Cinq jours après une tentative de coup d’état manquée, le président turc a annoncé, mercredi 20 juillet au soir, l’instauration de l’état d’urgence pour trois mois en Turquie. Cela était « nécessaire pour éradiquer rapidement tous les éléments de l’organisation terroriste impliquée dans la tentative de coup d’Etat », a justifié Recep Tayyip Erdogan, en référence aux réseaux du prédicateur Fethullah Gülen, sa bête noire, qu’il a accusé d’avoir été l’instigateur du putsch. Ce dernier, depuis son exil aux Etats-Unis, a formellement démenti toute implication.
Le coup d’Etat « n’est peut-être pas fini » en Turquie, a aussi averti M. Erdogan. Il« pourrait y avoir d’autres plans », a indiqué M. Erdogan sans fournir de précisions, après avoir passé une partie de la journée en réunion avec le Conseil de sécurité nationale et ses ministres alors qu’il était de retour à Ankara pour la première fois depuis le putsch manqué.
Ces annonces ont lieu alors que l’étendue de la reprise en main, qui a surtout frappé l’armée, la justice, l’enseignement et les médias, s’est encore accrue mercredi, suscitant une vive inquiétude de Washington à Bruxelles. Selon un comptage de l’Agence France-Presse (AFP), au moins 25 000 fonctionnaires ont été suspendus ou démis dans cette véritable épuration nationale. Le dernier bilan officiel des événements de la nuit de vendredi à samedi fait état de 312 morts : 145 civils, 60 policiers, 3 soldats et 104 rebelles.
« Nous n’avons jamais fait aucun compromis sur la démocratie, et nous n’en ferons jamais », a répondu M. Erdogan lors de son discours à Ankara. L’état d’urgence « n’est absolument pas contre la démocratie, la loi et les libertés » mais« c’est tout le contraire: [il] vise à protéger et renforcer ces valeurs », a-t-il ajouté.
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Erdogan estime que des pays étrangers pourraient être impliqués dans le putsch
Le président turc a déclaré mercredi lors d’un entretien avec la chaîne Al-Jazira que « d’autres pays pourraient être impliqués » dans la tentative de coup d’Etat qui s’est déroulée dans la nuit de vendredi à samedi. M. Erdogan n’a toutefois pas cité de noms.
Dans cet entretien, le président turc a aussi demandé au chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault de « se mêler de ses affaires », en réponse à ses critiques sur les purges en Turquie après le coup d’Etat raté. Le chef de la diplomatie française avait réclamé dimanche le respect de l’Etat de droit en Turquie, refusant tout « chèque en blanc » à Erdogan.
Le président turc a rétorqué :
« Est-ce qu’il a l’autorité pour faire ces déclarations à mon propos ? Non, il ne l’a pas. S’il veut une leçon de démocratie, nous pouvons aisément lui donner »
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Purge dans l’enseignement
Selon l’agence de presse Anatolie, le Conseil de l’enseignement supérieur (YÖK) a interdit jusqu’à nouvel ordre toutes les missions à l’étranger pour les universitaires, et demandé que ceux qui sont actuellement à l’étranger soient rappelés en Turquie dans les plus brefs délais, sauf « nécessité impérieuse ».
Les recteurs des université sont également priés d’« examiner d’urgence la situation de tous les membres du personnel académique et administratif liés au FETÖ/PDY », sigle désignant le réseau du prédicateur Fethullah Gülen. Ancien allié du président Erdogan devenu son pire ennemi, M. Gülen, exilé aux Etats-Unis, est accusé par le gouvernement d’être l’instigateur du putsch, mais a formellement démenti toute implication.
Mardi, le Conseil de l’enseignement supérieur a demandé la démission des 1 577 doyens d’universités publiques et rattachées à des fondations privées. Les autorités ont suspendu 15 200 employés du ministère de l’éducation soupçonnés d’être liés à M. Gülen.
Le Haut-Conseil turc de la radio et de la télévision (RTÜK) a retiré mardi leur licence, et tous droits de diffusion, aux 24 chaînes de télévision et de radio proches de M. Gülen. Trente-quatre journalistes considérés comme proches de ce religieux se sont aussi vu retirer leur carte de presse.
Mercredi, les autorités ont bloqué l’accès au site WikiLeaks, après la publication de près de 300 000 courriels de responsables du parti au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur). WikiLeaks a précisé que ces courriers électroniques provenaient du site internet du parti, akparti.org.tr, et tournaient principalement autour d’affaires internationales, et non « des questions les plus sensibles de politique intérieure ». L’organisation a ajouté que ces courriels avaient été échangés avant la tentative de coup d’Etat du 15 juillet, entre 2010 et le 6 juillet 2016, mais que leur publication avait été avancée « en réponse aux purges opérées par le gouvernement ». La source de ces courriels « n’a aucun lien avec les éléments derrière la tentative de coup d’Etat, ou un parti politique rival ou un Etat », a-t-elle encore affirmé .
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Purge dans l’armée
L’armée n’a pas été épargnée par l’offensive présidentielle : au moins 118 généraux et amiraux ont été placés en garde à vue, selon l’agence Anatolie. Et, selon le vice-premier ministre Numan Kurtulmus, 9 322 militaires, magistrats et policiers font l’objet d’une procédure judiciaire.
Parmi les quelque 990 personnes placées en détention, selon Anatolie, on compte essentiellement des militaires (650), mais aussi beaucoup de magistrats (273). Et parmi ces militaires, 26 généraux et amiraux, dont l’ancien chef de l’armée de l’air, le général Akin Oztürk, sont désormais en détention préventive après avoir été inculpés, notamment, de « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel » et de « tentative d’assassinat » du président Erdogan, qui a affirmé que sa vie avait été menacée par les putschistes.
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Demande d’extradition de M. Gülen
« Nous avons envoyé quatre dossiers aux Etats-Unis pour [demander]l’extradition du terroriste en chef », a déclaré le premier ministre Binali Yildirim. La demande officielle d’extradition de M. Gülen doit être prochainement envoyée.« Nous souhaiterions voir une coopération de la part des Etats-Unis sur cette question », a déclaré Ibrahim Kalin, porte-parole de M. Erdogan.
Lundi, le prédicateur a pourtant réfuté toute responsabilité, et laissé entendre que le gouvernement aurait pu mettre en scène cette tentative de putsch. Le président américain Barack Obama a répété que son pays était prêt à fournir son aide dans l’enquête sur le putsch. Mais il a insisté, dans une conversation téléphonique avec M. Erdogan, sur la nécessité de suivre des méthodes qui « renforcent la confiance du peuple dans les institutions démocratiques et l’Etat de droit ».
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Inquiétude des Occidentaux
Les dernières mesures de reprise en main prises par le pouvoir turc sont« profondément préoccupantes » et « contraires » à l’Etat de droit, a déclaré mercredi Steffen Seibert, porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel.
Le Fonds monétaire international a appelé à « préserver » les institutions démocratiques, « piliers » des progrès économiques de ce pays, après cet événement qui a provoqué une « certaine volatilité » financière. Plus tôt, la France, l’Union européenne, les Etats-Unis et l’Alliance atlantique (OTAN) ont mis en garde Ankara contre la tentation d’une répression généralisée et du rétablissement de la peine de mort, évoquée par M. Erdogan.
En dépit de ces inquiétudes, les Etats-Unis ont dit mercredi « soutenir l’élimination par le gouvernement du coup » d’Etat manqué, a déclaré le secrétaire d’Etat des Etats-Unis John Kerry, interrogé sur les dizaines de milliers de personnes arrêtées, limogées ou suspendues.
« Nous soutenons le gouvernement démocratique (…). Nous condamnons le coup » d’Etat, a dit M. Kerry, qui a refusé de « commenter » la purge d’Ankara. Le chef de la diplomatie américaine, qui avait insisté dimanche sur le respect de la« démocratie » et de « l’Etat de droit » en Turquie, a toutefois dit : « Nous voulons être certains que la réponse au coup d’Etat respecte complètement la démocratie. »
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L’armée bombarde le PKK en Irak
Mercredi, l’armée de l’air a frappé de nouveau des positions en Irak contre les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), signifiant à ceux qui pouvaient encore en douter que M. Erdogan a repris le contrôle absolu de l’armée de l’air, soupçonnée d’avoir joué un rôle central dans le putsch raté. Les bombardements de l’armée turque ont tué 20 combattants dans le nord de l’Irak, région qui abrite les hauts commandants de la guérilla kurde, selon l’agence Anatolie.
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