La purge en cours en Turquie contre les ennemis désignés du pouvoir n’a pas modifié les relations privilégiées tissées par la Hongrie avec Ankara. Le chef de sa diplomatie, Peter Szijjarto, a été le premier ministre européen des affaires étrangères à se rendre en Turquie après la tentative de putsch du mois de juillet. Il entend renforcer la coopération entre les deux pays, membres de l’OTAN, qui ont entamé un rapprochement il y a déjà plusieurs années. « Le plus important pour l’Europe est d’avoir un exécutif stable dans ce pays », commente Zoltan Kovacs, porte-parole du gouvernement, en faisant référence à la crise des réfugiés et au fait que le régime islamo-conservateur turc continue d’appliquer l’accord signé avec Bruxelles pour maintenir sur son sol les candidats à l’exil.
Pour symboliser la solidité de ses liens avec la Turquie, Budapest va célébrer les 450 ans de la mort de Soliman le Magnifique près de la forteresse assiégée de Szigetvar, en présence d’une délégation turque, mercredi 7 septembre. Le règne de ce sultan est synonyme d’âge d’or artistique et d’expansion territoriale pour l’Empire ottoman, un héritage que le président Recep Tayyip Erdogan s’efforce de mettre en valeur. Une mission archéologique lancée par les deux pays aurait localisé sa sépulture, au sud de Budapest.
Le culte de Miklos Zrinyi
» En décembre 2015, nous avons excavé des murs, des objets et des décors ayant accueilli les organes internes et le cœur du sultan, inhumés sur les lieux de son décès. Ils présentaient une correspondance irréfutable avec la tombe érigée un peu plus tard à Constantinople et qui abrite, elle, le corps de Soliman « , assure Norbert Pap, professeur de géographie à l’université de Pecs et responsable des fouilles.
Le régime islamo-conservateur serait prêt à aménager les lieux. Parallèlement, la Hongrie relance, à l’aide de fonds européens, le culte de Miklos Zrinyi (1620-1664), le capitaine ayant mené l’assaut contre l’envahisseur. Il est considéré comme la figure nationale parfaite d’une résistance de l’Europe chrétienne aux invasions des musulmans. Une nouvelle exposition lui est consacrée à Szigetvar.
» Concernant les commémorations historiques, la relation entre Budapest et Ankara est aujourd’hui bien plus paisible que celle unissant Paris à Berlin, estime Janos Hovari, ancien ambassadeur hongrois en Turquie. Il n’y a pas eu de guerre entre nos pays – y compris pendant l’Empire austro-hongrois – depuis plus de deux siècles, ce qui n’est pas le cas entre la France et l’Allemagne. »
Les autorités réhabilitent aussi les thèses touranistes, controversées, qui voudraient que les peuples de langues turques et finno-ougriennes partagent une origine commune. Elles financent un festival folklorique très couru.
» Cela leur permet justement de dépasser leurs différends concernant l’occupation ottomane, explique un universitaire hongrois tenant à rester anonyme. L’histoire n’est qu’un prétexte pour favoriser les échanges commerciaux. Orban a habilement fait valoir aux Turcs le parti qu’ils pouvaient prendre en marchandant avec un pays européen “frère” ayant des racines asiatiques. Le président turc, lui, en tissant des liens avec la Hongrie, peut étendre à l’Europe l’influence géopolitique, culturelle et économique à laquelle il prétend. »
Il y aurait une autre raison, selon le journaliste Péter Urfi : celui-ci a écrit en juin, dans l’hebdomadaire Magyar Narancs, une enquête sur les intérêts financiers qui uniraient le beau-fils de Viktor Orban à Adnan Polat, un homme d’affaires turc bien introduit auprès des deux gouvernements. Ainsi, » derrière l’amitié entre Ankara et Budapest, il y a aussi un mélange entre le business familial et la politique « .
♦