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RFI, le 05/08/2021
Anne Andlauer
De notre correspondante à Istanbul
Le HDP risque d’être interdit par la Cour constitutionnelle dans les prochains mois au motif qu’il serait lié au PKK, groupe armé classé comme terroriste, et les permanences du parti sont régulièrement attaquées.
Le principal parti pro-kurde, le Parti démocratique des peuples, ou HDP, affirme sa crainte d’une montée des violences anti-kurdes en Turquie d’ici aux prochaines élections programmées dans deux ans. Il accuse le président Recep Tayyip Erdogan de jouer sur les divisions pour mieux perpétuer son pouvoir.
C’est le meurtre, la semaine dernière, de sept membres d’une famille kurde qui a relancé le débat sur ce sujet extrêmement sensible. La famille Dedeoğlu – un couple et ses cinq enfants âgés de 30 à 45 ans – a été tuée par balles le soir du 30 juillet dans sa maison de Konya. Ils avaient migré il y a une trentaine d’années de Kars, dans l’est du pays, jusqu’à cette province du centre de l’Anatolie et selon eux, cela faisait environ dix ans qu’ils étaient en conflit avec une famille de voisins. « Selon eux », car les Dedeoğlu avaient raconté leur histoire à la presse après avoir été attaqués une première fois en mai par une cinquantaine de personnes. Ils avaient alors expliqué que leurs voisins les avaient menacés de mort en se présentant comme des nationalistes qui allaient débarrasser le quartier des Kurdes. À l’époque, sept personnes avaient été incarcérées, puis cinq remises en liberté. Le meurtrier est un voisin âgé de 33 ans.
Tout de suite après les faits, les autorités turques ont pourtant affirmé que le massacre n’avait rien à voir avec un acte de racisme anti-kurde. C’est même la première chose qu’a dite le ministre de l’Intérieur, alors que la justice venait à peine d’ouvrir une enquête. Le directeur de la communication du président Erdogan a renchéri en décrivant comme un « mensonge » et une « provocation » les affirmations selon lesquelles ce meurtre d’une famille entière avait des « motivations idéologiques ». La version officielle est donc celle d’un conflit de voisinage qui aurait mal tourné. Mais c’est une version que remettent en cause l’avocat de la famille Dedeoğlu et le parti pro-kurde HDP, qui rappellent que cette attaque n’est pas un fait divers isolé. Le 21 juillet, toujours à Konya, un homme avait été tué dans l’agression de sa famille par plusieurs dizaines de personnes. Là encore, selon les victimes, les agresseurs avaient proféré des insultes anti-kurdes.
Un sujet tabou
Y a-t-il un risque que ce genre de violences se multiplient, comme l’affirme le parti pro-kurde ? C’est très difficile à dire et certains accusent en retour le HDP d’augmenter ce risque en agitant la crainte de violences entre Turcs et Kurdes. Ce qui est sûr, c’est que le sujet est très sensible. C’est même carrément un tabou puisque la grande majorité des Turcs soutiennent que le racisme ou les discriminations à l’égard des Kurdes – qui constituent environ 20 % de la population – n’existent pas dans le pays.
Autre certitude : le discours du pouvoir ne facilite pas l’apaisement. Le parti pro-kurde est actuellement la cible principale de l’alliance formée entre Recep Tayyip Erdogan et le parti ultranationaliste MHP. Le HDP risque d’être interdit par la Cour constitutionnelle dans les prochains mois au motif qu’il serait lié au PKK, groupe armé classé comme terroriste, et les permanences du parti sont régulièrement attaquées. En juin, l’une de ses membres a même été tuée dans le bureau d’Izmir, dans l’ouest du pays.
Le risque est en fait celui d’un amalgame entre la haine anti-PKK (qui est par exemple accusé par la presse pro-gouvernementale d’être derrière les incendies meurtriers des derniers jours), les attaques politiques contre le HDP (qui risquent de s’intensifier à l’approche des élections) et la méfiance voire l’hostilité que suscite, chez une partie de la population, toute manifestation de l’identité kurde.
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