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Mercredi 18 janvier 2016, à la une de la XXIXème Saison du FTM à 18 h30, au palais des congrès.
Les Echos, le 27/02/2016
Vincent Lindon Catherine Frot reçu César meilleur acteur meilleure actrice. Vincent Lindon et Catherine Frot ont reçu les César du meilleur acteur et de la meilleure actrice. – SIPA1 / 1
Le César de la meilleure présentatrice de César depuis l’origine du monde revient sans doute à Florence Foresti. La maîtresse d’une cérémonie qui s’est achevée à minuit pétantes, a réalisé un sans faute ( à l’exception, peut-être du « running gag » avec – ou plutôt sans – Vincent Cassel, vite relou).
La Floresti a enflammé le plateau du Théâtre du Châtelet avec sa gouaille et son aisance coutumières. Florence a fait le bon choix en invitant Jérôme Commandeur et Jonathan Cohen dont les textes étaient franchement drôles. Les intermèdes étaient bien envoyés, notamment « Les bloquées » avec Vanessa Paradis et l’étrange prestation quasi immobile de la pourtant remuante Christine and The Queens (montée sur des échasses ?) reprenant « It’s Only Mystery », le tube de « Subway ».
Michael Douglas, tout en français, fut d’une classe folle. La séquence émotion revient à Rod Paradot, le jeune trublion de « La Tête Haute ». Le prix du « remettant » le moins drôle est décerné à Jean-Hugues Anglade. Pour une fois, depuis longtemps, les intermittents du spectacle n’ont pas envahi la scène.
La diversité à l’honneur
En saluant « Mustang », « Fatima », « La Tête Haute » ou « La Loi du marché », les 4.673 membres de l’Académie des César ont rendu un verdict équilibré et engagé. « Mustang » ( quatre statuettes dont celles du meilleur premier film et du meilleur scénario) interpelle le machisme dans les pays musulmans , « Fatima » (trois statuettes dont meilleure adaptation et meilleur film) les conditions de l’intégration en France , « La loi du marché » ( meilleur acteur) la violence du marché du travail, « La Tête Haute » (meilleur espoir masculin, meilleur second rôle), les difficultés de la réinsertion des adolescents.
Des « vrais sujets », comme on dit. Traités avec compassion, intelligence, ils délivrent aussi, chacun à sa manière et à des degrés divers, des messages d’espoir. Si « Deephan », qui traite du sort des migrants, neuf fois nommé, n’a rien remporté, c’est peut-être que l’Académie a jugé que la palme d’or remportée à Cannes avait été suffisante d’autant que Jacques Audiard a été souvent récompensé par les César.
Vincent Lindon (qui réalise le rare doublé Cannes / César , le premier depuis Gérard Depardieu dans « Cyrano de Bergerac »), Benoît Magimel, Rod Paradot ( « La Tête Haute » ) ont été justement récompensés. Nommé pour la quatrième fois de sa carrière, Luchini est encore passé à côté. Il devait s’en douter, il n’est pas venu.
En revanche sa partenaire, la merveilleuse Sidse Babett Knudsen a été distinguée comme meilleure actrice dans un second rôle et Zita Hanrot meilleur espoir féminin. (On associe à sa récompense Soria Zeroual et Kenza Noah Aïche, qui forment avec elle le merveilleux trio de « Fatima »). Ebouriffante dans « Marguerite » (quatre récompenses), Catherine Frot (est repartie avec le second César de sa carrière (après « Un Air de Famille ». C’est avec à -propos qu’elle a fredonné « Marguerite » donne moi ton cœur ». Elle n’a pas chanté « frot ». Une blague à 150 euros, comme dirait la Foresti.
THIERRY GANDILLOT
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/021728760514-cesar-2016-le-palmares-complet-1203340.php?3gumMHJ90ih0mzfp.99
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La Libération, le 20/09/2015
Par Vincent Duclert (*)
Un couple s’enfuit pour échapper au gaz lancé par la police lors d’une manifestation dans le centre d’Istanbul, 20 juillet.
Un couple s’enfuit pour échapper au gaz lancé par la police lors d’une manifestation dans le centre d’Istanbul, 20 juillet. Photo Huseyin Akdemir. Reuters
Concentration des pouvoirs, personnalisation du régime : l’aspiration à la démocratie du pays est combattue par l’actuel président, Recep Tayyip Erdogan. Homme fort du pays, il cherche à démonter l’opposition, notamment les Kurdes, pour remporter les élections générales du 1er novembre. Une politique dangereuse dans cette région minée par les guerres et l’instabilité politique.
Un état de guerre civile en Turquie
Al’heure où l’Europe fait face à une crise sans précédent de réfugiés du Moyen-Orient, la situation en Turquie ne cesse d’inquiéter. Si cette crise résulte directement de la désintégration des Etats et de la généralisation des politiques de terreur, alors la Turquie, avec ses institutions d’Etat, sa population multiethnique et ses traditions civiles, est en situation de constituer un pôle de stabilité et un rempart contre l’implosion de toute la région. Autant des formes extrêmes de tyrannies se sont imposées en Irak, en Syrie, au Yémen, incarnées par l’Etat islamique ou le régime de Damas, autant la Turquie a démontré, ces dix dernières années, l’aspiration de larges secteurs de sa population à la paix, à la justice et à la démocratie. La rébellion pacifique du printemps 2013 à Istanbul (mouvement de Gezi), ou bien le scrutin législatif du 7 juin signant le succès d’un parti d’origine kurde (HDP) devenu l’expression d’une forte minorité de démocrates turcs, en est la preuve.
C’est pourtant tout le contraire qui se réalise maintenant. L’évolution démocratique est combattue par l’homme fort du pays, l’actuel président turc, Recep Tayyip Erdogan. Déjà contesté par le mouvement de Gezi, auquel il a mis fin par une répression d’une extrême violence, il a enregistré un revers électoral aux dernières élections : son Parti de la justice et du développement (AKP) n’est pas parvenu à remporter une majorité suffisante de sièges, seule capable de lui permettre de gouverner sans contrepoids juridiques ou politiques, encore moins de modifier la Constitution pour instaurer un régime présidentiel autoritaire. Or, c’est bien le bon score du HDP (13 % des votes) qui a privé le parti présidentiel de la majorité absolue. Tout dirigeant légaliste aurait admis que le pays n’était pas favorable à cette concentration des pouvoirs et à cette personnalisation du régime. Recep Tayyip Erdogan a passé outre et cherche, dans une fuite en avant qui s’apparente à une stratégie de guerre civile, à terroriser l’opposition dans le but de remporter les nouvelles élections générales fixées au 1er novembre.
L’objectif recherché par la réforme du régime est de rendre pratiquement impossible toute alternance politique. A l’abri d’un tel bouclier, Erdogan et l’AKP veulent imposer à la Turquie la «restauration», un retour à une nation prérépublicaine délibérément imprécise pour mieux demeurer dans un régime d’incantation, affichant des horizons millénaristes pour une «Nouvelle Turquie», écrivant l’avenir turc à partir des anniversaires rédempteurs de 2023 (centenaire de la République), 2053 (600e anniversaire de la prise de Constantinople) et 2071 (millénaire de l’arrivée des Turcs avec la victoire seldjoukide de Manzikert, au nord du lac de Van).
Croisant cette réécriture de l’histoire, Erdogan et ses proches accentuent leur emprise idéologique sur les comportements privés et l’ordre social, se polarisant sur les femmes et leurs relatives libertés, édictant des préceptes à valeur de règles définitives, sur leurs attitudes dans l’espace public (prohibition du rire), sur l’avortement considéré comme un crime (bien qu’autorisé), sur le mariage des jeunes filles à leur plus jeune âge. Les critiques adressées au Premier ministre ne semblèrent qu’attiser sa détermination à imposer ce nouvel ordre social et religieux.
Las, les électeurs lui refusèrent son rêve de grandeur islamique, l’empêchant de procéder sans tarder à la révision de la Constitution comme il l’entendait. Ce revers suscita de vives inquiétudes dans son entourage. Dans l’immédiat, Erdogan s’employa à faire échouer toute tentative de formation d’un gouvernement afin de provoquer de nouvelles élections (celles du 1er novembre).
Décidé à les remporter, déterminé à ne laisser aucun espace au parti pro-Kurde HDP principal responsable de sa défaite de juin 2015, Erdogan est passé aux grands moyens à la faveur du chaos créé en Irak et en Syrie par l’irruption de l’Etat islamique. Il opte pour une relance de la violence politique en Turquie et même pour une stratégie de guerre civile en transformant l’opposition pro-Kurde en ennemie de l’Etat et de la patrie. Cela signifie que le pôle de stabilité et de démocratisation représenté au Moyen-Orient par la Turquie est en train de disparaître. Les conséquences ne peuvent qu’en être vertigineuses pour l’équilibre régional et même mondial.
La «sale guerre» contre les Kurdes, qui avait reculé dans les régions de peuplement du sud-est (grâce au cessez-le-feu du PKK), est relancée dans des proportions inédites. Désormais, elle touche les zones urbaines et ne vise pas seulement les Kurdes, mais aussi ces minorités démocrates (sociales, comme les féministes ou les LGBT ; politiques, comme les défenseurs des droits de l’homme et les militants de gauche ; intellectuelles avec les universitaires et les artistes ; religieuses, comme les alévis) qui ont été massivement présentes dans le mouvement de Gezi et assuré le succès du parti pro-Kurde deux ans plus tard. La répression contre les Kurdes risque d’entraîner ses représentants à une reprise de la lutte armée et un retour en force du PKK, justifiant de facto l’intensification de la violence policière et l’équation imposée à la société turque : «Kurdes = ennemis». L’action des forces de sécurité sur le terrain est impressionnante. Arrestations massives, écrasement de toute manifestation pacifique, villes en état de siège, coupées du monde comme Cizre, lourdes pertes civiles. Conjointement aux opérations policières dans le sud-est s’est enclenchée, depuis le 7 septembre, une vague d’attaques coordonnées de militants de l’AKP contre les bureaux du HDP sur tout le territoire (dont le siège d’Ankara) et contre les rédactions des journaux d’opposition (Hürriyet). Déjà observées lors de l’écrasement de Gezi, ces scènes de violence populaire organisées soulignent l’appropriation par le noyau dur des électeurs de l’AKP de l’équation mortifère.
Cette stratégie de guerre civile repose l’importation de la situation syrienne dans l’espace politique et idéologique intérieur de la Turquie. Jusqu’au mois de juillet, la Turquie s’était appliquée à ne pas s’engager directement contre l’Etat islamique avec lequel le pouvoir d’Erdogan entretenait de troublantes proximités idéologiques et tactiques, notamment révélées par le journal Cumhuriyet. On se souvient du refus de la Turquie d’intervenir lors du siège de la ville syrienne kurde de Kobané (juillet 2014-janvier 2015), proche de la frontière, et des mesures de répression contre sa propre population kurde appelant à sauver leurs «frères» syriens. Finalement, l’action de l’aviation américaine et des combattants kurdes sur le terrain avaient permis de repousser l’Etat islamique, une demi-victoire largement célébrée dans le monde occidental.
La contamination islamiste au sein des forces de sécurité et le jeu trouble du système Erdogan à l’égard de l’EI ont abouti, selon toute probabilité, au sanglant attentat du 20 juillet à Suruç, ville turque située en face de Kobané où s’étaient réunis des militants kurdes, mais aussi des féministes, des représentants alévis, des jeunes militants de gauche et d’extrême gauche. Le bénéfice politique du lourd bilan humain (32 morts et plus d’une centaine de blessés) est double pour le pouvoir turc : l’attentat permet de signifier ce qu’il en coûte d’être dans l’opposition, et de relancer dans l’opinion la menace terroriste d’autant plus grave qu’elle est à la fois illisible et fabriquée. La Turquie annonce alors son intention de combattre l’Etat islamique pour mieux, dans le même temps, écraser le «terrorisme» kurde qui ne s’était pas manifesté à ce moment. Une stratégie de guerre civile est ainsi appliquée. L’aviation turque mène depuis de multiples bombardements de camps du PKK dans le Kurdistan syrien et irakien tandis qu’en Turquie, la population kurde devient l’«ennemi» qu’il s’agit de combattre par la guerre quel qu’en soit le prix. L’annonce d’élections générales anticipées intervient dans ce contexte explosif, le 21 août.
La Turquie vit des heures très sombres. La stratégie de guerre civile peut échapper au pouvoir dès lors qu’un nombre croissant de militants de l’AKP s’acharnera sur les personnes et les institutions «ennemies». Si le HDP parvient actuellement à survivre à la fois au déferlement de violence mais aussi à la tentation de la violence par un alignement sur le PKK, il n’est pas assuré que la clairvoyance et le courage de son principal leader, Selahattin Demirtas, puissent indéfiniment surnager. Le devoir de l’Europe est d’en être éclairé, de manifester sa solidarité avec les démocrates turcs et de signifier au président turc que sa stratégie de la terreur précipite son pays dans le chaos. La Turquie a d’immenses atouts en face de l’implosion du Moyen-Orient : des traditions politiques que traversent les valeurs démocratiques, des populations en recherche de paix civile et de justice pour le passé (comme l’illustrent les mouvements de reconnaissance du génocide des Arméniens), des luttes contre les violences domestiques et l’égalité civique qui se redéploient sans cesse (comme le montre le très beau film Mustang de la jeune cinéaste Deniz Gamze Ergüven), des cultures en quête de création, d’indépendance, de dignité. Tout ce qui a fait le mouvement de Gezi et le pouvoir de résistance de la société. Y renoncer, s’appliquer à détruire cette richesse morale, sociale et historique, persécuter les forces d’avenir de la Turquie est un projet vertigineux. Celui des tyrannies en d’autres termes.
(*) Auteur de : L’Europe a-t-elle besoin des intellectuels turcs ? postface de Hamit Bozarslan, Armand Colin, 2010, et de Occupy Gezi. Un récit de résistance à Istanbul, Demopolis, 2014.
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Le Figaro, le 17/06/2015
Nathalie Simon
Interview. La réalisatrice turque s’est illustrée à Cannes avec « Mustang », un premier film dédié à la jeunesse et à la liberté.
Opiniâtre, Deniz Gamze Ergüven a dû affronter plusieurs tempêtes avant de réaliser Mustang, son premier long-métrage couronné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes par le Label Europa Cinéma. Formée à la Fémis en 2002, la trentenaire s’était distinguée avec Une goutte d’eau (2006), son film d’études présenté à la Cinéfondation de Cannes et récompensé au Festival du film de Locarno. La réalisatrice vit entre la Turquie et la France et est enchantée que Mustang ait été vendu en Amérique latine, Corée du Sud, Nouvelle-Zélande, Belgique, Pologne…
Le Figaro. – Ce film a failli ne pas sortir ?
Deniz Gamze Ergüven. – J’ai eu plusieurs financements, mais une productrice s’est retirée la veille du tournage. Il y a eu un vent de panique, alors que j’étais prête. J’allais rentrer chez ma mère et faire une dépression quand un producteur est venu à la rescousse. Je n’avais rien dit aux comédiennes, un pilote ne dit pas à ses passagers que l’avion est sur le point de se crasher. Après, chaque jour de tournage a eu son lot de catastrophes, plutôt du côté français que turc. Le plus important, c’était les actrices et le décor. Il fallait rester zen.
L’histoire de ces filles reflète-t-elle la réalité en Turquie ?
Plein de choses sont vraies. Enfant, j’ai moi-même vécu la scène du début quand les filles montent sur les épaules des garçons. Mais contrairement à elles, j’étais mortifiée. Je voulais parler de cette chape de plomb très pesante. La société turque est partagée entre des pics de modernité et le poids patriarcal, conservateur.
Avez-vous tout de suite pensé à une fratrie ?
Oui, j’ai imaginé un corps à cinq têtes, cinq destins possibles de filles. Un été, un garçon avait demandé à un copain le téléphone de la maison. Il avait demandé : « Pour laquelle des filles ? » Le garçon avait répondu : « N’importe laquelle . » D’où l’idée de nébuleuse. Il y a un peu de moi dans chacune de ces filles.
Comment s’est passé le casting ?
Ça a été un long processus. J’avais écrit un cahier des charges précis qui me permettait de déceler les qualités dont j’avais besoin pour les diriger. Deux comédiennes sont professionnelles : Elit Iscan, 12 ans, qui joue Ece, je l’ai sollicitée tout de suite, j’avais peur qu’elle grandisse trop avant le tournage ! Et aussi Tugba Sunguroglu (Selma), que j’ai remarquée dans un avion entre Istanbul et Paris. Les trois autres sont débutantes.
Vous aviez aussi une idée très précise du lieu de tournage…
Oui, je voulais une maison comme dans un conte, une nature inquiétante, une maison adossée à une montagne, au bord de la mer avec l’impression d’être au bout du monde. Nous avons trouvé tardivement le village, à 600 km au nord d’Istanbul.
Votre film est-il un acte militant ?
J’essaie de dire des choses l’air de rien. Il parle de ce qu’est être une femme en Turquie aujourd’hui. La caméra est pour la première fois de ce côté-là . De nombreux territoires n’ont pas été abordés, comme le désir féminin ou la maternité. Je n’ai jamais vu une femme allaiter à l’écran.
Comment pensez-vous qu’il sera reçu en Turquie ?
Les premières réactions sont positives. Je pense que les filles, leur désir de liberté, peuvent entraîner l’adhésion du public. On voit le monde à travers leurs yeux, on est ému par ce qui leur arrive. Il peut être reçu comme un James Dean contestataire qui a le droit de l’être. En plus, les filles sont belles, rafraîchissantes.
Avez-vous pensé à d’autres films en le réalisant ?
J’y pense au moment d’élaborer la structure du scénario. Pour Mustang, c’était L’Évadé d’Alcatraz de Don Siegel. Et aussi The Misfits de John Huston pour la métaphore des chevaux. Mustang a quelque chose d’indomptable. C’est le prénom de l’une de mes petites cousines qui signifie petit cheval sauvage.
Slate.fr – le 20/05/2015
Charlotte Pudlowski
«Mustang»© All rights reserved | Quinzaine des Réalisateurs
La réalisatrice franco-turque présente un très beau premier film sur la place des femmes en Turquie.
Mustang, le titre du très beau premier film de la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven, n’est pas une référence aux voitures, mais aux chevaux sauvages du Nord-Ouest américain. Ces chevaux qui sont synonymes de fougue, de liberté, sont l’allégorie des cinq héroïnes du film. Cinq filles –dont les plus jeunes ne sont pas encore adolescentes– qui vivent loin d’Istanbul, dans la Turquie conservatrice, élevées par leur oncle et leur grand-mère, les cheveux au vent, les jambes dénuées, l’insouciance et l’exaltation de leur âge.
Jusqu’au jour où, après avoir joué dans la mer avec des garçons, avoir grimpé sur leurs épaules pour des batailles d’eau, elles sont rattrapées par la morale traditionaliste, les rumeurs du village sur leur compte, et leur grand-mère qui leur demande dans des cris horrifiés pourquoi elles sont allées «frotter leur entrejambe à la nuque de garçons». On entre alors dans la confrontation de cette jeunesse innocente aux conventions mortifères, et dans la préparation de mariages arrangés pour les faire entrer dans le droit chemin.
Dans cette histoire, mise en scène de manière lumineuse, racontée du point de vue de la plus jeune et de la plus insoumise des filles, Lale, «il y avait un désir de départ: raconter ce que c’est qu’être une femme aujourd’hui en Turquie», explique à Slate Deniz Gamze Ergüven.
La réalisatrice est comme Lale la plus petite d’une famille qui, sur deux générations, est constituée de beaucoup de femmes. «J’avais exactement le même point de vue qu’avait Lale. J’ai vu mes aînées grandir et j’avais en tête comme un petit trésor d’histoires que j’avais envie de raconter.»
La réalisatrice, qui a vécu entre la France et la Turquie (avant de faire une maîtrise d’histoire africaine à Johannesburg puis la Fémis à Paris) connaît de près les enjeux du film. Elle explique:
«Notre famille s’est réagencée plusieurs fois, nous avons eu des moments plus ou moins modernes; un mariage peut axer l’histoire familiale dans une autre direction parce que la figure d’’un patriarche change, à l’issue d’un mariage, et que ce patriarche est d’une nature différente du précédent etc. J’ai été confrontée à un certain conservatisme… Mais j’essaie quand on me pose cette question de garder une distance, parce que certaines histoires très personnelles parlent de ma famille. Mais je connais la situation de l’intérieur bien sûr, il y a aussi tout un tas de choses qui vient de mon entourage, des histoires de filles qu’on se raconte.»
Sans compter une documentation faite spécifiquement pour le film. Comme cette scène où l’une des soeurs, une fois mariée, ne saigne pas à l’issue de son premier rapport sexuel, le soir de la nuit de noce. Les parents du marié attendent derrière la porte de la chambre pour vérifier les draps. Les voyant immaculés, ils l’emmènent à l’hôpital pour faire examiner son hymen –et son honnêteté quant à sa virginité.
«C’est quelque chose qu’un gynécologue m’a raconté comme étant une occurrence et qui se produit 50 à 60 fois pendant les saisons de mariage dans son hôpital. Vous savez comme les policiers le 31 décembre doivent se dire qu’ils vont avoir beaucoup d’ivrognes? Dans cet hôpital les gynécologues se disent qu’en saison de mriage ils vont être confrontés à des familles qui viennent pour vérifier pourquoi la mariée n’a pas saigné alors qu’elle était censée être vierge».
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Avoir vécu entre la France et la Turquie a permis à Deniz Gamze Ergüven de changer de regard sur la situation des femmes en Turquie, de mesurer la différence qu’il y a à vivre ailleurs, de ne pas se sentir aussi oppressée, ailleurs. Elle explique:
Quand je retourne en Turquie, c’est comme si tout à coup je portais un truc très lourd, physiquement, comme un scaphandrier
Deniz Gamze Ergüven
«Je suis très habituée à être libre et je sens cette espèce de corsetage très fort quand je suis en Turquie. Quand je n’y vis pas, je sens une insouciance du corps, de tout un tas de choses et je le sens très fort. Quand j’y retourne, c’est comme si tout à coup je portais un truc très lourd, physiquement, comme un scaphandrier. Et le fait d’entrer et de sortir de ça me permet de le montrer et de m’interroger, de me dire c’est quoi ce truc, de mettre le doigt dessus».
Beaucoup de femmes en Turquie, explique la réalisatrice, éprouvent cette oppression-là . La comédienne Elit Ä°ÅŸcan, qui joue l’une des soeurs, Ece, et dont Gamze Ergüven dit qu’elle a écrit en pensant à elle, a par exemple expliqué à la réalisatrice qu’elle ressentait exactement la même chose, qu’elle voyait très bien ce dont il s’agissait.
La sexualisation permanente
Cette oppression passe par une sexualisation permanente des corps. Comme ce jeu de batailles d’eau qui devient un frottement de sexes contre des nuques –une histoire tirée de l’enfance de la réalisatrice.
Contre cette sexualisation permanente, sa caméra se pose sur les corps en montrant leur ingénuité, leur neutralité. Elle filme des peaux lisses d’enfants, des tendresses entre soeurs, des câlins tendres et anodins, de longs cheveux lâchés non pas comme le symbole érotique que les lois religieuses misogynes en font mais comme une désinvolture légère. Elle filme ces corps au soleil, étendus là par des jeunes filles qui veulent les bronzer, s’amuser de la lumière, profiter de la chaleur. En contrepoint, l’oncle multiplie les discours fondamentalistes sur les femmes, la pureté, la chasteté, et se glisse dans le lit des filles la nuit pour les violer.
«Une des choses les plus importantes dont je voulais parler c’était cette sexualisation continue du corps des femmes. Ne serait-ce que le voile: c’est une manière de dire que chaque geste, chaque parcelle de corps a une dimension sexuelle et ça commence à un âge très précoce. Il y a des directeurs d’école en Turquie qui disent que les garçons et les filles ne devraient plus monter les escaliers ensemble pour aller en classe: on revient à dire que monter des escaliers pour aller en maths c’est très olé olé. Tout ça sexualise les corps très jeunes. 99% des choses qu’on fait ne sont pas sexuelles. On peut regarder le corps sans ce regard-là .
La Turquie d’Erdogan, au pouvoir depuis 13 ans, est de plus en plus conservatrice, et les femmes de plus en plus menacées par ce conservatisme. Entre 2002 et 2009, les meurtres de femmes ont augmenté de 1400% en Turquie. Et celacontinuer de s’aggraver. Au cours de l’année 2014, rapportait Le Point en mars dernier, 294 femmes turques ont été tuées.
Le jour de la projection de Mustang à Cannes, on apprenait dans la presse française qu’une jeune femme de 19 ans, qui avait participé à un concours à la télévision turque, était grièvement blessée par balle par un assaillant de sa ville d’Ergani. L’AFP: «La jeune femme aurait reçu d’après la presse des menaces de mort, car sa participation au show Sesi Cok Güzel, l’équivalent turc de l’émission américaine American idol qui vise à révéler des stars de la chanson, ne plaisait pas à tout le monde, notamment à une partie de sa famille qui y était très hostile.»
Transformer les regards
«La Turquie a toujours eu un côté un peu schizophrène sur les arrangements avec le conservatisme», explique la réalisatrice de Mustang. «Il y a à la fois un discours très conservateur et des aspirations libérales. Occupy Gezi c’était des revendications révolutionnaires, et de l’autre côté il y a un conservatisme qui fait faire des pas et des pas en arrière, qui se comptent en siècles plutôt qu’en années.»
Avec le cinéma on peut s’échanger les yeux, le regard sur le monde
Deniz Gamze Ergüven
En attendant d’être montré en Turquie, Deniz Gamze Ergüven a déjà fait lire le scénario à des hommes en Turquie. Elle raconte avoir été témoin de «réactions vives»…
«J’espère que Mustang peut faire bouger les choses; il correspond vraiment à un désir de prise de parole… Ce n’est pas un film qui se pose dans une confrontation avec la société turque. Avec le cinéma ce qu’on peut générer le plus, c’est de l’empathie, du dialogue; on peut dire des choses que le langage ne pourrait pas dire, on peut s’échanger les yeux, le regard sur le monde, et quelle force de pouvoir faire ça! De pouvoir montrer à des hommes qui ne pourraient peut-être même pas deviner ce que c’est d’être une femme en Turquie».
Mustang, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, sera projeté au Forum des Images à Paris fin mai, dans le cadre de la reprise de tous les films de la Quinzaine.
France Info, le 20/05/2015
par Florence Leroy
Le Festival de Cannes braque ces jours-ci ses projecteurs sur la Turquie avec deux films susceptibles de provoquer le débat, l’un sur la place des femmes dans ce pays, l’autre sur le génocide arménien. Ces deux films sont signés Deniz Erguven et Robert Guédiguian.
Ce que propose le Festival de Cannes chaque année, au-delà du tapis rouge et des photos sur papier glacé c’est, au travers des films qui sont sélectionnés, une sorte d’instantané de l’état du monde avec, à chaque fois, quelques escales privilégiées. Cette année, la Turquie en est une.
Mustang de Deniz Erguven
Bande annonce : http://www.dailymotion.com/video/x2pwhft_mustang-trailer-bande-annonce-vost-full-hd-deniz-gamze-erguven-cannes-2015_shortfilms#from=embediframe
Dans Mustang tout d’abord, la jeune cinéaste turque Deniz Erguven signe là son tout premier film, sélectionné à la Quinzaine de réalisateurs. Elle s’intéresse à la place des femmes dans la société turque au travers d’un portrait de groupe particulièrement réussi. C’est le portrait de cinq sÅ“urs, cinq gamines insouciantes, espiègles, enjouées qui, tout à coup, à l’adolescence, vont se retrouver prises au piège de la religion et des traditions, des tests de virginité aux mariages forcés auxquels, seule la plus jeune dont le visage reste longtemps en mémoire pourra peut-être opposer son irréductible désir de liberté. C’est une enfant comme un espoir pour la cinéaste de voir son pays résister au retour de ses pratiques et aux déclarations du président Erdogan qui, récemment encore, affirmait que l’égalité entre les hommes et les femmes était contre nature.
Deniz Erguven : « Ce que le gouvernement dit sur la place des femmes est tellement aberrant. On change d’époque ! Ce qui est plus dérangeant, c’est ce que cela insuffle à l’intérieur de la société. En Turquie, on est dans des eaux que je ne connais pas. J’aimerais que le film entraîne un peu d’empathie. J’espère que cela peut en inspirer. »
Le mercredi 20 mai 2015
Une histoire de fou de Robert Guédiguian
Faire bouger la société et surtout l’Etat turc c’est aussi ce qu’espère Robert Guédiguian en faisant confiance à la jeune génération, celle que représente justement Deniz Erguven ici à Cannes. Le cinéaste marseillais d’origine arménienne s’intéresse, lui, dans son nouveau film Une histoire de fou, présenté ce mercredi en sélection officielle hors compétition, à la cause arménienne à travers quelques dates clés à commencer par le génocide arménien en 1915 et la lutte armée dans les années 80. Il en profite pour mieux pointer du doigt la responsabilité de l’Etat turc au fil du temps. Lui aussi le fait au travers d’un portrait de famille de la grand-mère qui a fui la Turquie au petit-fils engagé dans la lutte armée. Il signe ainsi un film à la fois romanesque et politique, touchant et passionnant.
Robert Guédiguian : « C’est toujours par l’émotion qui nous rend intelligent qu’il faut que ces histoires soient incarnées dans des générations qui nous font traverser l’histoire de cette mémoire. Je voulais raconter l’histoire de la mémoire du génocide. Cela agite la mémoire des Arméniens mais, c’est aussi l’occasion de regarder ce qui se passe en Ukraine. »
La chanson du jour sur la Croisette, c’est la chanson de France Gall qui ponctue le film de Robert Guédiguian présenté donc aujourd’hui en sélection officielle pendant que, du côté de la compétition, le tour du monde se poursuivra le Chinois Jia Zhang-Ke et l’italien Paolo Sorrentino
NB : Le film de robert Guédiguian sortira en salles au mois de novembre tandis que celui de Deniz Erguven sera à l’affiche lui dès le 17 juin.
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