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Le Point avec AFP, le 09/05/2020
Equipés d’une blouse, de lunettes de protection et d’un masque, les deux médecins montent les marches quatre à quatre. Leur première mission du jour: tester une femme qui a eu des contacts avec un patient malade du coronavirus à Istanbul.
Visiblement intimidée par l’irruption de ces deux hommes aux allures de cosmonautes sur son palier, cette habitante du district populaire de Fatih répond à leurs questions avant de se soumettre au dépistage dont le résultat sera connu le lendemain.
En Turquie, près de 6.000 équipes de « traceurs » — tous des professionnels de la santé — pistent 24 heures sur 24 les cas potentiels de nouveau coronavirus en identifiant et suivant les personnes ayant eu des contacts avec des malades.
En aidant à repérer rapidement les nouveaux cas pour les isoler et les traiter à un stade précoce, le traçage a permis selon le gouvernement turc de contenir l’épidémie et de limiter le nombre de morts.
Même si des observateurs s’interrogent sur la fiabilité des chiffres officiels, le nombre de morts par rapport à celui de personnes infectées semble remarquablement faible: 3.689 décès pour 135.569 cas, selon le dernier bilan publié vendredi.
Lundi, le ministre de la Santé, Fahrettin Koca, a estimé que le traçage était « au coeur de la réussite » de la Turquie contre la pandémie.
Selon lui, chaque processus de traçage permet d’identifier en moyenne 4,5 personnes potentiellement contaminées car ayant été en contact avec un malade.
Le 29 avril, il avait indiqué que plus de 460.000 personnes avaient été contactées par les traceurs en Turquie.
« Travail de détective »
Pour repérer des cas potentiels, les médecins accomplissent « un vrai travail de détective », souligne Melek Nur Aslan, directrice de l’agence publique de santé pour le district de Fatih.
Lorsqu’un malade est identifié, « nous essayons de retracer son parcours à partir de 48 heures avant l’apparition des premiers symptômes jusqu’au moment où il a été testé positif » au virus, explique-t-elle à l’AFP.
Pour cela, les médecins vont voir le patient avec une liste de questions: où s’est-il rendu ? Avec qui a-t-il parlé ? Portait-il un masque ?
Ils obtiennent ainsi une liste de personnes potentiellement contaminées qu’ils contactent pour leur demander de rester confinées pendant 14 jours.
Si la personne présente des symptômes ou en développe pendant son confinement, alors ils effectuent un test de dépistage.
C’est justement sur un tel cas que viennent d’intervenir les deux médecins à Fatih: la femme qu’ils ont vue est fatiguée et a des migraines.
Une fois sortis de l’immeuble, ils retirent leurs équipements de protection qu’ils jettent dans un grand sac poubelle.
L’un d’eux porte une grosse boîte contenant l’échantillon prélevé qui sera envoyé au laboratoire dans la journée.
Si le test est positif, cette femme « apparaîtra comme un cas confirmé dans notre fichier, ce qui entraînera un nouveau processus de traçage », indique l’un des traceurs, Mustafa Sever, un médecin généraliste.
« Rassurer »
Leur rôle sera aussi crucial pour éviter l’apparition d’une deuxième vague au moment où la Turquie s’apprête à assouplir les mesures restrictives, avec par exemple la réouverture des centres commerciaux et des coiffeurs à partir de lundi.
Contrairement à d’autres pays où le traçage suscite des débats sur la confidentialité et l’utilisation des données récoltées, la Turquie a appliqué cette mesure dès le début de la pandémie.
Mme Aslan affirme que seuls les soignants chargés de tracer les potentiels cas de coronavirus ont accès aux données recueillies, via une application qui leur est dédiée.
Si l’opération de traçage actuelle est gigantesque en raison de l’ampleur de la pandémie, ce système n’est pas nouveau en Turquie.
Le docteur Sever explique ainsi qu’il a déjà mené des « enquêtes » similaires lors d’épidémies de rougeole à Istanbul.
Rien qu’à Istanbul, 1.200 équipes de deux à quatre traceurs pistent en permanence les nouveaux cas potentiels de coronavirus, selon Mme Aslan.
En plus de traquer le virus, ces traceurs ont aussi pour rôle de faire de la pédagogie et d’apaiser les personnes qu’ils vont voir.
« Lorsqu’on se déplace au domicile des gens, ils voient que quelqu’un s’occupe d’eux, qu’ils ne sont pas laissés à l’abandon », explique le docteur Sever.
Et d’ajouter: « S’ils sont inquiets, on discute un peu avec eux pour les rassurer ».
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