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Le Monde, le 03/05/2018
Le juriste Philippe Sands se rend à Istanbul vendredi pour rencontrer, en prison, le journaliste Ahmet Altan, condamné à perpétuité. Il lui rend ici un hommage très politique.
[Accusé d’avoir participé au coup d’Etat manqué contre le président Erdogan en juillet 2016, le journaliste et écrivain turc Ahmet Altan a été condamné le 16 février à la réclusion à perpétuité, provoquant un vaste mouvement d’indignation international. Le juriste Philippe Sands, auteur de l’essai Retour à Lemberg, devrait, le 4 mai, être le premier étranger à pouvoir lui rendre visite.]
Tribune
Mon cher ami, j’espère que tu me permettras de t’adresser quelques mots en ton absence.
Pour commencer, laisse-moi te dire le plaisir que j’éprouve à être de retour dans « ta » ville. Istanbul est un lieu qui ne me rappelle que des bons souvenirs. Nous en avions discuté.
Je comprends absolument que ta situation personnelle actuelle ne te permet pas de m’y accueillir. Je te pardonne, même si cela fait un certain temps qu’on ne s’est pas vus. Te souviens-tu de cette visite à Londres, en août 2015 ? Nous étions assis ensemble dans un jardin ensoleillé. Tu admirais la pelouse, ma pelouse, et cela m’a réjoui. Je t’ai parlé de mon voisin, le juge qui a signé le mandat d’arrêt contre le sénateur Pinochet, en 1998.
Tu as souri quand je t’ai dit qu’il ne savait pas vraiment qui était Pinochet – « la Justice est aveugle », m’avait dit le juge. Tu dévorais les détails, et aussi l’idée même qu’il existe une justice indépendante, ou bien qu’on puisse demander des comptes à un puissant déchu. Nous avons parlé du monde, de ton nouveau livre, du mien. Nous avons ri, mangé, nous sommes inquiétés. Nous avons fait toutes ces choses ensemble. Quelques mois plus tard, je retournais dans ta ville merveilleuse.
Et puis tu as été enlevé. On m’a dit que c’était à cause des mots que tu as prononcés en place publique, ce qui les rendait pires encore. On m’a dit que ces mots parlaient de mains qui se glissent dans un sac. Ces paroles étaient nuisibles, a-t-on dit. Nous savons, toi et moi, chacun à notre façon, à quel point les mots peuvent être travestis. Nous savons que c’est ce qui fait leur beauté, et aussi leur danger.
Le poison de la xénophobie et du nationalisme
Les mots qui te sont prêtés étaient si nuisibles qu’un juge a décidé de te priver de ta liberté – non pas pour un jour, une semaine ou un mois, ni même pour une année entière… mais pour toujours. « Perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle », a dit le juge. « Nous ne serons jamais graciés, et nous mourrons dans une cellule de prison », as-tu écrit il y a peu.
Et voilà que tu étais parti. Il faut dire que le timing était impeccable. C’était une ruse, un stratagème, pour ne pas avoir à me dire ce que tu avais pensé de mon livre, celui que j’ai écrit pendant six ans, publié en anglais, alors que tu prononçais tes paroles malheureuses. Le livre emmène le lecteur avant 1945, à une époque où les libertés individuelles n’étaient pas protégées par le droit international, une époque où l’Etat était souverain absolu, quand le roi, la reine, l’empereur ou le président pouvaient priver un ou plusieurs individus de leurs libertés d’expression, de réunion, voire d’existence. Mais peut-être mon livre raconte-t-il notre époque.
Une fois de plus, le poison de la xénophobie et du nationalisme irrigue les veines du monde. « L’homme fort » est de retour, mais cela, je ne te l’apprends pas, mon cher ami absent. Je le vois lors de mes voyages en Europe centrale et orientale – en Hongrie, en Pologne, en Ukraine.
Je suis témoin du poison de la xénophobie et du nationalisme en Angleterre aussi, dans les votes pour le Brexit, dans les événements politiques qui en découlent. J’en suis témoin dans les positions du Premier Ministre, qui a récemment exprimé son souhait de voir le Royaume-Uni quitter la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Peux-tu imaginer qu’elle ait pu dire, à la convention de son parti, en octobre 2016, que « si vous pensez être un citoyen du monde, vous n’êtes un citoyen de nulle part » ?
Une idée au passé tortueux et sombre
Ses mots – réalisait-elle ce qu’elle disait ? – me rappellent un passage du merveilleux livre de Stefan Zweig, Le Monde d’hier – dont notre époque appelle avec insistance la lecture – publié à titre posthume en 1942 après le double suicide de Zweig et de sa femme. « Il ne m’a été d’aucune aide, écrit Zweig, d’avoir entraîné mon cœur durant presque un demi-siècle à battre au rythme universel d’un “citoyen du monde”. Non, le jour où l’on m’a retiré mon passeport, j’ai découvert, à 58 ans, qu’en perdant sa patrie, on perd bien davantage qu’un petit coin de terre délimité par des frontières. »
Où allons-nous ?
Les Etats-Unis ont élu Donald Trump président. Il y a deux ans, ce dernier demandait « une fermeture totale et complète de la frontière des Etats-Unis aux musulmans ». Voilà une idée originale ! Cibler des hommes pour leur appartenance à un certain groupe.
Lire aussi : « Nous demandons à Erdogan un retour rapide à l’Etat de droit et à une totale liberté de parole et d’expression »
En réalité, c’est une idée au passé tortueux et sombre, comme l’écrivain italien Primo Levi nous le rappela après avoir réussi à s’échapper d’un lieu appelé Auschwitz, où il vécut plus d’un an. Il l’explique assez clairement dans la préface de Si c’est un homme, publié en 1947.
Il écrit :
« Beaucoup d’entre nous, individus ou peuples, sont à la merci de cette idée, consciente ou inconsciente, que “l’étranger, c’est l’ennemi” ».
« Où allons-nous ? »
Puis, il poursuit :
« Lorsque le dogme informulé est promu au rang de prémisse majeure d’un syllogisme, alors, au bout de la chaîne logique, il y a [le camp de concentration] ».
Une chose en amène une autre. Au miroir de ce passé, l’idée de bannir l’entrée d’un territoire à des individus à cause de leur nationalité, ou de leur religion, est troublante. Aussi troublante que celle d’emprisonner un écrivain pour quelques mots. L’expérience récente nous apprend à savoir où cela peut mener, de pointer du doigt des personnes non pas pour ce qu’elles ont fait, mais parce qu’elles appartiennent à un certain groupe, où parce qu’elles ont dit quelque chose qui nous a déplu.
Où allons-nous ?
Tu as un point de vue privilégié, mon cher ami absent, toi qui vis désormais ce que tu avais écrit dans ton roman. La beauté est absente du paysage qui t’est offert. Et pourtant, tu es toujours capable de rêver, tu sais encore voir « le ciel lointain qui te surplombe ». D’une manière ou d’une autre, dans tes pérégrinations, tu parviens à apercevoir des lueurs d’espoir.
Alors que la promotion assumée de politiques raciales et identitaires revient sur le devant de la scène, l’expérience qu’a été l’écriture de Retour à Lemberg (East West Street), l’immersion dans le monde de l’entre-deux-guerres, rend difficile l’extinction en nous du sentiment aigu d’anxiété au vu de ce qu’il se trame. Ta situation, mon cher ami absent, n’amoindrit pas ce sentiment.
Elle sera longue la lutte pour la justice
Et pourtant, l’expérience nous apprend aussi, comme le dit le poète, « qu’il y a une fêlure dans toute chose, c’est par là qu’entre la lumière ». N’admirons-nous pas tous les deux celui qui a écrit cela, et puis nous l’a chanté ? « Je ne peux plus courir, nous a-t-il dit, avec la foule déréglée, tandis que les tueurs au pouvoir disent leurs prières à haute voix ».
Deux pas en avant. Un pas sur le côté. Un autre vers l’arrière. Et ainsi soit-il, à travers les lieux et les âges.
Elle sera longue, la lutte pour la justice, les droits, et la liberté d’expression. Il n’est pas aisé d’imaginer en ce moment que ces valeurs l’emporteront. Et pourtant.
Au niveau local, il peut y avoir du progrès. J’en ai été témoin moi-même, en novembre 2017, lorsque j’ai voyagé à Lviv pour voir les mémoriaux placés sur les murs des bâtiments qui furent à une époque les maisons pillées de Lauterpacht et Lemkin.
Lire aussi : Turquie : « Y aura-t-il une Angela Merkel pour les frères Altan ? »
Au niveau national, il peut y avoir du progrès. J’en ai été témoin moi-même, en 1998, vingt-cinq ans après le début des crimes du sénateur Pinochet, dix ans après qu’il a quitté le pouvoir. De manière soudaine, inattendue, une Haute cour anglaise décide qu’il ne peut pas prétendre à l’immunité pour ses violations massives des droits humains, et la commission de crimes internationaux.
Les peurs de ceux qui ont commis des crimes
Au niveau régional, il peut y avoir du progrès. En sont témoins les jugements passés et présents, de tribunaux comme la Cour européenne des droits de l’homme. J’ose l’envisager pour les jugements à venir.
Au niveau mondial, il peut y avoir du progrès. Je le vois dans les peurs de ceux qui ont commis des crimes internationaux, et qui par conséquent limitent leurs déplacements à l’étranger. Je le vois dans le progrès lent mais persistant d’affaires devant la Cour pénale internationale et d’autres instances judiciaires. Je le vois dans les fluctuations du mouvement qui nous porte vers un vrai système de droit international.
Le pouvoir de la mémoire et de l’imagination – ainsi que leurs ombres et conséquences – ne peut pas facilement être remisé. L’héritage de 1945 demeure. Je suspecte qu’il ne pourra pas facilement être défait.
Porte-toi bien, cher ami absent. Continue de rêver. Continue de croiser la route des lueurs de l’espoir. Si elles t’accompagnent, elles seront aussi là pour nous, qui sommes avec toi.
Philippe Sands est l’auteur
de « Retour à Lemberg » (Albin Michel),
prix du Meilleur livre étranger (2017) et prix Montaigne (2018)
et aussi
Professeur de droit à University College London et président de English PEN
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