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Le Monde avec AFP, le 21/12/2018
Le retrait américain de Syrie fait craindre la libération de centaines de djihadistes, prisonniers des Kurdes syriens, si ces derniers sont laissés à la merci de l’armée turque.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a promis, jeudi 20 décembre, d’éliminer les djihadistes et les milices kurdes du nord de la Syrie dans la foulée de l’annonce du retrait des troupes américaines de ce pays. Saluant « avec une certaine prudence » l’annonce du retrait américain faite mercredi par son homologue américain Donald Trump, M. Erdogan a assuré, lors d’un discours à Istanbul, que son pays tâcherait « d’éliminer les YPG [miliciens kurdes] et les résidus de Daech », le groupe Etat islamique (EI), dans le nord de la Syrie.
Il a toutefois affirmé qu’il avait décidé, à la lumière de la décision américaine et d’un entretien téléphonique le 14 décembre avec M. Trump, de différer, dans l’immédiat, l’offensive qu’il prévoyait de lancer dans le nord de la Syrie contre les YPG, considérés comme terroristes par Ankara mais alliés de Washington dans la lutte contre l’EI. « Ce sursis ne sera pas évidemment pour une période indéfinie, a-t-il précisé. En attendant, nous allons élaborer des plans pour éliminer les éléments de l’EI qui seraient toujours en Syrie, conformément à ce qui a été convenu lors de mon entretien avec le président Trump. »
Le sort de centaines de djihadistes en question
L’annonce, mercredi, par la Maison Blanche, du retrait des quelque 2 000 membres des forces spéciales américaines opérant aux côtés des forces kurdes en Syrie soulève des inquiétudes en Europe, notamment la crainte de voir des centaines de djihadistes, prisonniers des Kurdes syriens, relâchés dans la nature si les Kurdes étaient laissés à la merci de l’armée turque.
Les Kurdes syriens retiennent dans des prisons de fortune près d’un millier de combattants djihadistes d’une trentaine de nationalités, dont des Français, capturés lors de la reprise par la coalition internationale des territoires que contrôlait le groupe EI en Irak et en Syrie. Environ 2 000 membres de leurs familles, dont de nombreux enfants, sont également retenus dans des camps de réfugiés dans la même région.
« Nous craignons de ne plus maîtriser la situation et qu’il ne soit difficile pour nous de garder [les djihadistes] dans une localité déterminée » en cas d’offensive turque, a déclaré vendredi Ilham Ahmad, une responsable politique des Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance kurdo-arabe soutenue par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. « Si cela arrivait, cela entraînerait leur dispersion partout », a-t-elle prévenu à Paris, où elle venait d’être reçue à l’Elysée.
Elle a assuré que les Kurdes ne prendraient pas l’initiative de relâcher unilatéralement les prisonniers djihadistes, mais a estimé qu’en cas d’attaque turque, ou de retour en force du groupe EI, ils pourraient être débordés, forcés d’affecter toutes leurs forces à la lutte contre les soldats d’Ankara ou les hommes de l’EI, et seraient donc dans l’impossibilité d’assurer leur maintien en détention.
Instabilité de la région
Une source à la présidence française, qui a demandé à rester anonyme, a confié jeudi à l’AFP que le dossier des prisonniers djihadistes était « extrêmement important » pour la France : « Cela peut être une des conséquences négatives d’un retrait précipité, et cela fait l’objet de discussions approfondies dans le cadre de la coalition. »
Même s’ils n’ont pas tous le même niveau de dangerosité, ces prisonniers djihadistes représentent une menace potentielle pour la France et l’Europe, confie à l’AFP Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme, un centre de réflexion sis à Paris : « Il y a parmi ces prisonniers des djihadistes de tous les échelons, mais il y a parmi eux des individus qui ont dans le passé menacé la France et qui sont susceptibles de rentrer en Europe pour y commettre des attentats.
« Les Kurdes de Syrie sont dans une logique de combat, ils l’ont toujours dit. Les djihadistes internationaux qu’ils détiennent ne sont absolument pas une priorité pour eux, ajoute M. Brisard. Au final, ce qu’il faudrait, c’est que ces individus soient rapatriés en France et en Europe pour y être jugés. Alors que sur place, compte tenu de l’instabilité de la région, rien n’est certain. »
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