Tour de vis après tour de vis, depuis le putsch raté du 15 juillet, le gouvernement turc ne cesse d’élargir sa campagne répressive contre toute voix d’opposition. L’arrestation par la police, lundi, d’une douzaine d’employés dont le rédacteur en chef du quotidien Cumhuriyet, a suscité émotion et réactions à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. L’assaut contre «le dernier bastion» de la presse d’opposition, selon Can Dündar, l’ancien directeur de la publication aujourd’hui exilé en Allemagne, survient après la fermeture de plus de 150 médias depuis le coup d’Etat avorté.

 

Les interpellations ont été condamnées par les Etats-Unis et l’Union européenne, tandis que Martin Schulz, président du Parlement européen, a estimé sur Twitter qu’une «nouvelle ligne rouge» avait été franchie par les autorités turques. «Votre ligne rouge ne nous intéresse pas. Ici, c’est notre peuple qui définit les lignes rouges», a répondu, vingt-quatre heures après, le Premier ministre turc, Binali Yildirim. «La Turquie défend la liberté de la presse jusqu’au bout», a-t-il ajouté, critiquant le Parlement européen, qui se dit selon lui «sensible à ce sujet alors qu’il permettait la publicité de l’organisation terroriste PKK-PYD dans ses locaux».

Le chef de gouvernement, qui s’exprimait lundi matin devant le groupe parlementaire de son parti, l’AKP, au Parlement, a aussi abordé le rétablissement de la peine de mort en Turquie. «S’il y a un consensus entre les partis, une mesure limitée est possible», a déclaré Yildirim, sans fournir plus de précisions. Ni avancer de calendrier. Le tabou sur cette question avait été brisé par Recep Tayyip Erdogan dès le lendemain du putsch raté de juillet. Samedi, en réponse à la foule qui réclamait le rétablissement de la peine capitale pour les putschistes, le président turc a déclaré : «C’est pour bientôt, si Dieu le veut.»

 

La réintroduction de la sentence de mort en Turquie requiert une révision de la Constitution, qui ne peut se faire sans le soutien d’au moins les deux tiers des députés (367). Avec 316 sièges au Parlement, l’AKP au pouvoir n’a pas les moyens d’y parvenir seul, même s’il vient d’avoir le soutien du leader de la droite nationaliste, qui compte 30 députés. Le chiffon rouge de la peine capitale semble plutôt être agité par démagogie à l’intention des partisans d’Erdogan. Sans avoir peur de fâcher les Européens, quitte à compromettre définitivement les négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’UE.

 

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