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Libération, le 13/03/2019
Par Valérie Manteau, à Istanbul.
A dix-sept jours des élections municipales, Erdogan s’en prend jusqu’au souvenir même d’une opposition. Sur les 600 pages d’un acte d’accusation ubuesque, le pouvoir reproche à 16 personnes d’avoir organisé et financé le mouvement de la place Taksim en 2013.
Turquie : cinq ans après la révolte de Gezi, la liberté continue de s’éclipser
Je pensais retrouver Istanbul drapeaux au vent : la dernière fois que j’ai vécu une élection ici, les rues étaient recouvertes de fanions multicolores – dans mon quartier particulièrement, pas loin du siège du HDP, parti d’opposition aujourd’hui laminé qui n’a même plus de candidat à Istanbul, les arbres emblématiques de ce parti de gauche prokurde flottaient d’un immeuble à l’autre, dans une ville qui manque de plus en plus cruellement d’espaces où respirer. Mais en ce mois de mars 2019, à quelques semaines à peine des municipales, prévues le 31, rien dans ma rue. On me dit qu’il a été décidé pour des raisons d’écologie d’y renoncer. Ah bon, on se préoccupe d’écologie maintenant ici ?
Quelques affiches grand format paradent aux points stratégiques de la ville. Erdogan lui-même fait campagne, au côté de son sbire qu’il destine à la mairie d’Istanbul. Les deux bonshommes posent ensemble, regardant dans la même direction, ou séparément, main sur le cœur, avec le slogan «Istanbul, pour nous c’est une histoire d’amour». Limite je les trouverais touchants tous les deux. Mais ça ne plaît pas à tout le monde : «Tu les imagines se promener main dans la main dans un parc, sérieusement ? Après avoir tout bousillé ici, il ne manquait plus qu’ils s’en prennent à l’amour.» Les Turcs perdent le sens de l’humour, décidément. Il faut dire qu’en comparaison des dernières municipales, en 2014, quelques mois après la révolte de Gezi qui avait mobilisé près de 4 millions de citoyens pour défendre ce petit parc de la place Taksim, on a clairement changé d’atmosphère. Gezi, aussi spectaculaire qu’aient été la révolte et la répression, n’avait même pas pu faire émerger un candidat susceptible de se présenter au scrutin local. Pourtant, Erdogan n’a jamais pardonné ce mouvement spontané, populaire, sans leader, sans ambition de devenir calife à la place du calife. «Il ne l’a tout simplement pas compris, me confie une amie, engagée dès 2011 dans la défense du parc. Ça dépasse son entendement, que nous demandions simplement que les choses soient faites en concertation et dans la légalité.»
Verdure
Cinq ans de répression plus tard, on peine à se souvenir de ce qui fut le point de bascule : «On a vu les bulldozers sur la place, prêts à couper les arbres pour creuser des tunnels, alors qu’ils n’avaient pas d’autorisation. Alors, nous nous sommes opposés.»Et pourtant les défenseurs de ce parc symbolique, l’un des rares îlots de verdure du centre-ville construit sur un ancien cimetière arménien, avaient tenté le dialogue avec les autorités longtemps en amont, jusqu’au sommet de l’Etat. «Pour une fois, on s’était dit qu’on n’allait pas attendre d’être mis devant le fait accompli pour se mobiliser. Et même après, il aurait suffi qu’Erdogan vienne voir les manifestants, qu’il dise qu’il renonçait à couper les arbres… Qui sait, s’il avait fait cela, dans quel pays nous serions aujourd’hui. Mais le maire d’Istanbul nous a répondu que la discussion était vaine : « Le Premier ministre le veut, cela se fera. »»
Gezi reste, depuis vingt-cinq ans qu’Erdogan est au pouvoir (il fut élu maire d’Istanbul en 1994), sa seule vraie défaite. Le seul obstacle dans sa carrière qu’il n’a jamais réussi à retourner à son avantage. Aujourd’hui encore, le parc Gezi trône sur la place Taksim. Est-ce pour cette raison que, six ans après, alors qu’il a désormais tous les pouvoirs, il rouvre le dossier ? La liste des 16 accusés, désignés comme les organisateurs de la mobilisation, laisse tout le monde perplexe. J’ai beau sonder mes amis qui ont participé au mouvement à l’époque, qui ont campé sur la place jour et nuit, qui se sont confrontés à la violence policière au péril de leur vie – tout le monde se souvient de Berkin, 15 ans, décédé des suites d’un tir de grenade lacrymogène – ils ignoraient qu’il y eut quelque leader à Gezi, encore plus que le mouvement fut financé, et cela les fait bien rire. Le plus célèbre des accusés, qui a déjà dû patienter seize mois en prison avant de savoir quel était son crime, est l’homme d’affaires Osman Kavala. Mécène philanthrope, respecté et aimé des milieux culturels, Kavala possède notamment une maison d’édition et une fondation dédiées à la coexistence des cultures d’Anatolie. Il milite pour le dialogue arméno-turc, enterré sous les fondements de la République turque. Comment celui que d’aucuns surnomment le «Soros rouge» de Turquie aurait-il, du haut de ses 62 ans, mobilisé les foules de jeunes à Taksim pour «renverser par la force et la violence le gouvernement de Turquie»(art. 312 du code pénal, puni d’emprisonnement à vie «aggravé») ? C’est ce qui mérite bien 600 pages de prose judiciaire qui se lisent comme un roman dont les rebondissements font le sel des conversations en ville. «Que lisez-vous en ce moment ? – L’acte d’accusation du procès de Gezi.- Vous en êtes où ? Est-ce que vous avez compris comment on passait[attention, spoiler] des vacances de l’acteur Mehmet Ali Alabora en Egypte aux activistes serbes et à la Révolution orange en Géorgie (sic) ? Comment une carte issue d’un livre de biologie sur la reproduction des abeilles trouvé dans les affaires de Kavala peut-elle avoir servi de plan pour redessiner les frontières de la Turquie ?» On se raconte les perles du texte en riant jaune, mais les avocats vont devoir produire quelque chose en réponse à ce délire complotiste, et la barre est haute et l’enjeu de taille : au-delà de l’acquittement des premiers concernés, les millions de Turcs qui ont participé à Gezi espèrent que ce procès ne laissera pas passer une telle réécriture de leur histoire collective.
Sinistre
La première audience du procès est fixée au 24 juin. Les ONG de défense des droits humains (celles qui subsistent, malgré plus de 1 300 associations et fondations fermées depuis 2016 et l’état d’urgence) se sont réunies solidairement pour une conférence de presse (devant les médias qui restent, malgré plus de 180 fermetures) réclamant la libération d’Osman Kavala. Amnesty International (dont le représentant en Turquie, Taner Kiliç, a passé plus d’un an en prison et est toujours en procès), se tient aux côtés de Reporters sans frontières (dont le représentant, Erol Onderoglu, doit se dépêcher de filer au tribunal une fois la conférence finie puisqu’il est lui-même poursuivi et risque jusqu’à quatorze ans de prison).
Le tribunal de Çaglayan est devenu pour beaucoup d’entre nous un lieu de retrouvailles régulières dans ce quartier sinistre mais plutôt central d’Istanbul. Mais le procès de Gezi se tiendra exceptionnellement hors de la ville, coupant l’herbe sous le pied d’une possible mobilisation de soutien populaire et internationale, qu’il faudra bien pourtant espérer à Silivri, près de la prison où croupit Osman Kavala. «Moi, je ne comprends rien à ce personnage de mécène de la Révolution de toute manière : concrètement, il aurait financé quoi ? L’achat de bagels, de lait, de tables en plastique ; avait-on vraiment besoin d’un millionnaire pour organiser un pique-nique dans un parc du centre-ville ?»
Conspirateurs
S’il vous plaît, quand je serai grande, je voudrais écrire des actes d’accusation moi aussi. C’est bien plus poétique que les articles de journaux : c’est l’avantage de la fiction, on fait ce qu’on veut. Celui-ci se permet de très beaux moments de liberté vis-à -vis de la logique factuelle, par exemple : on accuse le groupe d’avoir fomenté une action violente en participant à des séminaires de résistance non violente. De même que leurs discussions pour essayer de trouver un candidat à présenter aux élections sont censées prouver qu’ils cherchent à renverser le système – par les urnes, certes, mais peut-être justement a-t-on raté un épisode, c’est la démocratie qui est interdite maintenant ? Si tout est inversé, cela expliquerait pourquoi le livre From Dictatorship to Democracy de Gene Sharp qui est censé avoir inspiré les conspirateurs peut être présenté comme une preuve contre eux. De même que cette phrase, qui jusque-là ne nous semblait pas particulièrement menaçante : «On ne peut quand même pas laisser les gamins se faire gazer !»
Certains de mes amis qui ne goûtent pas la littérature lisent dans le désordre, en faisant des recherches dans le fichier PDF : ils cherchent leur nom, ou celui de leurs proches. Forcément, ça perd tout son charme. Je leur montre les affiches électorales : il faut prendre Erdogan au pied de la lettre, c’est des histoires tout ça, des histoires d’amour ! Et comme disait mon psy, dans un récit de l’inconscient, tous les personnages sont le locuteur : admettons donc simplement que l’acte d’accusation des 16 de Gezi ne dépeint in fine qu’un seul fossoyeur de la République turque : Erdogan himself. Tout le monde n’a que Kafka à la bouche ; en ce qui me concerne j’ai plutôt l’impression d’être dans Fin de partie, de Beckett : «On ne rit pas ? – Moi non. Toi ? – Moi non plus.»
Valérie Manteau à Istanbul. Photo Martin Colombet
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