La Turquie vote dimanche lors d’un scrutin présidentiel et législatif considéré comme un défi majeur pour le président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis quinze ans. Face à l’hégémonie du parti présidentiel, l’AKP, qui contrôle 90 % des médias turcs, une petite télé fait modestement son travail.

 

Le journal de 19h de Medyascope, chaîne indépendante turque
Le journal de 19h de Medyascope, chaîne indépendante turque © Radio France / Clémence Bonfils

 

Recep Tayip Erdogan espère bien être réélu dimanche à la tête du pays qu’il dirige depuis 2003 (d’abord comme Premier ministre, puis comme président depuis 2014). L’an dernier, grâce à la victoire du « oui » au référendum constitutionnel, il s’est taillé un régime présidentiel à sa mesure.

Mais cette année, la campagne est plus difficile que prévu. L’opposition présente un front quasi uni, les sondages prédisent un second tour le 8 juillet, ce qui serait un camouflet pour Erdogan.

 

Des médias sous emprise

Pourtant la très grande majorité des médias turcs font ouvertement campagne pour Erdogan.

Depuis le coup d’Etat manqué de 2016, Erdogan a fait fermer plus de 150 médias et 120 journalistes ont été jetés en prison. Couvrir la campagne quand on est un journaliste turc est une véritable gageure.

 

Une leçon de journalisme

Medyascope est l’une des rares chaînes de télévision indépendantes. Elle a été créée en 2015 à Istanbul avec une vingtaine de journalistes et est diffusée sur FacebookPeriscope et Youtube.

 

L'entrée de Medyascope en Turquie
L’entrée de Medyascope en Turquie © Radio France / Clémence Bonfils

 

Chez Medyascope, on est loin du faste des grandes chaînes de télévisions turques. Aucun panneau n’indique l’entrée du studio, installé dans un quartier excentré et poussiéreux d’Istanbul. Même le générique du journal de 19 heures ressemble à une sonnerie de téléphone ! Mais sur le fond, Medyascope donne une leçon de journalisme aux grands médias.

 

La régie de Medyascope à Istanbul en Turquie
La régie de Medyascope à Istanbul en Turquie © Radio France / Clémence Bonfils

 

Dilan, une journaliste, s’enorgueillit : 

Nous couvrons tous les meetings, y compris ceux de l’opposition ! Dans les autres médias, vous ne verrez quasiment pas les candidats de l’opposition. En revanche, ils couvrent en intégralité les meetings d’Erdogan. Et s’il n’y a pas assez de monde à ces meetings, les journaux modifient leurs photos : ils rajoutent des militants, alors qu’en en fait il y a moitié moins d’affluence.

Pas question pour autant d’être perçu comme une télévision pro-opposition.

Le studio de Medyascope à Istanbul en Turquie
Le studio de Medyascope à Istanbul en Turquie © Radio France / Clémence Bonfils

 

Burak Tatari est le présentateur du journal du soir : 

Nous ne nous considérons pas du tout comme des résistants. Etre résistant, ça voudrait dire que nous sommes contre Erdogan. Or, ce n’est pas le cas. Nous sommes des journalistes : nous essayons de donner la parole à toutes les sensibilités, tous les partis et nous faisons, c’est vrai, notre travail dans des conditions difficiles.

Un autre reporter parle des procès pour outrage au chef de l’Etat qui se multiplient à l’encontre des journalistes…

►ECOUTER | Le reportage de Géraldine Hallot à Medyascope à Istanbul en Turquie