En échange d’une aide financière massive et d’une promesse de contrôler les flux de migrants vers la Grèce, la Turquie a obtenu des Vingt-Huit une libéralisation des visas et une relance du processus d’adhésion à l’Union européenne.
La Turquie se permet-elle tout depuis que l’Europe lui a confié les clés de la crise migratoire ?
Les « dérapages » se multiplient ces dernières semaines. En Allemagne, Berlin a accepté la demande d’Ankara d’autoriser des poursuites pénales contre un humoriste ayant traité le président turc de zoophile. En Suisse, le consulat turc a demandé, sans succès, le retrait d’une photo exposée sur la Place des Nations et mettant en cause l’actuel président turc.
On a l’impression que la Turquie est en train d’opérer de véritables chantages envers la Belgique et d’autres pays de l’UE. Comment est-ce possible ?
Les Européens ont besoin de la Turquie pour arrêter le flux de réfugiés syriens. La Turquie doit les empêcher de traverser la Méditerranée. Le vrai problème est que l’UE a été très fortement ébranlée par cette crise. Les pays n’ont pas pu faire face ensemble et se sont dit que la meilleure solution est d’empêcher ces migrants de prendre la route vers l’Europe. Nous nous sommes mis dans un rapport de forces défavorable.
L’attitude d’Erdogan est-elle proche d’une posture dictatoriale ?
N’oublions pas qu’il a été élu et que son parti possède la majorité absolue. Cela dit, la démocratie c’est aussi le respect de la minorité. C’est là que le bât blesse. En réalité, nous avons un levier pour intervenir. La Turquie est candidate à l’adhésion à l’UE et cela demande le respect de droits fondamentaux. Or la Turquie est en train de priver certaines personnes de leurs droits.
En Allemagne, un humoriste est dans le collimateur des Turcs ?
Chez nous, l’humour c’est la liberté d’expression. Traiter Erdogan de zoophile ne m’amuse pas du tout mais cela fait partie de notre réalité. Nous ne serions pas nous-mêmes si nous ne défendions pas cette liberté d’expression. Le fait que Merkel ait dû céder à la pression d’Erdogan est très révélateur de ce rapport de forces défavorable.
Et en Suisse ?
Il s’agit d’une photo dans une exposition. Le chef de l’Etat turc s’est senti insulté. Il a une posture un peu machiste, de chef à respecter.
Quelle position la Belgique et l’Europe doivent-elles adopter ?
Lorsqu’on est au pouvoir, il faut choisir la moins mauvaise option, mais il y a des limites. Les Turcs sont certes très susceptibles. C’est un pays qui a quelques problèmes avec son histoire. On ne peut pas leur faire reproche mais à un certain moment, il faut être ferme sur nos principes. C’est la base de la diplomatie. Il faut dire les choses.
http://www.lesoir.be/1194531/article/debats/11h02/2016-04-28/face-au-chantage-turquie-l-europe-doit-faire-preuve-fermete
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