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We Demain, le 13/07/2018
Par Clément Girardot
Près d’Izmir, en Turquie, le Village des mathématiques accueille depuis dix ans lycéens et étudiants pendant leurs vacances pour des cours intensifs. Ce centre éducatif aimante une petite contre-société du savoir, de la jeunesse et de la liberté, dans un pays qui chavire dans l’autoritarisme.
Article paru dans le numéro 17 de la revue We Demain en mars 2017.
« À Istanbul, je vis près de la rédaction du journal Cumhuriyet, je vois chaque jour des barrages de police. Le Village des mathématiques est de plus en plus important pour moi, comme moyen d’échapper à l’hostilité de la ville. » Mathématicien américain de 51 ans, David Pierce enseigne à l’université Mimar-Sinan d’Istanbul. Durant ses vacances, il va donner des cours dans ce lieu paisible installé sur une butte, au milieu des pins et des oliviers. Un îlot de liberté dans une Turquie sombrant dans l’autoritarisme.
À 15 km de la côte égéenne, sur une propriété isolée proche d’Izmir et des principales stations balnéaires du pays, le mathématicien Ali Nesin, 60 ans, et ses amis ont construit le Village des mathématiques pierre après pierre depuis 2007. Des maisons, des amphithéâtres, une bibliothèque…
C’est aujourd’hui un véritable village d’une cinquantaine de bâtiments, où des jeunes de 15 à 25 ans viennent suivre des cours de maths en complément de leur scolarité. À l’image de David Pierce, les professeurs qui y enseignent exercent dans les meilleures universités du pays.
15 juillet 2016. Il est bientôt 22 heures, les premières informations sur les manœuvres militaires en cours à Istanbul et Ankara circulent sur les réseaux sociaux. Ali lance sur Facebook : « Je suis totalement opposé au coup, quels qu’en soient les auteurs. »Des centaines d’internautes approuvent.
Reconnaissable à son épaisse barbe blanche, le professeur est une personnalité publique en Turquie. Il doit sa renommée à une brillante carrière de mathématicien aux États-Unis et surtout à son action à la tête de la fondation Nesin, créée par son père en 1972 pour éduquer des enfants défavorisés. Né en 1915, disparu en 1995, Aziz Nesin est l’une des figures littéraires majeures du XXe siècle en Turquie, un intellectuel de gauche qui a toujours clamé son athéisme.
Berkay Karabulut, 23 ans, est bénévole au village durant l’été. Cette soirée du 15 juillet, il anime un atelier photo : « Plusieurs participants m’ont dit qu’il y avait un coup d’État. Je ne l’ai d’abord pas cru, puis j’ai vraiment eu peur. J’ai pensé que des camionnettes remplies de soldats allaient arriver au village. Nous avons continué à faire des photos puis nous sommes allés suivre les événements. Vers 2 heures du matin, il est devenu clair que la tentative de coup d’État n’aboutirait pas.”
Le lendemain, les conversations fusent parmi les près de 300 étudiants, professeurs et bénévoles qui peuplent le village cette semaine-là. Ils viennent pour la plupart des grandes métropoles du pays. Malgré leur aversion pour le président Recep Tayyip Erdogan, ils s’opposent d’emblée aux militaires putschistes.“C’était important pour nous que le coup d’État échoue. Peu importe son origine, c’est une attaque contre la démocratie et la république”, affirme Berkay.
“NE SOYEZ PAS INQUIETS”
Matée par Erdogan, la tentative de putsch laisse place à une répression cinglante. Et à des arrestations en série : académiciens, profs, journalistes… »Nous étions heureux que le village n’ait pas été touché, témoigne Eray Karabiyik, un étudiant de 19 ans, mais nous avions très peur pour l’extérieur ».
Employée par la fondation Nesin, Ceren Aydin, 27 ans, coordonne les programmes de mathématiques à destination des lycéens et des étudiants. »Nous craignions que les nouveaux étudiants se désistent et que les cours soient annulés, reconnaît-elle. Au contraire, la fréquentation est restée très forte ! »
Seuls quelques professeurs étrangers ne peuvent pas faire le voyage pour des raisons de sécurité. Alors que la vie du village reprend son cours habituel, Ali Nesin se fend d’un message sur les réseaux sociaux, optimiste : « Ne soyez pas inquiets. Nous déterminons le futur de la Turquie, pas les coups ou les politiciens. » « Nous », comprenez les citoyens et la société civile.
La fondation Nesin a déjà surmonté de nombreux obstacles. Après le coup d’État de 1980, Aziz Nesin avait dû créer une société privée pour poursuivre ses activités philanthropiques alors que toutes les associations étaient interdites.
À la mort de l’écrivain, son fils doit redresser une institution à la santé financière fragile et dont l’État tente de prendre le contrôle. Ali Nesin nourrit alors avec son ami Sevan Nisanyan, un intellectuel engagé d’origine arménienne, le projet de créer ce centre éducatif idéal. L’idée se concrétise au printemps 2007, lorsqu’ils entament le chantier sur une ancienne oliveraie, dans les monts proches du site antique d’Éphèse.
Aidés de maçons kurdes et de bénévoles, ils creusent, terrassent et montent des murs de pierre. En quelques mois, un dortoir, une salle de classe et une cantine sortent de terre. Le but est d’accueillir les premiers étudiants pendant les grandes vacances.
Le premier été est perturbé par les interventions des gendarmes qui veulent faire cesser les travaux, réalisés sans autorisation. Mais les deux compères tiennent bon et la construction progresse malgré tout. Ils tentent ensuite de régulariser leur situation en faisant la tournée des administrations.
« J’ai dépensé plus de 200 000 livres turques [soit, fin 2007, l’équivalent de 115 000 euros, ndlr] en formalités mais il était évident qu’ils n’allaient jamais rien nous donner”, pointe avec ironie Ali.
L’absence de reconnaissance légale n’a pas empêché le Village des mathématiques de se parer, au fil des années, de nouveaux bâtiments, de rues, de sculptures, d’une végétation luxuriante et même d’une tour de défense en pierre qui permet de contempler un panorama rappelant la Provence ou la Toscane.
Le village allie un fonctionnement communautaire et une atmosphère libertaire. Il est en grande partie autogéré, les étudiants et les bénévoles se réunissant en groupes pour effectuer les tâches collectives aux heures creuses de la journée. Les jeunes viennent ici par choix, pour le plaisir d’apprendre et de se perfectionner en mathématiques.
Un concept proche de celui des universités populaires, avec un supplément d’énergie et même d’insolence. Le fils de Sevan Nisanyan, Arsen, 23 ans, en est un habitué.
« Mon père voulait créer un environnement qui s’adresse non seulement à l’esprit mais aussi à l’âme, retrace-t-il. Il voulait des endroits secrets où l’on peut avoir des moments romantiques avec sa petite amie et des salles de classe qui inspirent les étudiants. »
Les sessions ne désemplissent pas. Intensives, elles durent deux semaines, à raison de huit heures de cours par jour. Les plus assidus en enchaînent plusieurs durant l’été. Différents programmes peuvent se dérouler en même temps, rassemblant chacun au maximum une centaine d’étudiants qui logent dans des dortoirs ou sous des tentes.
Et parce que le charismatique Ali Nesin souhaitait ajouter aux mathématiques d’autres disciplines marginalisées en Turquie, des ateliers de philosophie et d’arts plastiques ont vu le jour récemment. À la clé, pas de diplôme, pas de notes : la simple satisfaction de comprendre et progresser, de s’ouvrir au monde. Une session coûte environ 300 euros, mais des bourses permettent aux étudiants les plus modestes d’étudier gratuitement.
Le village des mathématiques est perché à 15 km de la côte égéenne et ses stations balnéaires. (Crédit : Clément Girardot)
Les professeurs, eux, viennent enseigner bénévolement de toute la Turquie et même parfois de l’étranger, guidés par le concept d’ « éducation pirate » cher à Ali Nesin : ”C’est la liberté totale d’enseigner ce que l’on veut. L’État turc veut s’occuper de tout. J’ai même été inculpé pour enseignement illégal car, pour donner des cours ici, il faudrait demander une permission, signer des papiers, donner une liste des sujets abordés, qu’un inspecteur vienne… » détaille le mathématicien.
« Notre but, continue-t-il, n’est pas [que les étudiants] apprennent mais qu’ils comprennent, qu’ils fassent plus confiance à leur intelligence. Avant, ils étaient esclaves du professeur et ici ils deviennent les maîtres de leur savoir. »
Cette approche séduit des jeunes qui ne se reconnaissent pas dans un système scolaire favorisant l’apprentissage par cœur et marginalisant la réflexion personnelle. « On pensait qu’un Village des mathématiques était une idée utopique mais le temps a montré que c’était un besoin en Turquie », soutient Ali Nesin. Environ 5 000 étudiants s’y relaient chaque année. En dehors des vacances scolaires, le village accueille aussi des chercheurs pour des séminaires et des groupes de recherche.
SOURCE D’ESPOIR
En parallèle, l’état démocratique du pays s’est fortement dégradé ces dernières années. La Turquie détient le triste record mondial du nombre de journalistes emprisonnés. Des centaines d’associations et de fondations ont été arbitrairement fermées depuis l’instauration de l’état d’urgence.
Tout aussi inquiétantes sont les purges effectuées dans l’enseignement secondaire et supérieur. Sevan Nisanyan, le cofondateur du village, est, lui, en prison depuis 2014. Officiellement pour des travaux de rénovation effectués illégalement, plus certainement pour son opposition farouche à Erdogan et ses sorties provocatrices.
« Il y a un malaise général, souligne Berkay, un bénévole. Tout peut être un problème : ce que tu aimes sur les réseaux sociaux, ce que tu dis, où tu vas, même les gens que tu salues dans la rue. Le Village des mathématiques est un lieu de vie d’autant plus important que la Turquie se dirige vers l’obscurité. Son existence montre qu’il y a encore de l’espoir. »
Pour l’instant, la fondation Nesin est relativement épargnée par le pouvoir. Eray, qui vient étudier chaque été depuis 2011, se veut optimiste : « Je ne crois pas qu’ils vont s’attaquer au village. C’est un projet purement éducatif, dédié aux maths et aux sciences. » Si tel devenait le cas, Ali Nesin pourrait compter sur de nombreux soutiens en Turquie ainsi que dans la communauté scientifique.
Déjà, durant l’été 2007, près de 400 académiciens du monde entier avaient signé une pétition pour dénoncer les actions de la police visant à fermer le Village des mathématiques.
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