REPORTAGE. En Turquie, colère chez les Kurdes après la condamnation de leur leader à 42 ans de prison

Ouest-France, le 19/05/2024

De notre correspondant à Istanbul, Raphaël BOUKANDOURA.

Le pouvoir a interdit les manifestations pendant quatre jours mais un rassemblement s’est quand même tenu à Istanbul.

Des soutiens de Selahattin Demirtas, le 13 mai, à Diyarbakir. | SERTAC KAYAR / REUTERS

Samedi 18 mai 2024, en fin de journée, une foule indignée s’est rassemblée sur la place centrale du quartier populaire d’Esenyurt en lointaine banlieue d’Istanbul. Le charismatique ancien leader du parti kurde, Selahattin DemirtaÅŸ, avocat de 51 ans emprisonné depuis 2016, venait d’être condamné à 42 ans de prison.

Un coup de massue pour ses supporteurs, comme Bahattin, ouvrier à la retraite de 60 ans.  C’est un procès politique monté de toutes pièces par le pouvoir qui se moque ouvertement du peuple comme des décisions européennes qui ont jugé que sa détention était illégale , fulmine-t-il.

Lassitude et peur

Selahattin Demirtas compte plusieurs millions de partisans dans la ville. Pourtant sur la place, la foule semble bien clairsemée, entourée de cordons de policiers et de camions anti-émeutes, infiltrée par des policiers en civils qui filment les manifestants. De temps en temps, une annonce se fait entendre par haut-parleur :  Ce slogan est interdit, arrêtez ou nous allons intervenir .

Alors que les procès de ce genre se sont multipliés par dizaines de milliers ces dernières années, une certaine lassitude, conjuguée à la peur, semble avoir gagné la société.  Bien sûr que j’ai peur, ils peuvent nous arrêter à tout instant, mais Demirtas c’est notre honneur et notre espoir, je suis là pour lui , clame Zeynep, mère de famille de 49 ans.

 
Condamné pour avoir appelé à des manifestations

Officiellement, il est reproché au leader kurde d’avoir appelé à des manifestations en octobre 2014, alors que la ville frontalière kurde de Kobane, en Syrie, était assiégée par les djihadistes de l’État islamique et sur le point de tomber ; le Président islamo-nationaliste Recep Tayyip Erdogan interdisait alors le passage d’aide militaire par la Turquie comme il interdisait aux Kurdes de Turquie de rejoindre la ville pour aider à la défendre.

Les manifestations avaient, dans certaines villes, dégénéré dans des heurts avec les forces de sécurité ou avec des militants islamistes ou d’extrême droite, causant la mort de 46 personnes.  C’est le procès de la honte ! On condamne quelqu’un pour avoir incité les gens à manifester démocratiquement contre les violeurs et les tueurs de l’État islamique. En vérité c’est une vengeance politique car Demirtas fait peur au pouvoir , estime la députée d’Istanbul, Çi̇çek Otlu.

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