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Le Point, le
Face à la dérive autoritaire d’Erdogan, faut-il durcir le ton ou jouer l’apaisement comme l’ont fait les autorités françaises ? La presse se divise.
Fallait-il accepter que le ministre des Affaires étrangères turc tienne meeting en France pour défendre le oui à un référendum qui risque de faire définitivement de la Turquie une « démocrature » ? Alors que les Pays-Bas l’ont refoulé, les autorités françaises ont autorisé sa venue pour un meeting à destination de la communauté turque en France. Où les éditorialistes de la presse écrite reviennent ce lundi sur la polémique.
Dans La République des Pyrénées, Jean-Marcel Bouguereau invoque le respect de l’État de droit, soulignant qu’il s’agit en creux d’une leçon de démocratie à la Turquie : « (…) À deux heures de vol de Paris, c’est un climat de peur – et demain une dictature ? – qui s’est installé durablement. Même dans le camp conservateur, on s’inquiète de cette concentration extrême des pouvoirs dans les mains d’un seul homme. Autoriser ces réunions politiques pro-Erdogan, c’est respecter notre propre État de droit. La meilleure réponse à un président turc qui emprisonne à tour de bras ses opposants. »
Christophe Bonnefoy est plus circonspect dans Le Journal de la Haute-Marne : « (…) La France, elle, a voulu calmer le jeu. Mais en l’occurrence, en autorisant le ministre turc des Affaires étrangères à participer à un meeting à Metz, le gouvernement a invité la question dans la campagne présidentielle. Il a offert sur un plateau l’occasion à François Fillon et Marine Le Pen, entre autres, d’appuyer là où ça fait mal : l’absence de position commune entre les pays de l’Union. (…) »
Dans L’Union/L’Ardennais, Carole Bouillé s’interroge : « (…) Maintenir le dialogue et Å“uvrer à une sortie de crise peut sembler tout à fait louable, mais à quel prix… Difficile de ne pas évoquer les dérives autocratiques du président turc, l’impitoyable répression qu’il exerce depuis le coup d’État manqué de juillet 2016, plus de 40 000 civils et militaires emprisonnés, 120 000 fonctionnaires suspendus, l’opposition anéantie et la presse en partie muselée. »
Dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Pascal Coquis souligne les excès nationalistes du président Erdogan. Des excès qui ne l’ont pas empêché de fustiger la fermeté néerlandaise, y voyant des « vestiges du nazisme » : « (…) Avant ce référendum qui doit liquider l’héritage kémaliste, le président turc en profite. Pour montrer à son peuple qu’il n’a peur de personne, qu’avec lui la Turquie retrouvera son indépendance , ses territoires perdus, qu’elle sera à nouveau grande et fière. Un discours entendu en d’autres lieux, en d’autres temps. Erdogan sait exactement où et quand. »
L’éditorialiste de La Voix du Nord, Matthieu Verrier, déplore la désunion européenne : « (…) Depuis le putsch raté de juillet dernier, Erdogan s’arroge un à un tous les pouvoirs et met à sa botte justice et médias. Mais les Vingt-Sept tergiversent. Car ce pays à cheval sur deux continents joue un rôle important dans la crise syrienne et occupe une place stratégique dans le flux des réfugiés. Ankara menace de ne plus appliquer l’accord, signé il y a un an. Trop prudente, l’Europe s’est contentée d’exprimer ses inquiétudes, au lieu d’engager un bras de fer. Ses membres, désormais, agissent de façon désordonnée. Encore une fois, la solidarité attendra l’escalade diplomatique. »
Face aux dérives turques, Laurent Marchand appelle dans Ouest France à « garder la tête froide » : « (…) Certes, la question turque, et les peurs qu’elle charrie, sert l’agenda des extrêmes droites européennes. (…) [Mais] en dotant la Turquie d’une constitution autoritaire, Erdogan n’est-il pas lui-même en train d’enterrer toute perspective d’adhésion à l’Europe ? » Une adhésion qu’il avait déjà enterrée depuis belle lurette au vu des réticences des capitales européennes. Dont il faudra peut-être un jour se demander si elles n’ont pas précipité la dérive de la fragile démocratie turque.
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