cultivateurs, en faisant le pari que le plus gros consommateur au monde de noisettes serait bientôt contraint” de leur passer commande. Giles Hacking, un négociant à Londres, résume : “Ces types font quasiment chanter Ferrero.”

Le directeur en charge de l’approvisionnement de Ferrero, Marco Botta, préfère en plaisanter, expliquant que le groupe italien est “le nouveau Godot des rois de la noisette turque” – clin d’œil à la pièce de Samuel Beckett où deux protagonistes attendent sans fin Godot. Il ajoute :

“Nous ne sommes pas pressés d’acheter.”

En Turquie, une année “normale” équivaut à une récolte de 600 000 à 700 000 tonnes, soit “les deux tiers de la production mondiale”. En 2025, le volume ne devrait pas dépasser 500 000 tonnes. Cemil Temiz, président de la plus grande coopérative de producteurs, est encore plus pessimiste : “Je ne crois pas que le chiffre réel dépasse 300 000 tonnes.”

Dans les collines de la province d’Ordu, le long de la mer Noire, un cultivateur, qui n’a ramassé que 30 kilos, contre 1,5 tonne habituellement, explique : “Les prix des noisettes augmentent, mais ils sont exactement là où ils devraient être.” La hausse est en effet bienvenue dans ce pays qui subit une inflation dépassant 30 % et où “le salaire minimum d’un cueilleur avoisine 1 200 lires par jour” (environ 25 euros). Et puis, ajoute Saadettin Irmakçi, “les pêcheurs en mer Noire font en un seul jour ce que nous gagnons en un an”.