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Le Monde, Â le 14.10.2015
Par Lucie Soullier (Envoyée spéciale à Bodrum, Turquie)
Il est 5 heures du matin, dimanche 27 septembre, et trente-sept migrants viennent de sombrer dans la mer Egée. Leur traversée s’est arrêtée quelque part au large de Bodrum, en Turquie. Avec vue sur les îles grecques. Lorsque les secours turcs sont arrivés pour les repêcher, dix-sept s’étaient déjà noyés. Dont cinq enfants.
La découverte par les gardes-côtes turcs, plus de trois semaines auparavant, du corps d’Aylan Kurdi, ce petit Kurde de 3 ans dont la photo avait ému le monde entier, n’était pas une première pour eux. Sur la plage où l’enfant a été retrouvé, une banderole rappelle que le cliché symbolique a été pris ici. « L’humanité doit avoir honte. » Honte de ne pas s’être réveillée ou de s’être rendormie ? La situation n’a guère changé pour les sauveteurs de Bodrum – une équipe de 38 personnes volontaires et bénévoles, regroupées en association, que les gardes-côtes de Bodrum appellent en cas de naufrage. « Il y a eu un sursaut pendant peut-être deux semaines. Mais maintenant, on est revenu à la situation pré-Aylan », confie l’un d’eux.
C’est finalement une nuit presque habituelle qui s’achève par un nouveau drame dans la baie turque. Une nuit durant laquelle les gardes-côtes ont joué au chat et à la souris et les passeurs aux joueurs de flûte, attirant les migrants par centaines sur les plages d’Yalikavak, d’Akyarlar, de Gumbet… Une dizaine de points de départ vers les îles grecques parsèment la péninsule. Depuis chacun d’eux, on peut apercevoir le Graal européen, parfois à moins de trois kilomètres.
Vitamines et barbelés
Pour empêcher les migrants de prendre la mer, à Bodrum, six commandants rattachés au ministère de l’intérieur dirigent une centaine d’hommes sur près de 60 miles nautiques. La question est si sensible pour Ankara qu’ils ne sont pas autorisés à parler sans permission. En temps de guerre, les gardes-côtes turcs dépendent du ministère de la défense. Pas en ce moment, précise l’un d’eux. « Du moins, pas pour l’instant… »
Une banderole « L’humanité doit avoir honte » sur la plage de Bodrum (Turquie), où le corps du petit Aylan a été retrouvé le 2 septembre.
Dans la cité balnéaire, ils vivent entre deux mondes. Pour accéder à leur bureau, il faut passer devant les voiliers de luxe de la bourgeoisie turque, justement attablée au yacht club. Des touristes, eux, se prennent en photo devant un cabriolet. Au même endroit, voilà quelques jours, ils ont pu voir l’un des six bateaux des gardes-côtes rentrer au port, à l’aube, avec plus de 200 migrants à bord. Les plus petites embarcations peuvent ramener à peine une vingtaine de personnes : il arrive qu’on vienne les vider en cours d’opération, pour revenir chercher le reste des migrants laissés sur le bord d’une plage.
Heureusement pour eux, depuis Didim ou même Izmir, les gardes-côtes des péninsules voisines peuvent venir leur prêter main-forte. Tout comme leurs homologues grecs et leurs collègues de Frontex, l’agence européenne chargée des frontières extérieures de l’espace Schengen. « On ne s’amuse pas à savoir qui est chez qui lorsqu’il y a urgence », précise un commandant turc. La question est pourtant essentielle pour les migrants, car atteindre les eaux grecques, c’est gagner un ticket pour l’Europe.
Avant de jeter leurs embarcations de fortune sur la mer Egée, ces derniers peuvent attendre toute la journée, cachés dans les arbres et les montagnes sur lesquels les gardes-côtes braquent leurs projecteurs, à la nuit tombée. Parfois, la lumière d’un téléphone les trahit, ou un mouvement à peine perceptible au milieu des buissons. A moins que ce ne soit la fatigue qui n’éveille l’imagination de leurs poursuivants.
Car un garde-côte reste vingt-quatre heures en service. Parfois sans véritable répit, puisqu’il peut être rappelé en urgence, quelques heures plus tard. L’un des commandants de Bodrum confie que l’afflux de réfugiés l’a déjà empêché de dormir trois jours durant. Sur le bureau d’un de ses collègues, à travers une fenêtre donnant sur la marina, on aperçoit un tube de vitamines. Un remède aussi dérisoire que les barbelés installés pour empêcher les migrants d’accéder à la côte d’Aspat. Evidemment cisaillés.
La fin du voyage
Dans les clubs installés sur le sable, la fête bat son plein en ce dernier week-end des vacances de Baïram (l’Aïd, fête du mouton, en turc). A 1 heure du matin, la musique rythme encore de façon étrange les recherches lorsque la forme d’un pneumatique apparaît au loin. Pour ses occupants, le dernier tube d’Enrique Iglesias signera la fin du voyage.
A neuf sur un bateau de deux mètres, tout débordement peut être fatal. Les gardes-côtes s’approchent lentement et somment les migrants de rester calmes, avant de les faire sortir un à un de leur canot. Ce temps pris par le commandant, précieux pour éviter de faire chavirer hommes, femmes et enfants, a aussi ouvert les mailles du filet : d’autres bateaux ont sans doute profité du moment où son attention s’est détournée pour passer. « Je vous connais, vous », lance-t-il à un jeune Pakistanais. Déjà ramené il y a quelques jours côté turc, il a retenté la traversée. Comme beaucoup, le commandant le sait. Son record ? Un même homme rattrapé sept fois. Difficile de savoir comment la huitième tentative a tourné, mais il est prêt à parier qu’elle a bien eu lieu.
Comme pour conjurer le sort, les gardes-côtes turcs ont appelé leur opération « Hope » (« espoir »), chiffres officiels à l’appui. Après le naufrage des trente-sept migrants, le vice-premier ministre turc, Numan Kurtulmus, a ainsi rappelé que 53 000 d’entre eux avaient été ramenés vivants sur la côte turque, tandis que 274 étaient morts noyés. Aucune précision sur la période concernée ni sur le nombre de corps qui ont fini au fond de la mer Egée, impossibles à recenser. Mais « le ratio est positif, non ? », se persuade un commandant. Lui est fatigué de jouer le mauvais rôle, d’être vu comme celui qui empêche ces exilés d’atteindre la liberté. Il aimerait au moins ajouter l’option sauveteur à son image de fossoyeur. Il sursaute. Son téléphone vient de sonner. « C’est rarement une bonne nouvelle. »
Le 18 août, cinq heures après avoir chaviré, trois personnes sont retrouvées vivantes sous ce canot par le plongeur de l’équipe des sauveteurs volontaires de Bodrum.
En face, les migrants n’ont rien à perdre, ils tentent tout. Une fois repérés, certains gagnent du temps en faisant les morts dans les montagnes. Ils savent que les gardes-côtes devront appeler les sauveteurs. Et peut-être pourront-ils s’enfuir, avant qu’ils n’arrivent. D’autres font semblant de pêcher ou de faire du tourisme dans la baie. Une tragicomédie se joue aux portes de l’Europe. En août, les gardes-côtes de Bodrum ont trouvé une vingtaine de migrants abandonnés sur une île turque inhabitée. Le passeur les y avait laissés en leur souhaitant la bienvenue en Grèce.
Cette nuit, sur la même île, un canot pneumatique d’une dizaine de mètres semble avoir été oublié. En réalité, un passeur est venu le préparer pour la traversée. Mais celui-là ne partira pas. Le commandant a mis pied à terre, couteau à la main et arme en poche. Quatre trous dans le caoutchouc suffiront pour ruiner les espoirs de la soixantaine de migrants qui auraient du y être entassés.
Les gardes-côtes se réadaptent sans cesse aux nouvelles stratégies des passeurs. Mais l’inverse est également vrai. Sur terre, des barrages policiers ont été installés aux abords de Bodrum pour arrêter les minibus emmenant les candidats à la traversée, notamment depuis Izmir. Les passeurs empruntent de nouvelles routes pour les contourner et multiplient désormais les allers-retours en voiture, plus nombreux mais plus discrets.
« On les encourageait »
En cas de naufrage ou de blessures, les gardes-côtes préviennent le 112 ou les sauveteurs volontaires de Bodrum. Ceux-ci viennent prendre leur part dans la crise migratoire. Dans les archives de l’équipe, des dizaines de photos de pneumatiques bondés, de vidéos de canots retournés, de corps flottant sur la mer Egée… Et des enfants. Ici, on compte en « avant et après Aylan ». « Celui-là avait 14 jours, désigne l’un des sauveteurs. C’était un mois avant Aylan. » Des images qui peuplent ses nuits. Avec son passeport et 17 euros, il lui suffit de 45 minutes pour atteindre Kos, l’île que tentaient de rejoindre les dix-sept personnes qui ont péri le 27 septembre.
Dans cet océan d’idées noires, quelques miracles viennent redonner espoir à « Hope ». Le 18 août, le plongeur de l’équipe a ainsi tiré trois personnes de sous la coque d’un bateau. Vivantes, cinq heures après avoir chaviré. Les sauveteurs n’avaient pas de couvertures de survie pour contrer l’hypothermie. Trop chères. Même si quelques sponsors les aident, les membres de l’association n’ont que peu de moyens. Ils ont préféré les couvertures polaires, dont le stock baisse aussi vite que les comptes en banque des passeurs se remplissent. La traversée coûte environ 1 300 dollars (1 170 euros). En faisant passer dix-huit personnes, les sauveteurs volontaires pourraient acheter un défibrillateur. « On s’est trompé de métier », plaisante l’un d’eux.
Dans chacun des deux bateaux que l’association est parvenue à acheter, jusqu’à huit personnes embarquent en cas d’alerte. Parmi eux, au moins un plongeur et un médecin. Tous sont des professionnels de la mer. Ils savent où les migrants seront portés par le courant ; dans quelles conditions la mer fera irrémédiablement couler leurs embarcations surchargées. Pour la plupart, les migrants ne savent pas naviguer. Certains ne savent même pas nager. Les plus chanceux, comme la jeune Dash, qui a fui Damas, compteront un marin dans leur équipage. « On s’est arrêté 45 minutes au milieu de la mer. Sans pouvoir avancer. Heureusement, un pêcheur est parvenu à réparer le bateau », raconte la Syrienne. Elle a finalement atteint l’île grecque de Lesbos au petit matin, saine et sauve.
Son histoire fait soupirer un sauveteur : « Ils ne se rendent pas compte. Les migrants pensent souvent qu’il suffit qu’il fasse beau pour que le voyage se déroule bien. » Au retour du soleil, après les fortes inondations qui ont touché Bodrum quatre jours avant l’accident, les autorités avaient d’ailleurs renforcé les barrages terrestres et les équipes en mer. La pluie ayant arrêté les passeurs quelques jours, elles craignaient que, pour écouler la file d’attente, ils surchargent davantage les bateaux.
Gardes-côtes et sauveteurs ne sont pas les seuls à s’être habitués à partager la mer avec les migrants. Dans la station touristique prisée des riches familles turques, ils font désormais partie du paysage au même titre que les résidences secondaires et les bateaux de luxe. L’un d’eux a jeté l’ancre à quelques mètres d’une des portes de sortie des migrants. Même s’il les voyait, il n’est pas certain que le propriétaire du yacht les signalerait. « Il y a deux ans, on recevait dix appels par jour de gens paniqués », se souvient un commandant, presque amusé. Les appels ont diminué. Tout le monde s’y est fait. En prenant le ferry vers la Grèce durant l’été, la gérante d’un hôtel de Bodrum en a même croisé sur le point d’arriver. « On les encourageait. »
Le maire de Bodrum, Mehmet Kocadon, reconnaît être « dépassé ». Ce riche homme d’affaires donne des vêtements, de la nourriture, des couches. Mais pour le reste, il s’avoue impuissant. Quoi qu’il en soit, insiste-t-il pour ne pas effrayer les touristes, les migrants ne sont qu’en transit dans sa ville. « Leur rêve, c’est l’Europe. » Et pour ceux qui changent d’avis et veulent rester en Turquie, « on leur achète un ticket de bus pour aller partout où ils veulent ». Partout, mais surtout ailleurs.
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