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Le Monde, le 06/05/2017
Par Martine Delahaye
Le président Erdogan s’appuie sur les feuilletons télévisés pour promouvoir une identité néo-ottomane.
« Ils sont près de 200 millions à regarder la série que vous avez filmée. Mais, dans votre propre pays, vous vivez quasiment avec la peur d’être envoyé en prison pour cela », expliquait, en 2014 au New Yorker, Yagmur Taylan, qui venait de coréaliser avec son frère l’une des séries turques qui auront fait le tour du monde : Le Siècle magnifique (2011-2014, soit 139 épisodes de 100 à 120 minutes). Celle-ci dépeint la cour du sultan ottoman Soliman le Magnifique (qui régna de 1520 à 1566) et, surtout, la vie d’une de ses concubines, Hürrem, devenue son épouse légale – et très avantageusement vêtue dans la série.
Fin 2012, M. Erdogan, alors premier ministre, a critiqué le feuilleton « contraire, selon lui, aux mœurs musulmanes » : « Ce n’est pas le Soliman que nous connaissons. Devant ma nation, je condamne et le réalisateur de cette série et le propriétaire de la chaîne qui la diffuse. (…) Ceux qui jouent avec les valeurs du peuple doivent recevoir une leçon. » L’un de ses vice-ministres précisant, s’il en était besoin : « Ceux qui veulent humilier nos ancêtres et nos valeurs sur les écrans de télévision doivent d’une manière ou d’une autre être punis. »
Cette série a pour autant continué d’être diffusée, rencontrant un succès phénoménal tant en Turquie qu’à l’étranger. De la Chine au Pérou en passant par l’Asie centrale, les Balkans et l’Afrique, Le Siècle magnifique est diffusée dans 86 pays – dont les Etats-Unis, sur Netflix. Selon des médias américains, la Turquie serait aujourd’hui le deuxième producteur et distributeur de feuilletons télévisés au monde après les Etats-Unis (mais sans doute pas en termes financiers, modère la sociologue turque Hülya Ugur Tanriöver).
Retour aux « valeurs anciennes »
Les tensions internes dues à la diffusion de cette série relevaient d’une des questions clés de la politique turque de M. Erdogan : celle de l’identité nationale. Que furent les Ottomans ? Qui sont les Turcs d’aujourd’hui ?
Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, le parti de M. Erdogan, l’AKP, n’a eu de cesse de gommer le passé kémaliste, laïc, du pays, et de revivifier la représentation glorifiante du porte-drapeau de l’islam qu’aurait été l’Empire ottoman (1299-1923). Son ministre des affaires étrangères a même qualifié le XXe siècle en Turquie de « simple parenthèse », appelant les Turcs à revenir à leurs « valeurs anciennes ».
D’où une politique culturelle néo-ottomane passant notamment par des séries télévisées, qui peuvent être tout autant un miroir de la société qu’un moyen de donner forme à un nouveau modèle de vie dans l’esprit du téléspectateur. Surtout dans un pays où l’on vit quasiment en colocation avec son téléviseur, souvent allumé toute la journée (un tiers seulement des femmes turques ont un emploi), et devant lequel la famille se réunit chaque soir afin de suivre des feuilletons pendant quatre heures.
Pour avoir accès aux séries étrangères, il faut recourir à Internet et aux plates-formes numériques par abonnement – qui touchent un foyer sur deux environ, pour 15 euros par mois, selon la sociologue Hülya Ugur Tanriöver.
« Quand la diffusion du Siècle magnifique a débuté, en 2011, M. Erdogan avait déjà entamé une révolution culturelle et politique importante en direction des pays arabo-musulmans. S’étant vu dénier une place en Europe vers 2007-2008, il a cherché des alliances avec d’autres pays, à l’identité plus proche », explique Nora Seni, professeure à l’Institut français de géopolitique (Paris-VIII).
« Un “soft power” politique »
Or les séries vont s’avérer un excellent outil, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. L’autocensure induite par l’autoritarisme va amener les créateurs de feuilletons à « désoccidentaliser » peu à peu la représentation de la société turque, et le rôle des héroïnes de télévision à évoluer pour mieux correspondre à des sociétés musulmanes plus conservatrices.
Le vice-ministre de la culture et du tourisme de l’AKP rappelant qu’« avec les séries télévisées, nous pouvons entrer dans chaque maison et étendre l’influence de la culture turque ».
« Ces séries sont le “soft power” politique de la Turquie. Ce processus a été le meilleur moyen de faire évoluer les opinions dans nombre de pays qui, auparavant, ne voyaient la Turquie que comme un ennemi », résume un journaliste grec dans le documentaire Kismet : How Soap Operas Changed the World, de Nina Maria Paschalidou.
Ce qu’a confirmé à son tour au New York Times un homme d’affaires turc, désireux d’instaurer des Emmy Awards turcs à Dubaï : « De la même manière que la culture américaine a changé notre société, nous sommes en train de changer la société arabe. » Les références arabo-islamiques, répertoire rhétorique du parti de M. Erdogan, imprègnent toute la sphère culturelle.
Mais comment procède-t-on pour faire pression sur les maisons de production et les chaînes privées qui créent et diffusent les séries les plus populaires ?
« De la même manière qu’on s’empare de la presse pour promouvoir la ligne culturelle que l’on veut voir diffuser, répond la chercheuse Nora Seni. M. Erdogan a nommé, au sein des chaînes qu’il voulait couler, des administrateurs publics qui en ont pris le contrôle et ont pu licencier qui ils voulaient… Un autre moyen était de faire créer des maisons de production par des gens très proches du pouvoir et prêts à financer des séries avec une sorte de regard auto-orientalisant sur l’Empire ottoman. » Dernière option : mener une enquête fiscale minutieuse contre les indociles.
Fantasme impérial
« Le coup d’Etat manqué de juillet 2016 a encore renforcé la répression policière, qui touche toute la population, ajoute Nora Seni. On assiste au bouleversement de la fonction publique, à des licenciements massifs qui concernent les laïcs, toute la gauche, tout le monde turc occidentalisé, soit la moitié de la société… Ce qui correspond pour eux à une mise à mort civile puisqu’ils ne peuvent plus travailler nulle part, n’ont plus de passeport, etc. Les jeunes sont particulièrement visés, que l’on peut aisément remplacer par les bacheliers sortis des écoles coraniques – au nombre d’un million en 2015, et ça continue. Et il est encore plus facile d’imposer à tous une nouvelle façon de vivre depuis le référendum d’avril remporté par M. Erdogan. C’est à cette aune qu’il faut imaginer ce qui va se passer dans les séries. »
Le service public a lancé, il y a un an et demi, une série très populaire, non pas sur un sultan buvant de l’alcool et subjugué par une femme comme dans Le Siècle magnifique, mais un feuilleton autour du sultan ottoman Abdülhamid (qui régna de 1876 à 1909). Le Règne d’Abdülhamid réhabilite les rites musulmans et la morale de l’islam.
Dès le premier épisode, raconte Nora Seni, « le sultan est amené à plaider contre les complots de la presse, à commenter les limites nécessaires à la liberté d’expression. Il explique comment il est amené à fermer temporairement des journaux de l’opposition en indiquant que ce n’est pas lui qui est visé personnellement mais l’Etat, et qu’il faut savoir défendre cet Etat… Abdülhamid est l’emblème du sultan qui resacralise sa place à la tête du monde islamique, qu’il projette d’entraîner vers la modernité. »
Réanimer le fantasme impérial en reliant la Turquie contemporaine à l’époque de l’Empire ottoman conquérant du XVIe siècle, insuffler une nostalgie et une fierté de l’histoire longue, remettre en scène les périodes les plus prestigieuses de l’histoire, réhabiliter ou mettre en avant de nouveaux héros, en finir avec la mixité… Comment mieux y parvenir que par l’image, au travers de cet écran qui réunit toutes les familles – y compris les jeunes qui utilisent Internet par ailleurs –, chaque soir, autour d’une série ?
Sur les sept chaînes qui les programment, de quarante à cinquante séries sont diffusées en une semaine, souligne Hülya Ugur Tanriöver. Et elles sont autant regardées par les hommes que par les femmes, ajoute Nora Seni, de même que par les deux pôles de la société, les laïcs occidentalisés et la population musulmane. Au moins jusqu’en 2016.
« Un nouveau mythe fondateur »
« Il y a quelques semaines, note Hülya Ugur Tanriöver, les chaînes privées ont lancé des séries liées à l’actualité. Des histoires de soldats qui vont combattre contre les guérillas kurdes ou contre Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique] : des séries militaristes. Avec des jeunes qui s’inscrivent à l’armée pour aller combattre, beaucoup d’héroïsme, beaucoup de martyrs sur un fond religieux, mais aussi d’histoires d’amour, forcément. »
Même si la vue de produits de tabac et d’alcool est strictement interdite (dans les films classiques, ces produits sont floutés et les scènes d’amour coupées), même si les feuilletons ont toujours été moralisateurs, même si les séries vantant la bravoure militaire ne sont pas une nouveauté en Turquie, les discours nationalistes du pouvoir trouvent leur traduction dans plusieurs des séries produites ces derniers mois.
« C’est ouvertement dit, note la sociologue Hülya Ugur Tanriöver. Par tous les moyens, le pouvoir actuel essaie de construire un nouveau mythe fondateur pour une nouvelle Turquie. Le coup d’Etat manqué de juillet 2016 constitue en quelque sorte un point de repère. M. Erdogan veut en faire une date-clé. »
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