A l’aube de la finale nationale du concours de plaidoirie du Mémorial de Caen, Hélène Yildiz l’affirmait sans ciller. Il s’agissait, confiait la lycéenne en classe de terminale au lycée Saint-Exupéry de Fameck, d’un « sujet délicat ». A aborder « maintenant ou jamais ». Le 26 janvier dernier, en défendant la cause des alevis de Turquie, la jeune femme a ouvert son cœur. Les alevis, communauté qui fait l’objet de persécutions et de discriminations, c’est l’histoire de sa famille. L’histoire d’interrogations sans réponses auprès de parents qui font silence. « Je voulais savoir pourquoi ils cachaient ce qu’ils étaient. J’étais en quête de mon identité. Voilà pourquoi j’ai débuté mon travail de recherches. »

« Facile et dégueulasse »

Son discours, coloré par un vécu familial douloureux, a touché le jury. Hélène a remporté le deuxième prix, celui de l’engagement citoyen. Mais cette reconnaissance a désormais un goût amer. Depuis son allocution, elle est l’objet d’un déchaînement de violences sur les réseaux sociaux. Son discours a ouvert une vanne de publications nauséabondes. Sur Facebook notamment, « Le journal turc » (partisans de l’AKP et du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan), vidéo de la lycéenne à l’appui, invite aux commentaires haineux envers la jeune fille, la qualifiant de sympathisante du PKK (un groupe armé kurde considéré comme terroriste par une grande partie de la communauté internationale, dont la Turquie).

C’est la première fois en vingt ans qu’un sujet suscite des réactions aussi vives. « Si on ne peut plus émettre une opinion librement dans un concours lycéen, c’est notre République qui est menacée, a réagi Stéphane Grimaldi, le directeur du mémorial de Caen. On s’attaque à une lycéenne, c’est facile et dégueulasse. »

Selon nos informations, aucune plainte n’a été déposée mais les forces de l’ordre prennent l’affaire très au sérieux. Hier soir, l’établissement n’a pu être joint. Le maire de Fameck a estimé que c’était au gouvernement de réagir. Il a dénoncé des réactions instrumentalisées politiquement et jugé ces menaces de mort « inacceptables ».

J. M.