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Médiapart, le 20/01/2019
Par Nicolas Cheviron
Décidée à intervenir militairement pour mettre un terme à l’existence du Rojava, la Turquie présente la région autonome kurde syrienne comme une dictature dirigée par une organisation terroriste, le PKK. Pour Mediapart, trois spécialistes décrivent une réalité bien plus complexe.
Istanbul (Turquie), de notre correspondant. – Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. Six ans après la proclamation de son autonomie, la région kurde syrienne du Rojava est menacée dans son existence par la Turquie, qui se dit décidée à intervenir militairement pour mettre un terme à l’expérience originale de municipalisme libertaire menée de l’autre côté de sa frontière par le Parti de l’union démocratique (PYD).
Les frontières “de facto” du Rojava en octobre 2016. Afrin est depuis passé sous contrôle turc en mars 2018. © Wikipedia
Pour justifier une telle opération, Ankara fait valoir que le PYD serait une structure totalement inféodée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la rébellion kurde qu’elle combat depuis 1984 et que les États-Unis comme l’Union européenne ont incluse dans leurs listes des organisations terroristes. Les autorités turques dénoncent aussi un régime dictatorial, asservissant les populations non kurdes dans les zones passées sous son contrôle.
Interrogés par Mediapart, trois spécialistes de la région répondent à ces accusations. Si Harriet Allsopp, analyste indépendante, Joost Jongerden, professeur associé de sociologie à l’université de Wageningen (Pays-Bas), et Jordi Tejel, professeur d’histoire à l’université de Neuchâtel (lire leurs bibliographies en boîte noire), ne partagent pas la même vision du Rojava, leurs analyses convergent sur un point : la réalité est plus complexe que le prétend Ankara.
La Turquie, qui considérait il y a cinq ans le PYD comme un interlocuteur légitime – son leader, Saleh Müslim, a été reçu à Istanbul en juillet 2013 et à Ankara en octobre 2014 pour des pourparlers –, l’accuse aujourd’hui d’être une émanation directe du PKK pour justifier une intervention militaire contre le Rojava. Alors, le PYD et le PKK, c’est la même chose ?
Jordi Tejel : C’est une question complexe, que je ne voudrais pas simplifier. Le PKK s’est installé en Syrie au début des années 1980 et a développé des relations avec le régime de Damas qui lui ont permis de devenir un parti très important dans ce pays. Il a reçu une aide matérielle et économique de Damas. Il a pu ouvrir des bureaux alors que tous les autres partis kurdes étaient clandestins. Il a pu recruter des militants qui étaient envoyés vers la guérilla et étaient de ce fait dispensés de service militaire dans l’armée syrienne. Au fur et à mesure, le PKK s’est d’une certaine façon “syrianisé”. Alors que ses cadres étaient tous des Kurdes de Turquie au départ, il va finir par compter jusqu’à 20 % de Kurdes de Syrie aussi bien parmi ses simples militants que dans sa direction.
Quand le PKK change de nom en Syrie en 2003 pour devenir le PYD, ce n’est plus le même parti qu’en 1980. Il y a eu un changement sociologique. Avec la présence de cadres syriens, la nouvelle formation évolue vers des préoccupations plus syriennes, d’autant que les relations entre le mouvement kurde et Damas se sont tendues après l’expulsion par la Syrie, en 1999, du chef du PKK, Abdullah Öcalan (aujourd’hui emprisonné en Turquie), sous la pression turque.
Quand on dit que le PYD et le PKK c’est la même chose, je réponds à la fois oui et non. De tradition, oui. Ce n’est pas un mystère, dans leurs manifestations, dans les écoles, il y a une propagande du PKK, de ses principes, de son idéologie. On sait aussi qu’en 2011-2012, ce sont les cadres du PKK qui vont organiser les milices syriennes kurdes YPG [Unités de protection du peuple – ndlr], ce qui explique leur discipline et leur succès. Mais il y a aussi toute une nouvelle génération de Kurdes qui n’étaient pas forcément proches du PKK qui vont rejoindre le PYD, les YPG.
Le mouvement va s’élargir à des chrétiens, à des Arabes. Il y a une continuité et en même temps un changement. Celui-ci s’observe dans les préoccupations quotidiennes. Alors que le PKK de 1980 était libre de ses mouvements en Syrie à condition de ne pas se mêler de la politique syrienne, le PYD de 2003 et a fortiori celui d’aujourd’hui doivent répondre aux besoins de la population locale et avoir une politique syrienne.
Harriet Allsopp : Le PYD et le PKK sont deux organisations séparées, mais elles partagent un même attachement à l’idéologie d’Abdullah Öcalan et sont toutes deux membres de la plus vaste organisation parapluie du KCK [Union des communautés du Kurdistan – ndlr], qui dirige un réseau d’organisations civiles, politiques et militaires liées par une même philosophie. Le PYD a changé son « code interne » – le programme du parti – au cours des dernières années pour se séparer institutionnellement du PKK et de sa direction.
Joost Jongerden : Le PKK et le PYD sont tout simplement des organisations différentes. Ce qu’elles partagent, ce sont une vision commune, une idéologie, et le fait qu’elles reconnaissent toutes deux l’importance d’Abdullah Öcalan dans l’articulation de cette idéologie. Mais ce sont des organisations séparées avec des structures de prise de décision séparées.
À ce propos, certains observateurs décrivent l’existence au Rojava de deux systèmes distincts de prise de décision : d’un côté, un réseau complexe de conseils, au cœur du projet de révolution sociale porté par le PYD, et de l’autre une structure fortement hiérarchique liée au PKK, qui exercerait la réalité du pouvoir. Que pensez-vous de cette description ?
J. T. : Toutes les décisions importantes concernant la conduite de la guerre et la conclusion d’alliances sont prises dans les monts Kandil [le quartier général du PKK, établi dans les montagnes du nord de l’Irak – ndlr]. Après, Kandil ne peut pas prendre des décisions sur tout ce qui se passe sur le terrain. Donc, il y a différentes structures, différents niveaux de décision, en fonction de leur importance pour le mouvement. Je pense que le PKK est en train de devenir une sorte de Hezbollah libanais.
Le Hezbollah, c’est un parti libanais, un parti chiite, et en même temps un parti qui a des ramifications politiques régionales. De la même façon, le PKK est un parti kurde, mais qui en même temps a dû s’ouvrir, comme l’a fait le Hezbollah au Liban, et qui essaie d’avoir une présence, une influence, régionales. Il joue sur différents tableaux et, comme pour le Hezbollah, sa politique est difficile à suivre, avec des logiques différentes, pouvant parfois paraître contradictoires mais qui s’expliquent par ces différents niveaux. Par contre, quand le local entre en contradiction avec Kandil, c’est quand même Kandil qui s’impose.
J. J. : Je ne souscris pas du tout à cette idée. Il existe bien une double structure, mais elle n’est pas commandée par les monts Kandil. Le Rojava est gouverné par un système de conseils multicouches, organisé aussi bien sur une base territoriale que de genre et d’identité culturelle. Sur le plan territorial, il est administré par un réseau de conseils de quartiers, de districts, de villes, de régions dans lequel on essaie de donner autant de responsabilités que possible aux conseils les plus proches des gens, c’est-à-dire au niveau des quartiers.
Les femmes sont organisées indépendamment, en parallèle, à tous ces niveaux, et il en va de même pour les différentes identités : les chrétiens, les Arabes peuvent avoir, dans les régions où ils vivent, leurs propres conseils. Ce système fonctionnant de la base vers le sommet, c’est ce qui caractérise le Rojava.
Dans le même temps, avec tous ces conseils, il y a un risque de fragmentation dans la prise de décision. À ce stade, on voit intervenir le TEV-DEM, le Mouvement pour une société démocratique, qui est une plateforme dans laquelle les représentants des différents conseils se réunissent et qui assure une certaine cohérence dans la prise de décisions. Le TEV-DEM joue un rôle de coordination des décisions prises par la base et qui remontent vers le sommet, tout en exerçant une forme d’administration du sommet vers la base. Mais au bout du compte, ce sont ces institutions, pas le PKK, qui décident de ce qui se passe dans cette région.
Et ce système, il fonctionne ? Le penseur libertaire Murray Bookchin, dont les travaux sur l’écologie sociale ont inspiré Öcalan, se retournerait-il dans sa tombe en voyant comment est géré le Rojava ?
J. J. : Les gens qui veillent sur l’héritage de Murray Bookchin reconnaissent dans la plupart des expériences menées au Rojava une résonance avec ses idées. Je pense que la vision d’une structure sociale autogouvernée que ces idées ont inspirée à Öcalan peut apporter une solution à certaines tendances autoritaires, assimilatrices et nationalistes qui sont à l’origine de nombreux problèmes du Proche-Orient. Et ça fonctionne. S’il convient d’agir vite, une organisation où les ordres viennent d’en haut sera sans doute plus rapide. Dans ce sens, le système des conseils n’est peut-être pas très efficace. Pourtant, il fonctionne, et surtout, il fonctionne pour rassembler les gens, des gens d’origines ethniques ou religieuses différentes.
Il fonctionne aussi en ce qu’il permet aux femmes d’être plus visibles et de se battre pour leurs droits. Est-ce que la situation est idéale ? Certainement pas. Le Rojava rencontre de nombreux problèmes, liés notamment à certaines formes d’autoritarisme. Mais on ne change pas la structure d’une société en trois ou quatre ans. Ce qu’on voit, c’est un mouvement qui essaie de résoudre ces problèmes, pas un mouvement qui prétend avoir réalisé une utopie.
H. A. : Certains observateurs perçoivent l’expérience comme révolutionnaire et démocratique, et elle l’est pour de nombreux participants. Cependant, cette vision ne rend pas compte de la situation dans son ensemble. Le système est hautement idéologique et se mobilise autour de la mise en œuvre d’une « révolution ».
De nombreux Kurdes qui ne sont pas d’accord avec sa philosophie ou ses méthodes ne participent pas au système des communes. D’autres participent parce que la Syrie est en pleine guerre, qu’il n’y a pas de sécurité, que les services sont réduits au minimum, qu’il n’y a pas vraiment de choix en termes de représentation : l’administration dirigée par le PYD contrôle la majorité des services et des ressources dans le nord de la Syrie. Dès lors, il y a un intérêt pratique à participer, à accepter tacitement cette forme de gouvernance. L’élément de démocratie directe de ce système ne fonctionne qu’au niveau local, et même là, nos recherches suggèrent que les processus sont guidés par ceux qui sont fidèles au système. Au-delà, tout est très hiérarchique.
Bookchin estimait que les relations hiérarchiques, et non le capital, constituent notre péché originel et que les problèmes écologiques auxquels nous sommes confrontés sont le résultat de ces relations de domination. Il argumentait que ces relations hiérarchiques sont soutenues par l’État nation. Il plaidait ainsi en faveur d’une forme de démocratie davantage fondée sur les communes : un ‘municipalisme libertaire’ basé sur les modèles helléniques de démocratie directe. Bien que le PYD dispose de processus visant à éviter ces pièges, dans la pratique, la ‘révolution’ n’est pas complète et sa mise en œuvre se réalise dans un processus allant du sommet vers la base.
Cet autoritarisme accepte-t-il la contradiction ? Certaines formes d’opposition sont-elles admises au Rojava ?
J. T. : Il y a des partis, mais leurs dirigeants sont au Kurdistan irakien. Certaines branches locales sont toujours actives, mais, de temps à autre, des membres ou leurs proches sont interpellés par la police. La pluralité dans les médias a, quant à elle, pris fin en 2014. Il y avait des radios, quelques journaux, mais ils ont été attaqués. Les stations de radio ont été brûlées et la police dirigée par la PYD n’a jamais trouvé les auteurs. Une fois leur matériel perdu, dans un contexte de guerre, il était difficile pour ces radios de reprendre leurs activités. Après, si on compare le Rojava avec d’autres régions de Syrie, force est de constater que le PYD ne bombarde pas des villes entières, ne multiplie pas les exécutions.
On ne peut le comparer ni avec le régime, ni avec l’État islamique. On pourrait peut-être le comparer avec le régime baasiste d’avant-guerre. Dans la Syrie d’avant 2011, les services de sécurité interpellaient de temps en temps des dirigeants kurdes. Parfois ils les relâchaient tout de suite, parfois ceux-ci passaient deux ans en prison et étaient torturés. Cependant, si cet aspect autoritaire existe bien au Rojava, qui ne permet pas aux voix dissidentes de s’exprimer, il y a aussi une mobilisation de la population derrière son projet, qui n’existe plus depuis longtemps en ce qui concerne le régime baasiste.
H. A. : L’opposition kurde est encore active, en particulier au sein du Conseil national syrien. Néanmoins, elle ne peut pas agir librement en Syrie parce qu’elle ne reconnaît pas le système de gouvernance, qu’elle voit comme une forme de règne du parti unique. Les accords sur un partage du pouvoir ont déraillé et sont devenus obsolètes. De nombreux leaders politiques sont au Kurdistan irakien. En Syrie, des militants ont été arrêtés par les forces de sécurité du PYD. Avec une telle révolution, qui est guidée par une idéologie fermée, le système ne peut pas incorporer les opinions et pratiques politiques qui rejettent l’idéologie centrale.
J. J. : Oui, il y a une opposition, des médias d’opposition. Dans le même temps, on ne peut pas nier l’existence d’un conflit brutal entre le PYD et d’autres organisations proches du PDK (Parti démocratique du Kurdistan) kurde irakien. Quand le PDK ferme sa frontière et met en œuvre un blocus contre le Rojava, il a une attitude pour le moins hostile à l’égard du processus en cours au Rojava. En réponse, le PYD adopte aussi des positions dures à l’égard du PDK. Mais on ne peut pas imputer toute la responsabilité de ce conflit au seul PYD.
Par ailleurs, le PYD a reconnu l’existence de problèmes concernant le comportement de la police et le traitement des détenus dans les prisons, et il a dit sa volonté de les résoudre. Nous devons aussi prendre en compte le fait qu’ils héritent du régime syrien une culture politique et des habitudes policières.
Dans un rapport publié en octobre 2015, l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International a accusé les forces armées du Rojava d’avoir procédé à un nettoyage ethnique dans des villages arabes nouvellement conquis (lire ici). Comment réagissez-vous à ces accusations ?
J. J. : Le PYD a rejeté l’accusation, à mon avis avec raison. Celle-ci faisait référence à un cas tout à fait spécifique concernant une zone de front avec l’État islamique, où les opérations militaires nécessitaient de déplacer des populations temporairement avant d’autoriser leur retour une fois la zone sécurisée. Les autorités du Rojava étaient particulièrement claires dans leur réponse.
J. T. : Je ne sais pas. Je n’ai pas eu accès à des sources crédibles qui me permettent d’infirmer ou de confirmer l’information. Des déplacements de population ont pu être organisés, mais il ne faut pas sauter tout de suite à la conclusion qu’il y a une politique de kurdisation. Quand on est en guerre, que le front bouge, des populations peuvent être amenées à bouger, volontairement ou non.
Au cours des dernières années, le Rojava a connu une expansion rapide de son territoire, liée au succès de son combat contre l’État islamique (EI). D’importantes populations non kurdes sont ainsi passées sous son autorité. Comment fonctionne leur intégration dans le projet politique du Rojava ?
H. A. : L’administration a changé pour s’adapter aux évolutions de son environnement et pour saisir de nouvelles possibilités d’expansion. De nombreuses alliances ont été conclues sur la base de bénéfices mutuels liés à l’expulsion de l’EI de la zone. Les mêmes structures de conseils sont mises en place, mais l’élément idéologique révolutionnaire n’est pas mis en œuvre lourdement dans les zones non kurdes. Les conseils sont créés sur la base des structures représentatives tribales existantes plutôt qu’en essayant de les supprimer.
J. T. : Le PYD cherche à intégrer tous les secteurs de la société, hommes et femmes, Arabes et Assyriens, c’est indiscutable. Il y a une ouverture à tous les groupes religieux ou ethniques. Mais, en même temps, c’est un système très partisan. On peut être arabe et faire partie de ce système, pour autant qu’on est d’accord avec lui.
J. J. : La dernière fois que je me suis rendu au Rojava, il y a deux ans, dans le canton de Jéziré, j’en ai retiré l’impression qu’il existait dans la région ce qu’on pourrait appeler, a minima, un système de coexistence pacifique – ce qui, si on regarde la Syrie dans son ensemble, est déjà un vrai succès. J’y étais pendant les fêtes de Noël et, dans les villes où je me trouvais, les fêtes chrétiennes étaient célébrées sans retenue, les symboles chrétiens s’affichaient au grand jour. Je pense que cela dit quelque chose du caractère spécifique du Rojava dans un pays déchiré par un conflit principalement ethnique et confessionnel.
Le Rojava est aujourd’hui menacé dans son existence par la Turquie. Dans ce contexte critique, quelles sont, selon vous, les priorités de ses dirigeants ?
J. T. : Le PYD est un parti extrêmement pragmatique. Il l’a prouvé depuis le début de la crise syrienne et je suis convaincu qu’il trouvera un moyen pour rebondir, même s’il en sort affaibli. Le PYD est à la fois un parti « kurde syrien » et « kurde » avec des connexions avec d’autres mouvements et partis frères dans les autres régions kurdes du Moyen-Orient. En ce sens, ses deux lignes rouges sont probablement de maintenir sa position hégémonique au sein du camp kurde en Syrie – ce qui suppose une relation privilégiée avec le régime syrien – et de poursuivre une politique dans le conflit syrien qui ne mette pas en danger la survie du mouvement kurde organisé autour du PKK.
En revanche, la préservation d’une autonomie territoriale n’est pas nécessairement une priorité. Le projet actuel d’« autonomie démocratique » peut s’accommoder d’une architecture institutionnelle non territoriale. Ainsi, le PYD pourrait continuer de mener ses activités, encadrer les populations kurdes dans le Nord syrien, sans que le régime syrien soit forcé de reconnaître une « région autonome » bien délimitée.
H. A. : Ce n’est pas clair. Si le PYD passe des accords avec le gouvernement d’Assad, il pourrait conserver une certaine autorité au niveau local, mais perdre le contrôle sur les ressources stratégiques et le processus de prise de décision. Mais cela dépend des relations du gouvernement d’Assad avec la Turquie, du besoin que celui a ou pas d’utiliser la carte kurde dans ces relations, et de la façon dont il entend la jouer.
J. J. : Je pense qu’ils ne renonceront jamais à leurs gains en termes d’auto-administration – le système des conseils, le municipalisme. Leur existence présente et future dépend aussi du maintien de leurs forces militaires, donc je n’imagine pas qu’ils puissent renoncer à elles. Néanmoins, leur pouvoir de négociation dépendra du soutien qu’ils obtiendront de l’extérieur – de ce que feront les États-Unis et l’Union européenne, en particulier le Royaume-Uni et la France.
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