Euro 2024 : la Turquie, qualifiée pour la suite du tournoi, prolonge le « sommermärchen » de ses supporteurs

Le Monde, le 27/06/2024

Par Aude Lasjaunias (Hambourg [Allemagne], envoyée spéciale)

Tombeurs de la République tchèque (2-1), les Bizim Çocuklar accèdent aux huitièmes de finale d’une compétition internationale pour la première fois depuis 2008. Un moment « historique Â» que leurs fans ont savouré dans la fan-zone de Hambourg.

Dans la fan-zone de Hambourg, lors du match du groupe F de l’Euro 2024 entre la Turquie et la République tchèque, le 26 juin 2024. « LE MONDE Â»

Comment dit-on sommermärchen (« conte d’été Â», cette période d’allégresse que l’Allemagne a connue en accueillant le Mondial 2006) en turc ? On aurait bien posé la question aux supporteurs des Bizim Çocuklar (« les Minots Â») réunis dans la fan-zone de Hambourg, mercredi 26 juin, mais ils sont trop occupés à célébrer. Pas dit, de toute façon, que l’on aurait entendu la réponse dans le concert des cris, des chants, des klaxons qui résonnent dans la ville portuaire, depuis le coup de sifflet final du match contre la République tchèque.

Les images du Volksparkstadion retransmises sur les grands écrans installés aux abords du stade Millerntor, sur le Heiligengeistfeld – le « champ du Saint-Esprit Â» – dans le quartier de St. Pauli, avaient donné le ton. Ce bourdonnement qui part des tribunes, avant l’explosion de joie alors que l’arbitre roumain, Istvan Kovacs, officialise la fin de la partie sur le score de 2-1 en faveur des hommes du Bosphore.

La Turquie est qualifiée pour les huitièmes de finale de l’Euro 2024 de football, un niveau qu’elle n’avait plus atteint dans une grande compétition internationale depuis 2008. Clin d’œil de l’histoire, cette année-là, déjà, elle s’était inclinée contre le Portugal lors des phases de groupes, avait remporté son autre duel – face la Suisse – et jouait son billet pour la suite du tournoi continental contre la République tchèque. Une rencontre à rebondissements, qui avait vu les Minots, menés 0-2, renverser l’issue en une quinzaine de minutes, pour l’emporter sur le fil, 3-2.

Là, le suspens était moindre. Les Bizim Çocuklar commençaient la partie en ballottage favorable grâce à leur victoire contre la Géorgie. Leurs adversaires du soir ayant été défaits par la Seleçao et tenus en échec par les Croisés de Willy Sagnol, un match nul suffisait à s’assurer la place de dauphin du groupe F. Pas besoin d’un miracle, a priori pour voir s’embraser la foule du champ du Saint-Esprit. Fallait-il encore « garder la tête froide Â», reconnaissait le sélectionneur italien de l’équipe turque, Vincenzo Montella, car dans l’été jusque-là timide de Hambourg, la température est montée d’un cran, au sens propre comme au figuré.

La prestation ratée contre Cristiano Ronaldo et les siens, quatre jours plus tôt, avait laissé des traces. « J’ai regardé le match jusqu’à 2-0 [le score final a été 3-0], après j’ai éteint la télévision, raconte Ozan (les personnes interrogées par Le Monde n’ont pas souhaité donner leur nom de famille). Le Portugal n’était pas incroyable en plus… Mais la Turquie était pire. Â» Pas de quoi le dissuader pour autant le jeune homme de 25 ans, drapeau en main et maillot de la sélection sur les épaules, d’assister avec des amis, à son premier match dans la fan-zone. Et il s’est même rendu sur site avec près de quatre heures d’avance sur le coup d’envoi. « On sait que ça sera plein dans peu de temps, l’ambiance va être dingue. Â»

« Je préfère insister sur ce moment historique Â»

Melisa, aussi, n’avait jusqu’alors pas mis les pieds sur le Heiligengeistfeld de cet Euro, préférant regarder les rencontres dans un cadre plus restreint. Là, l’enjeu méritait le déplacement – « une qualification pour les huitièmes, quand même ! Â». La ferveur observée dans les rues après la victoire contre la Géorgie et avant la « catastrophe Â» contre la Seleçao a fini de la convaincre. « Ã‡a ne me surprend pas vraiment, raconte cette native de Hambourg, 28 ans. Je regarde le championnat turc et je peux vous garantir que les supporteurs sont fous, ils vivent pleinement le football. Â»

Ce mercredi n’a pas fait exception. Chaque carton du camp adverse – dont un rouge pour le milieu Antonin Barak, qui avait déjà été averti, à la 20e – a été accueilli par des applaudissements. Chaque action dangereuse, par un frisson de la foule. Chaque occasion manquée, par un souffle de désespoir. Le tout parsemé de « Tür-ki-ye !Tür-ki-ye ! Â» repris en chÅ“ur. Le scénario de la rencontre a aussi aidé : ce but du capitaine, Hakan Çalhanoglu, au retour de la pause, qui a donné l’avantage aux Bizim Çocuklar (51e), avant que son homologue tchèque, Tomas Soucek, relance la reprezentace (« la représentation Â») un quart d’heure plus tard (66e).

Et que dire de cette fin de partie tendue, où Istvan Kovacs n’a eu de cesse de rappeler les joueurs des deux camps à l’ordre – onze cartons jaunes auront été distribués côté turc, cinq jaunes et deux rouges côté tchèque, un record pour le tournoi –, jusqu’à la délivrance avec un tir puissant de Cenk Tosun dans les arrêts de jeu (90e + 4). La marée rouge de la fan-zone pouvait enfin exulter.

Le sommermärchen turc se prolongera donc, au moins, jusqu’au 2 juillet et le huitième de finale contre l’Autriche, à Leipzig. « Ã‡a va être compliqué, mais on peut compter sur une super génération et ce sera un beau duel Â», prédit l’ailier Baris Alper Yilmaz, élu homme du match mercredi. Son sélectionneur, quant à lui, préfère savourer l’instant : « Les joueurs méritent cette qualification. Les fans méritent cette qualification, les millions de supporteurs qui nous suivent ici, en Turquie, et ailleurs. Je préfère insister sur ce moment historique plutôt que de me projeter sur la prochaine rencontre. Â» Au moins jusqu’à demain.

Dans la fan-zone, Dogu, 43 ans, se souvient de l’épopée « glorieuse Â» des Bizim Çocuklar, qui avaient atteint le dernier carré de l’Euro 2008, avant d’être éliminés par la Mannschaft. En cas de sortie des Minots, cet Allemand de naissance serait déçu, mais rien d’insurmontable. Il peut aussi, dit-il, donner de la voix pour les hommes de Julian Nagelsmann. Comme Melisa ou Ozan. Le drapeau de ce dernier est d’ailleurs prêt, au cas où. « Mais, il a le croissant et l’étoile sur la bande rouge. Â»

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