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Le Monde, le 18/07/2020
TRIBUNE
par Ece Temelkuran (Journaliste et essayiste)
La basilique « a toujours été la diversion politique favorite » du président turc, relève, dans une tribune au « Monde », la journaliste exilée. Il détourne ainsi l’attention des problèmes majeurs qui minent le pays, jouant sur le nationalisme et l’islamisme de son électorat.
Le 4 novembre 2016 s’est produit un événement absolument fascinant : le son a voyagé dans l’espace et le temps. Dans l’enceinte de l’université Stanford (Californie), le célèbre chœur Cappella Romana a donné un concert intitulé Hagia Sophia réinventée, où les spectateurs ont pu entendre les chants byzantins exactement comme ils résonnaient à l’intérieur de Sainte-Sophie au Moyen Age. Les voix du chœur étaient filtrées à travers un algorithme mis au point par le Centre de recherche informatique en musique et acoustique (CCRMA) de Stanford. Les scientifiques s’étaient rendus à Sainte-Sophie, où ils avaient procédé à plusieurs enregistrements sonores pour comprendre ce qui rendait l’acoustique de l’édifice si unique, et tenter ensuite d’appliquer le même processus acoustique à la musique de la chorale. Mais le jour du concert, Istanbul, la ville même de Sainte-Sophie, était plongée dans un tel vacarme chauviniste que ces sons tout en finesse ne pouvaient être qu’inaudibles.
Le 24 juillet, une date symbolique
Quelques mois à peine étaient passés depuis la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016 et, au milieu du bruit, beaucoup fuyaient le pays en silence. Ils avaient compris que l’on n’entendrait plus désormais à Istanbul que les voix de la vulgarité et de la violence. Quand, dans la nuit où eut lieu la tentative de coup d’Etat, retentit depuis 90 000 mosquées le « sela » – une prière récitée, en général, après une mort –, il ne fit plus de doute pour eux que la Turquie qu’ils avaient connue ne serait plus.
Sainte-Sophie ouvrira officiellement ses portes comme mosquée le 24 juillet, le jour où fut signé, en 1923, le traité de Lausanne [entre la République turque et les vainqueurs de la première guerre mondiale]. Dans l’histoire politique internationale, ce traité est considéré comme le document fondateur de la République de Turquie dans ses actuelles frontières. Ainsi, pour ceux que la laïcité gênait depuis longtemps et pour ceux qui regrettent encore les territoires perdus, le choix de cette date anniversaire pour la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée est un signe fort.
Mais au cas où ce symbolisme sophistiqué vous aurait échappé, vous pouvez compter sur le régime d’Erdogan et de ses partisans pour vous le rappeler. Les cris des députés erdoganistes hurlant « Allah akbar ! » dans l’enceinte d’un Parlement supposé laïc et les déclarations des partisans du régime telles que « l’homme de pierre fond » – en référence aux statues d’Atatürk [Mustafa Kemal, fondateur de la Turquie moderne et républicaine, 1881-1938] – montrent, s’il en était encore besoin, qu’Erdogan achève de créer une Turquie à sa main.
Une stratégie qui fonctionne à merveille
Qui connaît un peu la politique internationale et la Turquie sait que Sainte-Sophie a toujours été la diversion politique favorite d’Erdogan. Au moment où tout le monde est accaparé par la question du musée qui redevient mosquée, des problèmes majeurs deviennent invisibles. Et la liste est longue : les forages de pétrole et de gaz naturel en Méditerranée, les problèmes que cela crée avec la Grèce ; la loi sur les « barreaux multiples » pour les avocats, qui ruinera définitivement un système juridique déjà sérieusement abîmé ; la détention illégale de nombreux prisonniers politiques y compris bien connus, sans parler de la crise économique massive. Jusque-là, la stratégie de diversion autour de la cathédrale semble fonctionner à merveille, pour ce qui est à la fois de la politique internationale et de la politique intérieure. Quand l’excitation et la tension seront sur le point de retomber, nul doute qu’Erdogan aura recours à une autre diversion spectaculaire.
« Les aspirations politiques islamistes, que les partisans d’Erdoğan appellent “la cause”, n’ont plus aucune limite. Et le bruit amplifié de cette cause recouvre toutes les voix subtiles
Pour qui connaît son art magistral de la diversion, ces opérations sont devenues lassantes. En tout cas, pour le moment, ses fidèles sont tous occupés par leur chasse aux sorcières contre ceux qui s’efforcent de rappeler que la souveraineté d’un pays ne justifie pas qu’il accapare un patrimoine commun de l’humanité comme Sainte-Sophie. Les experts du régime sont allés jusqu’à dire qu’il s’agissait d’une étape importante avant de libérer la mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem. Les aspirations politiques islamistes, que les partisans d’Erdoğan appellent « la cause », n’ont plus aucune limite. Et le bruit amplifié de cette cause recouvre toutes les voix subtiles, celles qui résonnaient à Sainte-Sophie, mais aussi partout ailleurs.
A peu près au même moment où le concert Hagia Sophia réinventée fut présenté à Stanford, j’ai quitté mon pays. Depuis lors, je me débats avec le mot « exil ». Un mot lourd, qui colle à mon nom chaque fois que des gens cherchent à décrire ma situation actuelle. Je m’efforce d’expliquer que le pays d’un écrivain est le langage, et que lorsque ses mots sont étouffés par le bruit de la vulgarité, il a le droit de choisir un lieu où la finesse a encore droit de cité. N’importe quelle terre où les mots fragiles de la beauté peuvent être amplifiés est, ou peut être, la patrie d’un conteur. Crier toujours plus fort pour se faire entendre est un autre langage, que je suis incapable de parler. Et c’est, hélas, le seul langage autorisé dans mon pays à l’heure actuelle.
C’est de loin que j’observe aujourd’hui les cris ardents de la victoire entonnés par les supporters du régime. Ceux-là n’ont aucun scrupule à amplifier leur rancune quand ils déclarent qu’« Istanbul est finalement et complètement reconquise ». Le regard empli de vengeance, ils passent leur temps à surveiller et traquer toute voix dissonante qui ne répéterait pas à l’unisson les mots qu’ils hurlent. Ils prétendent au monopole sur l’écho envoûtant de Sainte-Sophie. Mais l’algorithme de résonance, cette incroyable arithmétique du son, n’appartient qu’au temps. Et le temps est affaire de patience. On peut attendre longtemps que ceux qui ne connaissent d’autre langage que les cris finissent par perdre leur voix, mais je sais à présent que le son peut voyager dans le temps. Alors, avec mes mots, j’attends.
Lire aussi Ece Temelkuran et le poison insidieux du populisme
(Traduit de l’anglais par Pauline Colonna d’Istria)
Ece Temelkuran est journaliste et essayiste turque. Son dernier ouvrage, Comment conduire un pays à sa perte : du populisme à la dictature, a paru chez Stock (2019).
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