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vues par un ancien militant de la gauche révolutionnaire
Slate.fr, le 13/05/2015
Ariane Bonzon
Des manifestants brandissent les portraits de leurs proches disparus aux funérailles de Kenan Evren, le 12 mai 2015 à Ankara. REUTERS/Osman Orsal
Des manifestants brandissent les portraits de leurs proches disparus aux funérailles de Kenan Evren, le 12 mai 2015 à Ankara. REUTERS/Osman Orsal
Le Général qui a fomenté le coup d’Etat militaire en 1980 et qui est resté au pouvoir jusqu’en 1989 est mort le 9 mai. Il a eu droit à des funérailles militaires le 12 mai, à Ankara.
«Kenan Evren, cette figure minable du fascisme turc des années 1980, aurait dû subir le même sort que ses homologues dans l’Histoire, comme Hitler. Pas mourir de maladie à 97 ans!» s’insurge Tevfik Eskiizmirliler, un enseignant-chercheur turc qui vit en France depuis vingt ans.
Homme affable et chaleureux, Tevfik Eskiizmirliler est un ancien militant de la gauche révolutionnaire turque. Il a été arrêté, torturé et emprisonné plusieurs fois lors du coup d’Etat militaire conduit par le général Kenan Evren en 1980. Le chef de la junte, mort à l’hôpital militaire d’Ankara le 9 mai, avait été jugé et condamné (en 2012 seulement) à la prison à vie pour crime contre l’Etat. Le Parti pour la justice et le développement (AKP, au pouvoir depuis 2002) et le Parti républicain du peuple (CHP, opposition) n’ont pas envoyé de représentants pour assister à ses funérailles militaires, le 12 mai à Ankara.
Mon «histoire [est] banale», minimise Tevfik Eskiizmirliler. En effet, durant ces années de plomb et de sang, ce sont comme lui quelque 650.000 jeunes et moins jeunes Turcs qui ont été détenus, dont 230.000 inculpés. Au moins 26 prisonniers ont été exécutés, 171 seraient morts sous la torture et des dizaines de milliers exilés, privés de leur nationalité.
L’histoire de Tevfik est celle d’un adolescent politisé qui s’engage, plonge dans la clandestinité et veut rejoindre la lutte armée. Et son histoire singulière permet de comprendre la situation actuelle de la gauche turque.
La décennie des années 1960 avait été féconde pour les mouvements socialistes, communistes et révolutionnaires turcs, mêlant parfois souverainisme, populisme tiers-mondiste et radicalisme républicain. Menée d’une poigne de fer par le «Pinochet turc», leur éradication marque la décennie des années 1980 et pour longtemps.
Une fausse carte d’étudiant
En 1976, Tevfik a 15 ans, il vit à Izmir. Durant les repas familiaux, des discussions animées opposent son père, un médecin militaire, proche du CHP à sa tante et son oncle, tous deux membres du Parti ouvrier de Turquie (TIP, communiste proche de l’URSS). Tevfik est inscrit au collège francophone Saint-Joseph d’Izmir et il suit les cours d’éducation politique de l’Union des jeunesses socialistes (GSB, proches du TIP) dans le sous-sol d’un immeuble du centre-ville. L’association est légale, mais Tevfik, trop jeune, n’a théoriquement pas le droit d’y assister. Le GSB lui fournit une fausse carte d’étudiant sur laquelle il a 18 ans et non 15 afin d’y participer sans trop de risques.
Funérailles militaires pour Kenan Evren, le 12 mai 2015 à Ankara. REUTERS/Umit Bektas
Au collège, un jour, sans autorisation préalable, il appose sur le mur de la salle où se réunit le club de littérature un grand article qu’il a fabriqué et écrit de sa main pour dénoncer, photos à l’appui, «l’exploitation des cueilleurs de coton d’Adana». Convoqué en une sorte de conseil de discipline, il se souvient avoir été défendu «au nom de la liberté d’expression» par son professeur de maths, un Français. Le directeur turc du collège fait cependant retirer et détruire l’article.
Les communistes sont nombreux à Galatasaray
En 1976, Tevfik quitte Izmir pour Istanbul où il devient pensionnaire au lycée francophone de Galatasaray. Dès le deuxième jour de son arrivée, il est contacté par les «grands frères des classes supérieures, sympathisants de TIP».
A l’époque, ce sont les communistes du TIP qui forment le contingent le plus important de ce lycée qu’a visité le général de Gaulle en 1968 , tandis qu’on y compte trois ou quatre militants de la Brigade marxiste-léniniste de la propagande armée (MLSP-B) et à peine plus de militants pour la Jeunesse révolutionnaire (Dev-Genç) que Tevfik a rejoint. Non alignés sur l’URSS ni non plus sur la Chine, les membres de Dev-Genç sont considérés par les communistes (qui se disent eux-mêmes «socialistes») comme des «gauchistes», lesquels les traitent en retour de «révisionnistes».
Le 1er mai 1977 rassemble au moins 500.000 personnes sur la place Taksim. «La seule solution, c’est la Révolution», scande Tevfik au pied de la statue d’Ataturk. Son groupe est encerclé par les forces de l’ordre et l’adolescent de 16 ans assiste, effaré, à une fusillade qui fait une trentaine de morts parmi les manifestants. Les communistes du TIP accusent les maoïstes d’avoir tiré. Le journal du Chemin de la révolution (Dev-Yol, branche politique de la Jeunesse révolutionnaire), dont le tirage a pu atteindre les 500.000 exemplaires les années suivantes, publie les photos prouvant que c’est la police. Les communistes du TIP ont perdu une bataille. Les élèves francophones de Galatasaray basculent du côté du «Chemin de la révolution».
Le 30 mars 1978, chargé du service d’ordre d’un énorme rassemblement qui a lieu au centre d’Istanbul, Tevfik assiste impuissant au débordement de la foule après que la mère de Mahir Cayan, le leader du Parti de la libération du peuple de Turquie (TKHP-C), assassiné par l’armée en 1972, est montée sur la scène pour parler. Elle n’a pas le temps de prononcer deux mots que, de colère au souvenir de leur héros, un flot de 30.000 jeunes s’élance vers la place de Taksim.
Un mois plus tard, rupture au sein de Dev-Yol avec la création de Dev-Sol (Gauche révolutionnaire) qui prône la lutte armée. Le lycée Galatasaray en est le bastion tandis que dans les banlieues d’Istanbul certains gecekondu (bidonvilles), tenus par les gauchistes, sont impénétrables aux forces de l’ordre.
Les «soixante-dix-huitards»
Les affrontements de rue entre extrême gauche et extrême droite se multiplient. Après les «soixante-huitards», vient en Turquie le temps des «soixante-dix-huitards».
Désormais, Tevfik est armé d’un revolver. «Il fallait être prêt à se défendre contre les “fascistes” qui pouvaient nous attaquer n’importe où», justifie-t-il tout en concédant avoir découvert bien plus tard ce que signifiait vraiment ce mot. En fait, «nos ennemis du Parti de l’action nationaliste (MHP) étaient bien plus ultranationalistes que fascistes».
Une nuit de cette année 1978, le quartier chic d’Izmir où vivent les parents de Tevfik Eskiizmirliler est une nouvelle fois le théâtre d’affrontements armés entre les forces de l’ordre et les révolutionnaires de Dev-Genç. Lorsqu’il rentre chez lui, Tevfik réalise que son père est au téléphone pour le dénoncer à la police.
«C’était sa manière de me protéger, il pensait sans doute que si j’étais arrêté, il ne m’arriverait rien. Seulement j’étais armé et ça pouvait me coûter très cher, alors je lui ai montré mon revolver tout en arrachant les fils du téléphone pour qu’il ne puisse plus parler.»
La machine s’emballe: manifestations, attentats, attaques armées, rixes entre milices d’extrême gauche et milices d’extrême droite se multiplient. Les groupes liés au Parti d’action nationaliste ont parfois le soutien des forces de l’ordre. En décembre 1978, à la suite du massacre de Marash, l’état de siège est décrété sur 13 villes.
Torturé pendant trois semaines
Lors d’un des nombreux meetings non autorisés auquel Tevfik participe à Istanbul, une balle frôle la jambe d’un policier. Tevfik est arrêté, accusé d’être le propriétaire d’un revolver trouvé à quelques mètres de lui et torturé pendant trois semaines: électricité, simulacre d’assassinat, falaka («le plus dur à supporter, dit-il, à cause du sel sur mes pieds ensanglantés»). Il n’avoue ni ne donne le nom de ses camarades.
«Un seul mot et j’étais foutu, et puis livrer le nom de ceux avec lesquels je militais aurait été me trahir moi-même…»
Un procès s’ouvre au tribunal militaire d’Istanbul. Tevfik est détenu pendant dix mois dans la prison militaire de Selimiye puis dans celle de Davutpasa. Les détenus de la gauche révolutionnaire, regroupés dans des dortoirs communs, édictaient leur propre règlement et poursuivaient leurs réunions d’éducation politique. Au cœur des prisons, de véritables «communes pénitentiaires» d’extrême gauche s’autorégulaient, tolérées par l’administration.
Clandestinité et lutte armée
Libéré à cause du manque de preuves, Tevfik décide de s’engager dans la lutte armée. Mais il ne veut pas s’enfoncer dans la clandestinité avant d’avoir obtenu l’équivalent de son baccalauréat:
«On m’a trouvé un directeur d’établissement membre de Dev-Yol . Il s’est débrouillé pour que je puisse avoir mon certificatde fin d’études alors même que je n’avais pas été scolarisé pendant plusieurs mois.»
Kenan Evren, dans un bureau de vote d’Ankara en 2010 pour le référendum sur la constitution turque. Il n’a été condamné qu’en 2012. REUTERS/Umit Bektas
Le baccalauréat passe quand même avant la Révolution.
Pas de chance: le matin du jour où il doit quitter Istanbul, Tevfik est de nouveau arrêté. Un contrôle banal, sauf que cette fois, il porte son revolver en poche. Le voilà envoyé à la prison de Sagmalcilar, connue pour être le «QG» de Dev-Yol».
«La nuit, nous fermions de l’intérieur et à l’aide d’une grosse chaîne la porte centrale du couloir qui nous reliait à l’administration pénitentiaire. Nous montions la garde, armés, afin de nous défendre des possibles attaques des groupes fascistes dont les dortoirs n’étaient pas éloignés et qui bénéficiaient parfois de complicité au sein du personnel. Et puis, cela nous permettait également de travailler, sans être dérangés, dans le tunnel que nous avions creusé et qui a été retrouvé après le coup d’Etat de 1980.»
Relâché en septembre 1980, quelques jours avant le coup d’Etat, il prend la route vers l’est sous couvert d’accompagner sa fiancée bien que le «mouvement» (Dev-Yol) lui avait demandé de cesser toute relation avec cette jeune fille. L’amour et la révolution ne font pas bon ménage. Dans la région de Malatya, le couple loge chez un agha, un chef de tribu, kurde alévi, dont le fils, professeur au lycée de la ville, est également membre de Dev-Yol.
«Ce qui obsédait l’agha, c’est que mon amie et moi dormions bien dans des chambres séparées: elle à un bout de la maison, moi du côté de l’étable. En logeant des révolutionnaires d’extrême gauche, cet agha prenait d’énormes risques, mais il ne pensait qu’à une chose: le respect de la tradition, l’“honneur” de la jeune fille.»
Coup d’Etat et loi martiale
La fuite de Tevfik est stoppée net cette nuit-là. A 4 heures du matin, l’armée turque s’est déployée sur les toits des maisons du village. On est le 12 septembre 1980, le général Kenan Evren et sa junte ont pris le pouvoir. La loi martiale est étendue à tout le pays. Tevfik échappe au contrôle des soldats, revient à Istanbul, et entre en semi-clandestinité.
A l’époque, la télévision d’Etat retransmet les photos des personnes recherchées les plus dangereuses. Le nom de ceux qui sont jugés, moins dangereux, comme Tevfik, sont simplement cités au cours du bulletin d’information.
«C’est en regardant la télévision que j’ai appris que j’avais été condamné à 14 mois de prison de plus.»
De nouveau arrêté en 1982, il sera cette fois détenu dans des conditions extrêmement dures et brutales, physiquement et psychologiquement qui conduisirent de nombreux détenus à entamer de longues grèves de la faim. Tevfik ne sortira de prison qu’en 1983, après que les violences politiques ont cessé.
Après avoir réussi à stopper les affrontements armés entre militants d’extrême gauche et d’extrême droite, le général-putschiste se fait tailler une Constitution sur mesure. Président de la République de Turquie de 1982 à 1989, Kenan Evren veut reconstruire l’Etat et transformer l’arène politique de fond en comble, en tentant de faire de l’islam un rempart idéologique contre les communistes.
Trente-cinq ans plus tard en Turquie, il ne reste plus grand-chose de la myriade de partis, groupes et groupuscules d’extrême gauche qui existaient alors. Pour l’essentiel, seul le Parti-Front révolutionnaire du peuple, le DKHP-C subsiste. C’est ce groupe qui a pris en otage un procureur fin mars 2015 au Palais de justice d’Istanbul.
Actuellement, la gauche n’a toujours pas de représentation parlementaire propre en Turquie. En cela, Kenan Evran, le «Pinochet turc», a parfaitement rempli sa tâche.
Pourtant, lors des élections législatives du 7 juin prochain, il n’est pas complètement exclu qu’un nouveau parti de gauche, le Parti démocratique des peuples (HDP, fondé en 2012 et cherchant à rassembler Turcs et Kurdes) dépasse les 10% de suffrages au niveau national, ce qui lui permettrait d’être représenté au Parlement. Ce serait un pied de nez post-mortem au général Evren, puisque c’est sous sa présidence qu’avait été instaurée cette barre des 10% afin d’empêcher l’accès des Kurdes au Parlement.
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