“Pour qui vous vous prenez pour croire que vous avez le droit de commenter ce que les femmes doivent faire de leurs corps, je vous hais de toutes mes forces !” a aussi commenté Esma Yilmaz sur le réseau social Instagram, comme le rapporte la principale chaîne d’opposition, Halk TV. La jeune actrice est à l’affiche de la série à succès Les Bourgeons rouges qui dépeint l’emprise des communautés religieuses en Turquie.

 

Plus de la moitié des accouchements

Les centres médicaux privés qui ne disposent pas de salles d’opération adaptées ni de lits d’hôpital pour y passer la nuit ne seront désormais plus autorisés à pratiquer des césariennes, a annoncé le ministère de la Santé, comme l’explique le média en ligne Diken. Une mesure qui semble de bon sens et destinée à protéger les patientes et leurs enfants mais qui est accueillie avec suspicion.

“Cette loi concerne les centres médicaux pour l’instant, mais on ne sait pas jusqu’où elle pourra aller. Avec cette interdiction de la césarienne, le pouvoir prépare l’interdiction de l’avortement”, s’alarme la Coalition des femmes, une association de défense des droits des femmes, citée par le média en ligne T24.

La Turquie est le pays de l’OCDE qui pratique le plus l’accouchement par césarienne, dans 60 % des cas en 2022 (contre 29 % pour la moyenne européenne), souligne la BBC Türkçe, qui notait même, en 2017, que la Turquie était le pays à pratiquer le plus de césariennes dans le monde.

Le média relève que ces records peuvent s’expliquer par la défiance des femmes turques envers un système de santé publique défaillant qui les pousse à se tourner vers le secteur privé. Ce dernier, pour des raisons financières, a intérêt à multiplier les opérations et, donc, à pousser les patientes à pratiquer un accouchement par césarienne, selon l’obstétricienne et gynécologue Gülnihal Bülbül. Les césariennes sont également plus sûres pour le médecin, qui se protège ainsi des éventuels risques judiciaires en cas de complications lors de l’accouchement par voie basse, explique la docteure.

 

Remise en cause de l’égalité hommes-femmes

“Pourquoi le fait que notre ministère incite à accoucher selon les voies normales les dérange-t-il autant ?” s’interroge le président islamo-nationaliste, Recep Tayyip Erdogan, dans des propos rapportés par le quotidien Yeni Safak. La source de cette défiance est probablement à chercher dans les actes et les déclarations du chef de l’État turc concernant les femmes, ainsi que dans plusieurs affaires.

Recep Tayyip Erdogan, qui remet ouvertement en cause l’égalité entre les hommes et les femmes, enjoint régulièrement à ces dernières de faire “au moins trois enfants” et a notamment déclaré en 2012 que l’avortement était un “meurtre”, avant de renoncer à modifier la loi qui le rend légal depuis 1983.

La Turquie s’est par ailleurs retirée, en juillet 2021, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Elle avait été adoptée à Istanbul en 2011.

Des polémiques ont aussi éclaté ces dernières années dans le pays au sujet du mariage des enfants ou encore d’un projet de loi, déposé (puis retiré) en 2016, qui aurait entraîné la dépénalisation, dans certains cas, des viols sur mineurs.