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Les Echos, le 10/12/2024
Par Killian Cogan
La Turquie, qui a indirectement soutenu le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham, espère désormais profiter du nouveau contexte politique. Parmi les enjeux, le rapatriement du plus grand nombre possible de réfugiés syriens présents sur son sol.
Des réfugiés attendent à la frontière syrienne, le 9 décembre. La Turquie compte plus de trois millions de Syriens sur son territoire. (Ozan KOSE/AFP)
Quel a été le rôle exact de la Turquie dans la chute du régime de Bachar Al-Assad en Syrie ? Si Ankara a nié son implication dans l’offensive spectaculaire entamée par les islamistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTC) fin novembre, les observateurs s’accordent à dire que celle-ci n’a pu être menée sans l’aval du gouvernement turc.
Car, bien que HTC opère de manière autonome et ne soit pas directement sous la coupe de la Turquie – contrairement aux milices de l’Armée nationale syrienne (ANS) présentes dans le nord du pays -, le groupe islamiste entretient néanmoins des liens étroits avec Ankara et jouit d’un soutien de sa part.
S’adressant au quotidien pro-gouvernemental « Hürriyet », les services de renseignement turcs ont admis la semaine dernière qu’ils « surveillaient étroitement le terrain depuis trois mois », qu’ils avaient « effectué tous les préparatifs nécessaires » et qu’ils étaient « pleinement déployés sur place ».
Une victoire géopolitique
Le site d’information Middle East Eye, basé à Londres, cite une « source sécuritaire » qui a révélé que les autorités turques avaient donné le feu vert à HTC pour une « opération limitée dans la campagne alépine ». A l’instar des rebelles eux-mêmes, la Turquie n’escomptait sans doute pas une telle victoire de leur part face à l’armée de Bachar Al-Assad. Bien que cela demeure incertain, Ankara ressort gagnant de ce nouveau contexte syrien en s’y posant en acteur de premier plan.
Au-delà de sa victoire géopolitique, notamment face à la Russie, la Turquie espère tirer profit de cette configuration syrienne post-Al-Assad. « Alors qu’une nouvelle ère s’ouvre à Damas, nous serons aux côtés de nos frères syriens, comme nous l’avons déjà été lorsqu’ils ont vécu des moments difficiles, a déclaré le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan à un groupe d’ambassadeurs depuis la capitale turque ce lundi. Nous poursuivrons nos efforts pour le retour sûr et volontaire des Syriens et pour assurer la reconstruction du pays. »
Expulsions et gros contrats à venir
L’un des principaux objectifs d’Ankara sera en effet d’assurer le rapatriement en Syrie du plus grand nombre possible de réfugiés présents sur son sol. Les plus de trois millions de Syriens qu’abrite la Turquie font l’objet d’une hostilité grandissante, à tel point que la question de leur retour est devenue une priorité du gouvernement turc. Celui-ci en expulsait déjà de manière quasi systématique vers le nord de la Syrie depuis la réélection de Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle de 2023.
Par ailleurs, le gouvernement turc cherche déjà à se conférer une place prépondérante dans la reconstruction de la Syrie. Le président Erdogan, qui entretient une connivence de longue date avec le secteur du BTP, favorisera les entreprises turques. Les actions de sociétés turques de construction, notamment les cimentiers et les sidérurgistes, ont bondi en Bourse au lendemain de la chute de Bachar Al-Assad.
Des assauts contre les milices kurdes
La Turquie profitera enfin de la nouvelle donne pour intensifier sa lutte contre les groupes kurdes liés au PKK présents dans le nord-est de la Syrie. Dès la semaine dernière, alors que HTC menait son offensive contre Alep, Ankara a lancé, dans la ville de Tell Rifaat, un assaut contre les milices kurdes des YPG par l’intermédiaire de l’Armée nationale syrienne. Dimanche, cette formation islamiste sous la coupe turque poursuivait son offensive contre les YPG en prenant la ville de Manbij. Pour ce qui est du prochain gouvernement syrien, Hakan Fidan a d’emblée prévenu que « tout groupe qui serait une extension du PKK ne pourrait pas participer aux négociations sur l’avenir de la Syrie. »
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