Exposition : Le passé de l’avenir, photographies de Francesca Dal Chele
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LE PASSÉ DE L’AVENIR
Francesca Dal Chele
La globalisation d’un pays se constate à travers les mutations de ses villes. Après des années à scruter ses effets sur les tissus urbain et humain dans la Turquie anatolienne, je me suis enfin résolue en avril 2014 de m’arrêter sur les ravages de cette globalisation à Istanbul. Nulle part en Turquie ce phénomène n’est plus outrancier que dans la ville-monde du Bosphore.
Avec le désir d’une approche plus plasticienne et moins documentaire, « Le passé de l’avenir » emprunte au palimpseste son parti-pris formel. Palimpsestus, ou « gratté de nouveau ». Au Moyen Âge, les moines-copistes grattaient souvent des parchemins pour faire disparaître le texte, puis les réutilisaient pour écrire un nouveau texte. Mais par endroits demeuraient de fantomatiques traces de l’ancienne écriture.
L’urbanisme est une écriture, et les transformations urbaines radicales à l’œuvre dans Istanbul, mues par un capitalisme mondialisé, effacent l’écriture précédente, une écriture à l’échelle humaine. Champs, maisons individuelles, petites fabriques, bois sont effacés et remplacés par des modèles de ville mondialisés dans une quête toujours renouvelée de Modernité et de son corollaire, Progrès.
« Le passé de l’avenir » s’attache aux secteurs périphériques d’Istanbul pour questionner l’impact du développement urbain effréné sur l’équilibre et l’harmonie de cette mégalopole. Dans des secteurs tels Maslak, Kartal, AtaÅŸehir, le présent bouscule le passé, l’efface et le remplace. Les images-palimpsestes révèlent des champs avec leurs vaches ou leurs randonneurs sous des tours en construction, un quartier de maisons à peine perceptible sous deux tours résidentielles – les premières d’un grand ensemble  à venir ; des méga-chantiers s’inscrivent sur des forêts ou de petites usines, une esplanade en béton se coule sur une plage, etc. etc. Globalisation = Uniformisation.
Combiner une photo d’un passé récent* – les années 1960 à 2000 – avec une prise de vue couleur que je réalise sensiblement au même endroit, est un choix pesé. Le laps de temps très court qui sépare les deux images souligne l’extrême et dramatique vélocité du processus en cours. Une fois les deux images superposées, l’élaboration de l’image-palimpseste demande un long et minutieux travail sur sa structure et ses détails.
Le Passé de l’Avenir, images-palimpsestes habitées de strates et de fantômes, se veut un regard critique sur l’uniformisation due à la mondialisation, en même temps qu’il évoque la mémoire d’Istanbul et l’épaisseur du temps.
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