Titulaire de la chaire internationale d’Histoire turque et ottomane au Collège de France, professeur à l’université du Bosphore, Edehm Eldem revient dans ce cours sur le « traumatisme » qu’a représentée la campagne d’Egypte :
« Si l’on veut donner une date charnière du moment où les Ottomans ont vraiment été convaincus de leur faiblesse, et de la nécessité qu’ils avaient de revoir leurs relations internationales, la diplomatie européenne, afin de survivre dans un monde où ils n’avaient plus pied, je pense que 1798 est un bon tournant. »
Comment, depuis le centre de l’Empire Ottoman, à Constantinople, réagit-on à ce « coup de maître » ?
Edhem Eldem s’attache à montrer, dans le cadre de sa série consacrée à « L’Empire ottoman et la Turquie face à l’Occident », le « changement sensible du rapport de forces au XVIIIe siècle » :
« tandis que les Ottomans, depuis la fin du XVIIe siècle, ont commencé à perdre prise, leurs interlocuteurs occidentaux, eux, se font de plus en plus puissants et, souvent, arrogants ».
Cette arrogance va de pair avec l’émergence, en Occident, d’un regard d’antropologue sur le monde.L’historien commente ainsi les 10 volumes de la « Description de l’Egypte », compilée par les savants qui ont pris part à l’expédition d’Egypte :
« Ce méli-mélo du passé et du présent oriental, un peu figé dans le temps, c’est quelque chose que l’on associe facilement aux points forts de l’Orientalisme. C’est au cours de ces volumes, et de ces planches, que l’on voit cette symbiose entre une vision extrêmement claire des ruines, du passé – un travail d’archéologue, si vous voulez -, avec un travail d’antropologue, ou d’orientaliste« .
•Crédits : Wikicommons
Quel est le caractère formaliste des innovations, comme les traductions d’Atlas pour l’empire ottoman, qui cherche les voies plus ou moins superficielles de la modernité?
Dans sa présentation pour le Collège de France, l’historien turc souligne que :
« L’expédition d’Égypte de Bonaparte (1798) est un tournant décisif dans l’histoire de l’Empire ottoman, mais aussi dans celle de la région tout entière ainsi que dans celle des rapports entre Orient et Occident. Élément fondateur de l’orientalisme savant (description de l’Égypte), coup d’envoi d’une politique coloniale française et britannique en Méditerranée et au Moyen-Orient, début de la formation d’un État moderne en Égypte, cet événement constitue, pour les Ottomans, un traumatisme dont ils ne se remettront jamais entièrement. Incapable de répondre à ce coup de force par les armes, la Sublime Porte se retrouve à la merci d’alliances internationales pour assurer sa propre survie dans un environnement de plus en plus menaçant. »
Face au nouveau jeu des puissances européennes, notamment française et anglaise, comment les Ottomans vont-ils inventer un système de décorations – ordres et médailles – à l’occidentale, afin de récompenser Nelson et ses braves qui les ont aidés pour la reconquête de l’Egypte, joyau de l’empire ottoman?