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Le Point, le 12/03/2020
Par Claire Meynial envoyée spéciale à Lesbos
REPORTAGE
Le jour se lève sur la baie. Les mouettes crient sur une mer d’huile, que le soleil dore peu à peu. Ses rayons rasent les vallons et caressent l’anse de Skala Sikaminia, sur l’île de Lesbos, où des barques dansent entre des restaurants vides. Sous le porche de la chapelle Saint-Dimitri, des formes grises s’agitent. Une, deux, trois, quarante-deux têtes émergent. Ils ont passé la nuit là , assis, blottis pour se réchauffer, dans des couvertures trempées du Haut-Commissariat pour les réfugiés. Quand ils ont débarqué sur leur canot, vers 17 heures, le HCR a étalé une bâche sur l’herbe pour qu’ils s’y allongent. Des trombes d’eau l’ont changée en piscine et ils se sont abrités, sans même tenter de forcer la porte de l’église. Soulagés d’être en vie. Lorsqu’ils ont vu approcher les gardes-côtes grecs et un Zodiac, ils ont cru qu’on leur venait en aide. « Il y avait un grand bateau militaire gris, et un petit blanc, raconte Condé, Guinéen de 18 ans. Mais le petit, là , nous a tourné autour, pour faire de grosses vagues, il est venu choquer contre nous, et un homme à bord a tenté de percer notre canot avec un bâton pointu. »
L’embarcation a tangué si fort qu’une Afghane a laissé échapper son bébé. C’est Moussa, solide Togolais de 28 ans, qui l’a rattrapé. Des sacs sont tombés à l’eau, pas celui de cette mère, qui a étalé les habits de ses enfants au sol. Dès qu’elle voit Moussa, elle porte une main à son cÅ“ur. Joues scarifiées et sourire immense, il répète : « Ça va, je suis père de famille aussi. » Poursuivi par les sbires du président Faure Gnassingbé parce qu’il est opposant, il a fui alors que sa femme accouchait. « On m’a envoyé la photo, c’est une fille. Mais mon téléphone est au fond de l’eau, avec mon passeport et mes affaires », dit-il. Sa femme est morte après la césarienne. « Jamais je n’aurais pensé partir comme ça », ajoute-t-il, et ça ne va plus du tout. Il rabat la couverture sur ses yeux pour pleurer. Eymen, Syrien de 18 ans, avait obtenu l’asile en Grèce et a été déporté en Turquie après avoir été arrêté sans ses papiers. « La mer était calme, mais ces bateaux ont tenté de nous faire chavirer, le gros a aussi envoyé de l’eau, et du petit, ils ont tiré en l’air et autour de nous », décrit-il.
Rien de cela n’étonne Bill Frelick, de Human Rights Watch. Il documente le pushback, technique consistant à repousser les canots vers les côtes turques, depuis 2008. « C’est le fait des gardes-côtes, mais aussi de miliciens sur des Zodiac, masqués. L’idée est d’empêcher les migrants de demander l’asile, en partant du principe que leur profil ne le justifie pas. Or, leur attitude prouve qu’ils ne cherchent pas à éviter d’être détectés, mais à se présenter. On les repousse vers un pays qui peut les déporter là où ils sont en danger. » Récemment, un équipage danois de Frontex a refusé l’ordre du QG de l’opération Poséidon, mission en Grèce de l’agence européenne, de renvoyer trente-trois migrants secourus en Turquie, au large de Kos.
Les vidéos de réfugiés en caleçon, battus, reconduits à la frontière turque, montrent une autre technique de pushback, que Bill Frelick a étudiée également. À Saint Dimitri, Nouri, Afghan de 20 ans dont c’était la cinquième tentative, en décrit encore une : « Il y a deux semaines, les gardes-côtes ont pris notre réservoir d’essence en pointant des armes sur nous. On a ramé dix heures jusqu’à la Turquie. » Nouri dit avoir rejoint l’armée alors que les talibans voulaient le recruter, ils ont tué son père en représailles. Il ignore où il se trouve, il est juste heureux d’avoir quitté la Turquie. Il n’aurait pourtant jamais dû dormir sous la pluie. Dans cette partie de Lesbos se trouve un centre de transit du HCR que la municipalité a fermé en novembre. Le 2 mars, il a été incendié. « Mais certains conteneurs auraient pu être un abri contre la pluie, plaide Astrid Castelein, directrice du bureau du HCR. J’ai appelé le maire de Kalloni pour lui demander l’autorisation d’y placer ces gens, il n’a jamais décroché. » Les côtes sont sous l’autorité portuaire et le jardin détrempé est devenu la seule solution.
Les ONG prises pour cible
Lesbos témoigne des conséquences inhumaines et du peu d’efficacité des politiques migratoires européennes que les États membres n’arrivent pas à unifier. L’impasse nourrit le ras-le-bol envers les migrants. Astrid Castelein a été bousculée, dimanche dernier, par des habitants excédés. Le 9 mars, c’était au tour de l’ONG School for Peace d’être incendiée. Neuf salles de classe réduites en cendres, qui dispensaient des cours en français, anglais, persan, arabe et lingala pour les Congolais, à 250 élèves de 6 à 16 ans par jour. Devant les ruines fumantes, une bénévole sanglote. Le lieu n’est pas clôturé, les journalistes circulent, rien ne donne l’impression d’une enquête. « C’est clair, de toute façon, étant donné les tensions des deux dernières semaines, soupire Anat Sharon, 32 ans, cofondatrice israélienne de l’ONG. Des membres de l’équipe ont été violentés dans leur voiture. » Beaucoup de bénévoles ont quitté l’île par mesure de sécurité, depuis que des habitants s’en prennent aux journalistes et aux ONG et établissent des points de contrôle sur les routes. Certaines ont suspendu leurs activités, laissant les réfugiés encore plus démunis.
Un matin, le Mare Liberum tente d’accoster sur le port de Mytilène, la capitale. Des habitants l’en empêchent, et il finit par repartir. « La loi dit que, si nos frontières sont attaquées, j’ai le droit de commettre un délit pour protéger mon pays », crie un homme, brandissant un papier et repoussant violemment les journalistes. « On se sent trahis par notre gouvernement, il faut qu’on agisse, lance un autre. La moitié de ces ONG sont des escrocs, 10 % de l’argent va aux projets ! Ces gens sont payés 15 000 euros par mois ! Où est Merkel ? Elle a créé ce merdier, qu’elle vienne le résoudre. » Un autre : « J’ai vu des Bangladais se masturber devant une femme de 60 ans qui se baignait. Les Syriens fuient une guerre, ils peuvent rester, mais pas les autres. On va avoir le djihad, ici ! Dans le camp de Moria, des hommes de 50 ans épousent des filles de 12 ans ! » Un autre encore : « Le seul qui nous comprenne, c’est Trump, il sait quoi faire, avec les réfugiés. »
Longtemps, Lesbos a été exemplaire devant ce flot de vies menacées. Au point que des habitants ont été nominés pour le prix Nobel de la paix, en octobre 2016. « Mais ils n’en peuvent plus, cela fait cinq ans que cela dure, explique Tasos Balis, conseiller du maire de Mytilène. Nous avons donné de la dignité, montré de la solidarité, mais il y a trop de demandeurs d’asile bloqués, il faut que d’autres municipalités nous aident, l’Europe aussi. » Des premiers cas de coronavirus viennent d’être confirmés sur l’île, et il est inquiet. À Moria, camp où 20 000 réfugiés vivent dans des conditions ignobles, il pourrait annoncer une catastrophe. « Nous sommes évidemment dans une situation où une infection pourrait prospérer », admet Marco Sandrone, chef de mission de Médecins sans frontières, qui opère a minima, par sécurité. Il évoque « ces gens qui dorment sous la tente par 5 degrés, la gale qui les dévore vivants », le désespoir qui rend fou. Ici, des enfants tentent de se suicider.
Les nouvelles arrivées, par rapport à 2015, où 800 000 réfugiés avaient atteint les îles égéennes, sont gérables : selon le HCR, 8432 personnes entre le 1er janvier et le 9 mars 2020. Le problème, ce sont ceux dont les cas sont en attente. À Lesbos, ils représentent 22 000 personnes, pour 86 000 habitants. « La plupart ont un profil de réfugiés, détaille Theodoros Axellis, agent du HCR. À Moria, 77 % sont afghans, 8 % sont syriens, 2 % sont irakiens, 3 % sont congolais et autres. » S’ils végètent ici des mois, c’est que le nombre d’agents pour traiter leurs cas est insuffisant. Par ailleurs, l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, en mars 2016, prévoyait que celle-ci accueille les réfugiés en échange d’une compensation financière. Et les pays de l’UE devaient se répartir les réfugiés, une fois leur demande traitée en Grèce. Or, ils ont cessé d’en accueillir en 2017.
Des néonazis allemands sont arrivés sur l’île
« Cette crise était prévisible dès 2016, dénonce Gerard Knaus, fondateur du think tank European Stability Initiative, qui a participé à l’élaboration de l’accord. Et cela n’a rien à voir avec le chantage d’Erdogan. » Si, en Allemagne, le nombre d’agents est passé de 250 à 1 800 entre 2015 et 2017, les autres États n’ont pas suivi. Avec la diminution des arrivées en 2017, ils ont pensé qu’ils pouvaient laisser la Grèce seule face au problème. Enfin, l’accord courait sur quatre ans et aurait dû être renégocié fin 2019, mais l’UE n’a pas renoué le dialogue. « Ils ont tenté de forcer la Turquie à continuer les programmes sans la payer », résume Knaus. Sur les 6 milliards d’euros promis, 4 milliards correspondent à des projets que la Turquie préfinance, et que l’UE règle à la fin. Dans un mois, la plupart fermeront.
À Moria, 20 000 personnes occupent un camp pour 2 300, et leurs tentes colonisent les oliveraies environnantes, sans eau courante ni à l’électricité. Pour se chauffer et cuisiner, ils coupent des oliviers centenaires, qui faisaient la richesse et la fierté de leurs propriétaires, et volent du bétail. Dans le village de Moria, proche du camp, des habitants se réunissent le soir pour bloquer l’entrée, les affrontements sont fréquents. Il y a quelques jours, des néonazis allemands, du groupe Identitäre Bewegung, sont arrivés sur l’île. L’un d’eux, connu pour sa violence, a été tabassé dans le centre-ville. Des membres de Génération identitaire se font aussi passer pour des journalistes et promettent sur Twitter des « reportages » qui diraient enfin la vérité. « L’UE encourage ces fascistes en disant que la Grèce est le bouclier de l’Europe et que nous devons nous défendre », se désespère Erik Marquardt, député européen pour le parti écologiste Alliance 90 et régulièrement menacé. « Pushback systématique, tortures à la frontière… nous ignorons les droits et lois sur lesquels l’Europe s’est construite, c’est ainsi qu’Erdogan gagne. Pas besoin d’une armée pour nous affaiblir, sept canots transportant femmes et enfants suffisent. Comment être crédibles si nous sommes incapables de gérer 13 000 personnes, quand il en accueille plus de 4 millions pour une population de 86 millions ? » demande-t-il.
Parmi les scandales qui devraient faire rougir l’Europe, il y a la question des mineurs isolés. Environ trois cents sont dans un secteur dédié. Mais sept cents errent parmi les adultes, en proie aux abus. Autre anomalie, la Grèce a décidé, le 1er mars, de geler les demandes d’asile pendant un mois. Elle avance l’article 78.3 du traité de l’UE, qui précise que « dans le cas où un ou plusieurs États membres seraient confrontés à un afflux soudain de ressortissants étrangers, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures provisoires… Il agira après avoir consulté le Parlement européen ». Aucune de ces étapes n’a été respectée. Surtout, l’article prévoit une protection temporaire pour les demandeurs d’asile, redistribués en Europe. Et en aucun cas, comme la Grèce menace de le faire, une déportation vers les pays d’origine (ou la Turquie ?), sans examen des cas. Au port de Mytilène, 518 personnes arrivées depuis le 1er mars attendent dans un navire militaire. D’être amenées où ? Quand ? Sous quel statut ? Personne ne le sait. Pour Gerald Knaus, trois mesures suffiraient, pour une approche humaine et garantissant la sécurité de l’Europe : « Réactiver l’accord en versant les fonds à la Turquie, redistribuer les réfugiés, comme nous l’avons fait pendant deux ans, et appliquer une procédure rapide et juste d’examen des demandes d’asile sur les îles, où personne ne resterait plus de deux semaines. » Les Pays-Bas disposent d’un tel processus, qui garantirait qu’aucune île n’héberge plus de six mille réfugiés à la fois.
À Skala, les quarante-deux miraculés s’apprêtent à passer leur quatrième nuit dehors. Aucune ONG n’a bravé les consignes des extrémistes, qui leur interdisent d’approcher les rivages. Le HCR a dressé une tente dans laquelle dorment les trois couples, avec les treize enfants. Les bébés toussent, un médecin est passé, mais le groupe est livré à lui-même, frigorifié. Aucun n’a cherché à s’échapper, et c’est tant mieux étant donné les menaces que reçoit le HCR. « M’enfuir ? Où ? Et si je me perds ? J’ai confiance dans le gouvernement grec, se convainc Eymen. Cette situation ne durera pas. Et même ça, c’est mieux que la Turquie. »
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