Le parlement européen a préconisé le gel des négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE, jeudi. En réponse, Ankara a menacé d’ouvrir les frontières aux migrants vers l’Europe.
C’est le processus d’adhésion le plus long qui ait été engagé par l’Union Européenne, et il semble plus que jamais compromis. Jeudi, le Parlement européen a demandé le gel des négociations avec la Turquie dans une résolution non contraignante mais symbolique, évoquant la répression « disproportionnée » qui sévit depuis plusieurs mois dans le pays. Vendredi, le président Recep Tayyip Erdogan a réagi en menaçant d’ouvrir les frontières turques pour laisser passer les migrants vers l’Europe, frappant le dernier coup d’une partie de ping-pong entamée il y a plusieurs mois. Retour sur les raisons d’une crispation mutuelle.
- Un coup d’Etat avorté et de multiples avertissements
Le 15 juillet, une partie de l’armée turque, hostile au président Erdogan, tentait un coup d’Etat, interrompant la circulation sur les ponts traversant le Bosphore et investissant le siège de la télévision publique. Dès le lendemain, le gouvernement évoquait une situation « totalement sous contrôle », déclenchant l’état d’urgence et multipliant les arrestations de militaires. Au fil des semaines, puis des mois, ces interpellations se sont étendues à toutes les catégories de la population, prenant des airs de purge : accusés de collaborer avec l’ancien prédicateur Fethullah Gülen, commanditaire de la tentative de putsch selon Ankara, plus de 36.000 personnes ont été arrêtées. Parmi elles figurent notamment des journalistes, des magistrats, des policiers et des professeurs.
« Presque quotidiennement, de nouvelles mesures sont prises (en Turquie, ndlr), qui sont contraires à un mode d’action respectant l’Etat de droit et qui ne respectent pas la nécessité de la proportionnalité », déclarait dès le 20 juillet Steffen Seibert, porte-parole d’Angela Merkel. « Il ne fait aucun doute que ces mesures sont profondément préoccupantes. » Depuis, l’Union Européenne et ses membres sont passés de l’inquiétude aux avertissements.
Symbole de cette crispation : la promesse d’une exemption de visa pour les citoyens turcs, prévue par l’accord sur les migrants signé en mars et toujours en suspens, malgré les demandes répétées d’Ankara. Interrogés sur le sujet, plusieurs dirigeants européens n’ont pas caché leurs inquiétudes quant à la purge exercée par le régime. « Un fossé chaque jour plus profond se creuse avec la Turquie », confiait le président du parlement européen Martin Schulz à Mediapart, en novembre. Dans un rapport publié la semaine dernière, et rejeté en bloc par le régime de Recep Tayyip Erdogan, la Commission européenne critiquait le « retour en arrière » de la Turquie en matière de liberté d’expression et de respect de l’Etat de droit.