Cela faisait six ans que le leader islamo-nationaliste turc, Recep Tayyip Erdogan, n’avait pas été reçu à la Maison-Blanche. L’ancien président américain Joe Biden, qui s’était abstenu de toute visite en Turquie au cours de son mandat, avait annulé au dernier moment la visite officielle du président turc, en mai 2024.

Ce jeudi 25 septembre, le président turc devrait y retrouver son “frère” Donald Trump, comme il a l’habitude de le surnommer. La visite a été préparée en amont, notamment par le fils aîné du président américain, Donald Trump Jr., qui s’est rendu discrètement en Turquie, mi-septembre, pour s’entretenir directement avec Recep Tayyip Erdogan.

Censé rester secret, le voyage du fils Trump, qui possède des intérêts économiques importants en Turquie avec les Trump Towers d’Istanbul, était signalé dans le protocole présidentiel comme une visite d’“hommes d’affaires” anonymes, mais il avait été révélé par l’opposition, rapporte le média en ligne T24.

 

Levée des barrières douanières

Özgür Özel, le leader du principal parti d’opposition – dont les maires et élus des principales villes de Turquie ont presque tous été arrêtés ces derniers mois –, s’est indigné du “soutien de Trump à la politique antidémocratique à l’œuvre en Turquie”, souligne le média.

Pour s’attirer les bonnes grâces du président américain, très sensible à ces sujets, la Turquie a annoncé lever ses barrières douanières sur une série de produits américains, dont les alcools et les automobiles, alors que le président Erdogan prenait l’avion pour les États-Unis, où il s’est d’abord rendu à l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies (ONU), souligne le quotidien Cumhuriyet.

La perspective d’une signature d’un très gros contrat entre la Turquie et la firme d’aviation Boeing pour l’achat de plusieurs centaines d’avions civils devrait aussi séduire le magnat de l’immobilier américain, friand de ce genre de deals.

En échange, la Turquie espère pouvoir, avec l’aide du président américain, être réintroduite dans le programme de développement et de livraison des avions de combats de dernière génération F-35, d’où elle avait été exclue en 2021, après son achat des systèmes de défense russes S-400.

Interrogé par la version turque de la Deutsche Welle, l’ancien ambassadeur américain en Turquie James Jeffrey estime que des avancées sont possibles sur ce dossier important pour l’avenir de l’aviation militaire turque. Même si le président américain devra peser de tout son poids pour convaincre le Congrès, dont l’aval est nécessaire pour réintroduire la Turquie dans le programme.

Le 23 septembre, lors de son discours à l’ONU, le président américain a dénoncé l’achat de pétrole russe par des pays de l’Otan, affirmant que cela finançait l’effort de guerre de la Russie en Ukraine. Or la Turquie, membre de l’Otan, représente à elle seule autour de 6 % des exportations russes de brut. Elle est aussi l’un des principaux importateurs de dérivés pétroliers russes (diesel, gasoil, carburant pour l’aviation, etc.).

Ce sujet sera probablement abordé par les deux dirigeants, estime le quotidien de gauche Evrensel. D’autant que des appels à une alliance avec la Chine et la Russie, et une distanciation avec l’Otan, ont été récemment lancés au sein de la coalition au pouvoir.

 

Abandonner les Kurdes

Mais, selon le journal, c’est l’avenir de la Syrie qui sera au cœur de la rencontre entre Trump et Erdogan. Surtout, le président turc entend convaincre les États-Unis d’abandonner leurs alliés kurdes, avec qui ils ont défait l’État islamique et qui tiennent désormais le nord-est de la Syrie.

En Syrie, les Kurdes et les Druzes réclament de l’autonomie au nouveau pouvoir central.En Syrie, les Kurdes et les Druzes réclament de l’autonomie au nouveau pouvoir central. SOURCE : LIVEUAMAP

 

Ankara s’exaspère du refus des forces kurdes de se désarmer et de se soumettre entièrement à l’autorité du président syrien, Ahmed El-Charaa, un ancien djihadiste soutenu par Ankara. Des combats de faible intensité ont opposé ces derniers jours les forces de Damas et les forces kurdes dans plusieurs zones du pays.

Selon le quotidien Milliyet, le président syrien aurait récemment confié que la Turquie pourrait intervenir militairement contre les milices kurdes si elles n’acceptaient pas de déposer les armes d’ici au mois de décembre. Pour lancer une telle opération, Ankara espère obtenir le retrait des militaires américains actuellement déployés aux côtés des Kurdes.