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La libre avec AFP, le 25/01/2018
INTERNATIONAL
L’offensive turque lancée il y a près d’une semaine contre une milice kurde dans le nord-ouest de la Syrie complique encore davantage la guerre meurtrière qui ravage ce pays depuis 2011.
Les différents acteurs du conflit et les grandes puissances qui les soutiennent essaient de s’assurer un maximum de gains territoriaux afin de renforcer leur position lors des négociations de paix.
Quelle conséquence l’offensive turque sur la région d’Afrine peut-elle avoir sur l’évolution du conflit?
Afrine, prise stratégique?
Située dans la province d’Alep (nord), Afrine est une enclave kurde, bordée par la Turquie à l’ouest et au nord, et par des territoires tenus par des rebelles syriens, souvent soutenus par les Turcs, au sud et à l’est.
Pour Ankara, l’objectif est de chasser de sa frontière la puissante milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), considérée par la Turquie comme un groupe « terroriste », mais soutenue par Washington dont elle est un partenaire clé dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) en Syrie.
L’opération pourrait aussi permettre à la Turquie de consolider sa sphère d’influence dans le nord-ouest de la Syrie, et pour les groupes rebelles qui lui sont alliés de grignoter de nouveaux territoires, estiment des experts.
« Les territoires rebelles seraient ainsi connectés pour la première fois depuis un bout de temps » dans le nord, estime Aron Lund, expert à la Fondation américaine Century, évoquant les zones rebelles d’Alep et de la province voisine d’Idleb.
« Le secteur (rebelle) serait plus viable et pourrait continuer d’échapper au contrôle du président Bachar al-Assad grâce à des financements étrangers et à une protection de l’étranger », poursuit-il.
Pour Charles Lister, expert de la Syrie au centre de réflexion américain Middle East Institute, Ankara et Washington pourraient négocier un accord.
Les Kurdes garderaient leurs territoires semi-autonomes dans le nord-est syrien, en échange d’un soutien américain « pour une zone similaire, sous contrôle de l’opposition syrienne, dans le nord-ouest », estime-t-il.
Quid du régime ?
La pression militaire turque pourrait aussi pousser les YPG dans les bras du régime par le biais d’une médiation de la Russie, allié indéfectible de Damas.
Des responsables kurdes ont indiqué à l’AFP que Moscou leur avait offert une protection contre la Turquie s’ils laissaient leurs territoires au régime syrien, et avait retiré son soutien aérien quand ils avaient refusé la proposition.
Selon M. Lund, « Assad et la Russie pourraient passer un accord avec les Kurdes: nous envoyons nos troupes et ce secteur d’Afrine aura notre protection ». En échange, les Kurdes s’engageraient à faire des concessions à Damas sur leurs aspirations d’autonomie voire d’indépendance dans le nord de la Syrie.
Grâce au soutien de Moscou, le régime a réussi à reprendre le contrôle de plus de la moitié du pays, multipliant les victoires face aux rebelles et jihadistes.
Quel impact sur l’EI?
Après la montée en puissance de l’EI en 2014, les Kurdes sont devenus des acteurs incontournables de la lutte contre les jihadistes en Syrie.
Les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition kurdo-arabe appuyée par Washington dont les YPG sont l’épine dorsale, ont chassé l’EI du nord et nord-est syrien. En octobre, elles ont pris aux jihadistes leur « capitale » Raqa.
Les FDS qualifient l’offensive turque de « soutien clair » à l’EI, accusant Ankara de « détourner » l’attention des Kurdes vers Afrine, les obligeant ainsi à négliger les jihadistes.
Malgré la perte de ses principaux bastions, « l’EI garde une force non négligeable dans un triangle à la frontière syro-irakienne, avec des milliers de combattants », avertissent les FDS.
« L’EI cherche à mener une insurrection contre les Etats-Unis et leurs partenaires locaux en Syrie », souligne Nicholas Heras, expert au centre de réflexion Center for a New American Security à Washington. « Si l’attention des YPG est distraite par les actions de la Turquie à Afrine, cela constituerait une véritable opportunité pour l’EI de frapper » dans l’Est, met-il en garde.
Pour l’instant, l’EI contrôle toutefois moins de 5% du territoire syrien.
Et le processus de paix?
L’offensive turque intervient alors que des négociations pour la paix s’enchaînent jusqu’à la fin du mois.
Des pourparlers organisés sous l’égide de l’ONU se tiennent jeudi et vendredi à Vienne, avant un « Congrès du dialogue national syrien », le 30 janvier à Sotchi (sud de la Russie), sous les auspices de Moscou. Le processus de l’ONU est déjà éclipsé par celui de Sotchi, parrainé par la Russie et l’Iran, appuis du régime, et Ankara, appui des rebelles.
En élargissant sa « zone de contrôle » dans le nord syrien, le président turc Recep Tayyip Erdogan « aurait encore plus d’influence sur le futur de la Syrie », souligne M. Heras.
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