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A TA TURQUIE, créée en 1989 pour faire connaître la culture turque, à la fois au grand public et aux jeunes générations issues de l’immigration turque, a rapidement développé ses actions pour répondre aux besoins des personnes originaires de Turquie et des responsables chargés des questions sur l'intégration.
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Paris-Match, 15/12/2016
Tombé amoureux de la civilisation ottomane, Pierre Loti défendit la Turquie bec et ongles dans
ses romans comme dans ses articles.
Mais ne fut pas prophète… en son pays.
Un jour, Pierre Loti est tombé amoureux d’istanbul. Suspendus en plein ciel, gardés par les minarets
dressés comme des lances, d’innombrables dômes aux rondeurs de seins s’étageaient les uns sur
les autres. Du vieux sérail à la tour de Galata, d’une colline à l’autre, d’une ruelle à une avenue, partout
l’oeil s’échappait au loin vers les eaux de la Marmara, du Bosphore ou de la Corne d’or. Dans la
vapeur du matin, les palais blancs comme neige posés sur des quais de marbre semblaient somnoler
le long d’une coulée d’argent tiède et tranquille. A l’écart d’un monde trépidant et brutal, la cité des
califes et la capitale des sultans invincibles restait vouée au calme, au rêve et à la contemplation.
Bientôt, auÂdelà de la «ville des Villes», son amour s’est étendu à la civilisation ottomane et à son art
de vivre. D’«aziyadé» en 1879 aux «Désenchantées» et d’article en article, pendant trente ans, une
écriture douce comme un soupir d’odalisque et tendre comme un regard d’enfant a Gillesmartinchauffier
caressé sa chère Turquie. Puis les guerres balkaniques ont jeté la Grèce, la Bulgarie, la Serbie
et le Monténégro contre les débris européens de l’empire. Et les horreurs ont dépassé les bornes
admises. Alors, en 1911, le style de Loti s’est métamorphosé pour devenir vif comme le vent et brûlant
comme une torche. Pendant que les Etats chrétiens massacraient les Turcs, l’europe regardait
ailleurs, parlait d’arbitrage, envisageait des conférences. Ne parlons pas de la presse française en extase
devant la «beauté d’un tir d’artillerie à grande distance qui fauche l’ennemi comme l’herbe d’un
champ ». Les musulmans n’étaient qu’un gibier dont la chasse était ouverte et une épuration ethnique
impitoyable expulsait des centaines de milliers d’ottomans des terres qu’ils cultivaient depuis cinq
siècles.
Pourtant, ceintures noires de désinformation, les journaux accablaient d’injures les victimes
comme des chiens enragés aboient sur un cerf blessé. L’indifférence de Paris, Berlin et Londres était
élevée à l’insulte par mille préjugés d’européens évoquant les questions orientales comme un aveugle
parlerait de couleurs. Quand les Bulgares ont jeté des fidèles trempés de pétrole dans leurs « mosquées
ardentes», le sang de Loti n’a fait qu’un tour et ses larmes se sont transformées en vitriol. Pas question d’avoir des poils sur la langue quand il s’indignait contre ceux qui inondaient leurs mensonges
de points d’exclamation.
Cent ans après, en relisant ses articles de combat et les dizaines de témoignages qui les accompagnent,
on comprend pourquoi la Turquie ne fera jamais confiance à l’europe. Agrippé au parapet de
l’islamophobie épanouie, le Vieux Continent, malveillant et cynique, ne faisait mine de s’émouvoir de
sa détresse que s’il espérait en tirer un gain. En réalité, les malheurs des musulmans passaient déjÃ
chez nous comme ceux d’un lion raconté à des antilopes. Rien n’a d’ailleurs changé et il reste mal vu
d’aimer la Turquie. Chacun admet qu’on peut admirer la France sans vénérer Manuel Valls ou Nicolas
Sarkozy et leurs croisades successives mais, à Paris, comprendre la Turquie reste suspect. Et… appréÂ
cier sa civilisation signifie forcément approuver l’exercice du pouvoir de Recep Tayyip Erdogan.
Pauvre Loti dont les livres auront eu si peu de poids. En France, du moins… « Voyages en Turquie »,
de Pierre Loti, éd. Arthaud, 730 pages, 29 euros.
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