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Le Monde avec AFP, le 20/03/2021
Le pays de Recep Tayyip Erdogan avait été parmi les premiers à signer la convention d’Istanbul, en 2011. Les conservateurs ont affirmé que la charte nuisait à l’unité familiale et encourageait le divorce.
La Turquie s’est retirée, vendredi 19 mars, de la convention d’Istanbul, traité international du Conseil de l’Europe sur les violences faites aux femmes. La décision a été prise par décret présidentiel. La convention d’Istanbul, dont la Turquie était parmi les premiers pays signataires en 2011, oblige les gouvernements à adopter une législation réprimant la violence domestique et les abus similaires, y compris le viol conjugal et la mutilation génitale féminine.
Les conservateurs ont affirmé que la charte nuisait à l’unité familiale, encourageait le divorce et que ses références à l’égalité étaient utilisées par la communauté LGBT pour être mieux acceptée dans la société. La Turquie avait débattu d’un éventuel retrait de cette convention après qu’un responsable du parti islamo-conservateur au pouvoir, l’AKP, eut suggéré l’abandon du traité l’année dernière. Depuis, des femmes sont descendues dans les rues d’Istanbul et d’autres villes, appelant le gouvernement à s’en tenir au traité.
Au moins 300 féminicides en 2020
Le Parti républicain du peuple, principal parti d’opposition, a critiqué cette décision. Gökçe Gökçen, sa vice-présidente chargée des droits humains, a déclaré que l’abandon de cette convention revenait à « laisser les femmes être tuées ». « Malgré vous et votre malfaisance, nous allons rester en vie et faire ressusciter la convention », a-t-elle écrit sur Twitter.
TBMM’nin açık iradesini yok sayan ve İstanbul Sözleşmesi’ni hukuksuzca fesheden bu mantığın Türkçesi: “Kadınlar ikinci sınıf vatandaş olmaya devam etsin ve hatta öldürülsün.”
Size ve tüm kötülüklerinize rağmen biz yaşayacağız ve Sözleşmeyi geri getireceğiz! pic.twitter.com/w1Cqhc2OHg
— Gökçe Gökçen (@GokceGokcen_) March 19, 2021
« Annoncer en pleine nuit le retrait de la convention d’Istanbul, alors que nous apprenons chaque jour que de nouvelles violences sont commises contre des femmes, a de quoi remplir d’amertume », a aussi déclaré le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, l’un des principaux rivaux de M. Erdogan. « Cela revient à piétiner la lutte que mènent les femmes depuis des années », a-t-il ajouté.
Face au tollé suscité par cette décision, le gouvernement a tenté de réaffirmer son attachement à la lutte contre les violences faites aux femmes. La Constitution et la réglementation intérieure de la Turquie seront la « garantie des droits des femmes », a assuré Zehra Zümrüt Selçuk, ministre de la famille, du travail et des services sociaux, selon l’agence de presse officielle Anatolie. Au moins 300 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint en Turquie l’année dernière, selon le groupe de défense des droits We Will Stop Femicide.
La plate-forme a appelé à un « combat collectif contre ceux qui ont abandonné la convention d’Istanbul » et à une manifestation de protestation, samedi à Kadikoy, dans la partie asiatique d’Istanbul. « Renoncez à cette décision, mettez en œuvre la convention », a exhorté dans un tweet la secrétaire générale de l’organisation, Fidan Ataselim.
De son côté, le Conseil de l’Europe a regretté « une nouvelle dévastatrice » qui « compromet la protection des femmes » dans ce pays. En juillet, la Pologne envisageait elle aussi de sortir du traité : le ministre de la justice polonais, Zbigniew Ziobro, membre du parti conservateur Pologne solidaire, estimait qu’il contenait des « éléments de nature idéologique, que nous considérons comme nuisibles ». Le parti Droit et justice, au pouvoir à Varsovie, avait, en revanche, rapidement pris ses distances avec la proposition du ministre.
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