Présidentielle en Turquie : le soutien très cash des pays du Golfe à Erdogan

 L’Express, le 11/04/2023

Par Corentin Pennarguear

Gros plan

En pleine campagne présidentielle, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis se montrent très généreux avec Ankara. Pour quelles contreparties ?

Le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane et le président turc Recep Tayyip Erdogan se sont retrouvés pour le coup d’envoi de la Coupe du monde au Qatar, le 20 novembre 2022. AFP

Comme par miracle, des milliards de dollars pleuvent du ciel sans nuage du Golfe. Le 6 mars, la Banque centrale turque a reçu un cadeau inespéré de l’Arabie saoudite, qui a versé 5 milliards de dollars dans ses coffres bien vides. De quoi stabiliser la monnaie turque, en chute libre depuis deux ans, et redonner un peu de souffle à la campagne de Recep Tayyip Erdogan, à la peine dans les sondages avant l’élection du 14 mai. « Au moins, maintenant, on sait qui Mohammed ben Salmane veut voir gagner à la présidentielle en Turquie », soulève l’analyste britannique Timothy Ash.

Des dettes géopolitiques pour Erdogan

Ces derniers mois, Ankara a pu compter sur des investissements surprises de ses voisins du Golfe, pourtant ses rivaux pendant des années. Trois jours avant l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis ont signé début mars un partenariat économique de cinq ans avec la Turquie, portant sur 40 milliards de dollars. Une bouffée d’air pour un pays avec une inflation officielle à 55 % – plutôt évaluée à 112 % par les experts indépendants.

La brouille serait donc bien finie entre les souverains du Golfe et Erdogan, qui a longtemps cherché à devenir le leader du monde musulman. Les services turcs avaient, notamment, détruit l’image du jeune prince héritier MBS, en rendant publiques des preuves l’impliquant dans l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi à Istanbul. Erdogan a choisi de tendre la main à ses anciens rivaux et, au passage, de récupérer leurs généreuses donations. Sans, toutefois, rendre publiques les contreparties.

Les Occidentaux doivent d’urgence se poser la question : quelles dettes géopolitiques pèseront sur le président turc en cas de réélection ? D’autant que les dirigeants du Golfe ne sont pas les seuls à donner un coup de main économique à Erdogan : depuis le début de la guerre en Ukraine, les échanges commerciaux entre la Turquie et la Russie ont bondi de 62 %. « L’Europe doit envisager sérieusement le scénario où Erdogan est réélu avec l’aide flagrante de Vladimir Poutine, nous confiait un diplomate sur place en fin d’année dernière. Pour l’instant, la Turquie joue la neutralité en Ukraine, mais sa dépendance économique vis-à-vis de Moscou pourrait avoir de lourdes conséquences… » Une raison supplémentaire de regarder de près le scrutin du 14 mai.

♦

Publicité