Salutations d’un écrivain, Asli Erdoğan, actuellement incarcéré à la prison pour femmes de Bakirköy, située, symboliquement, entre un asile psychiatrique et un ancien hôpital pour lépreux. J’espère que ma voix vous parviendra, à travers ces murs épais, impénétrables, historiquement construits contre « les Autres ». « La beauté est vérité, la vérité beauté. » Me voilà aujourd’hui en prison pour avoir cru à des mots tels que vérité et paix. Mais il est de mon devoir de rendre leur sens à ces mots ou de trouver les mots qui exprimeront leur sens.
J’ai écrit huit livres, traduits en plus d’une dizaine de langues et, à 50 ans, je me retrouve, parmi une centaine de journalistes, accusée de  » terrorisme  » et arrêtée. Simplement parce que je suis membre du  » conseil consultatif  » du journal Özgün Güden – un quotidien qui soutient les revendications des Kurdes -, et alors même que la loi sur la presse pose que les conseillers n’ont aucune responsabilité légale.
C’est une longue tradition, dans mon pays, que d’essayer de monopoliser la vérité : plus de 140 écrivains ont été emprisonnés et 136 journalistes assassinés. Nous, les écrivains réduits au silence, savons bien que la liberté d’expression est profondément liée à un mot, le plus important de tous : vie. A ce moment précis, le seul lien qui nous rattache à la vie est votre solidarité.
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