Après l’attentat à Istanbul, revendiqué par un groupe armé kurde radical qui a causé la mort d’au moins 38 personnes, dont 30 policiers, une grande partie de la presse turque, acquise au gouvernement, se déchaîne contre les supposés soutiens étrangers des terroristes.

 

“Nous connaissons l’assassin”, affirme Ibrahim Karagül, l’éditorialiste phare de Yeni Şafak.

Nous connaissons les meurtriers qui sont derrière le dernier attentat terroriste à Istanbul. Et nous connaissons leurs patrons à l’échelle mondiale. L’Europe et les États-Unis soutiennent le PKK [groupe armé de Kurdes en Turquie] et l’envoie nous attaquer. Ce qu’on appelle Daech est aussi une création américano-européenne, et lui aussi s’en prend à la Turquie. Il n’y a aucune différence entre Daech, le PKK, le PYD [parti kurde syrien] ou le DHKP-C [parti de gauche radicale], ils font tous feu de concert. Pourquoi ? Parce que leur contrats sont les mêmes, leurs patrons sont les mêmes, les ordres qui leur sont donnés sont les mêmes.”

 

Cette hostilité répandue par la presse agit aussi sur la rue. Dimanche 11 décembre, lors d’une manifestation spontanée organisée sur les lieux de l’attentat, la foule rassemblée à scandé plusieurs slogans contre l’Union européenne, accusée de complicité avec la guérilla kurde.

“Vous avez du sang sur les mains”

La presse d’opposition, elle, tente de faire entendre quelques critiques, notamment sur les failles sécuritaires du pouvoir : “Une voiture chargée de 400 kilos d’explosif se promène en toute liberté un samedi soir dans un des endroits les plus fréquentés d’Istanbul. Des kamikazes arpentent les rues. Comment est-ce possible ?” interroge le quotidien de gauche Birgün.

 

“Nous sommes en guerre. Mais pourquoi ? Et jusqu’à quand ?” se demande Necati Doğru, dans les colonnes du nationaliste et kémaliste Sözcü.

Les gens qui dirigent notre pays ont entraîné la Turquie dans la guerre. L’armée turque, avec ses fusées, ses mortiers, ses tanks, ses commandos, a pénétré en Syrie. Là-bas, elle s’est mis à dos tout le monde – l’État islamique, Assad, le PKK. Et ces gens-là aussi – l’État Islamique, le PKK, le PYD, Assad – ont fait de la Turquie leur ennemi. Et plutôt que d’envoyer des fusées sur Istanbul, ils y envoient des militants chargés de bombes qui s’y font exploser.”

Dans son éditorial, le Daily Sabah, version anglaise du journal progouvernemental Sabah, appelle l’armée turque à intervenir en Syrie contre le PYD syrien, assimilé à la guérilla kurde du PKK, et s’en prend à son tour à l’Europe et aux États-Unis.

Il va sans dire que tout le monde en Turquie apprécie l’ironie de voir des États qui se font les sponsors du terrorisme pleurer la mort d’innocents tués par leurs chiens enragés. Vous avez du sang sur les mains. Les dollars du contribuable ont été bien utilisés. Soyez fier de ce que vous avez fait.”

 

Le quotidien appelle aussi à s’attaquer plus fermement à ceux qu’il juge complices du terrorisme. “Tous les individus liés à un groupe terroriste, qu’ils soient politiciens, avocats ou citoyens étrangers, doivent être pourchassés et traduits devant la justice pour avoir aidé des extrémistes armés à tuer des innocents.”

 

Un appel qui s’est avéré prémonitoire : lundi 12 décembre au matin, dans une série de raids, les autorités turques ont arrêté plus de 100 membres du HDP, le principal parti prokurde du pays, accusés de liens avec le PKK.