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Le Monde, le 11/07/2020
Céline Pierre-Magnani (à Istanbul)
Le coup d’Etat avorté du 15 juillet 2016, en Turquie, a conduit de nombreux intellectuels, journalistes, écrivains, artistes, derrière les barreaux. Ça n’était pas la première fois, ce dont témoigne une vive tradition de littérature carcérale.
Comme de nombreux opposants, Burhan Sönmez n’a pas échappé aux geôles du régime. Coucher son expérience sur papier est apparu salutaire. « Il faisait froid dans notre cellule, écrit le romancier turc d’origine kurde dans Maudit soit l’espoir (Gallimard, 2015). Tandis que je racontais l’histoire au Docteur, Kamo le Barbier était allongé sur le béton nu, recroquevillé sur lui-même. Nous n’avions pas de couverture ; et, tels de jeunes chiots, on se réchauffait en se serrant les uns contre les autres. Comme depuis des jours le temps tournait sur lui-même, nous étions incapables de discerner de quel côté s’écoulaient le jour et la nuit. Nous connaissions la souffrance et nous revivions tous les jours la terreur qui envahissait nos cœurs lorsqu’on nous conduisait à la torture. Dans ce bref intervalle de temps où l’on se préparait à souffrir, l’homme et l’animal, le sage et le fou, l’ange et le démon étaient des semblables. »
Avec plusieurs coups d’Etat militaires et de nombreuses périodes de tensions, l’histoire de la Turquie est émaillée de violences politiques. La réalité de la prison n’a jamais vraiment disparu, mais, avec la vague de répression et la multiplication des procès politiques qui ont suivi la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016, elle a de nouveau envahi les esprits. Elle occupe une place à part dans la production littéraire et artistique, avec des récits qui tentent tour à tour de l’anticiper, de la saisir et d’en abolir les murs.
« J’ai grandi avec des récits de prison »
Le thème de l’univers carcéral a notamment surgi dans les littératures dites « du 12 mars » et « du 12 septembre », en souvenir des coups d’Etat de 1971 et 1980. A l’instar d’auteurs classiques, comme le célèbre poète Nazim Hikmet (1902-1963) ou le romancier Orhan Kemal (1914-1970), l’écrivain Murat Özyasar, 41 ans, fait de la prison le cadre d’une de ses nouvelles. Dans Itiraf (« L’aveu », extraite du recueil Ayna Çarpmasi, 2008, non traduit), il choisit de parler d’amour dans ce sinistre environnement de fer et de béton. D’origine kurde, il a grandi dans le sud-est de la Turquie, dans la ville de Diyarbakir, au plus fort des combats entre l’armée turque et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). « J’ai vécu pendant de longues années dans une rue où se trouvait une prison, explique-t-il au “Monde des livres”. Mes amis, ma famille, mes voisins, mes proches… Beaucoup de personnes autour de moi ont déjà été emprisonnées au cours de leur vie. Je n’ai pas eu besoin de faire de recherches pour écrire. J’ai grandi avec des récits de prison ; c’est une réalité depuis ma plus tendre enfance. »
Dans sa jeunesse, Murat Özyasar n’a fait que quelques jours de garde à vue et a échappé de peu à une peine de douze ans d’emprisonnement. Tous n’ont pas eu cette chance. Il suffit de jeter un œil aux biographies des auteurs turcs les plus lus de l’histoire de la république pour prendre la mesure du phénomène. Au vu de sa banalité, l’incarcération apparaîtrait presque comme le gage d’un certain degré de subversion, venant valider l’engagement politique. De Sabahattin Ali (1907-1948) à Ahmet Altan, en passant par Kemal Tahir (1910-1973)… tous ont eu affaire à l’appareil judiciaire.
Si les hommes constituent la majorité du contingent, les juges n’en ont pas pour autant épargné les femmes. Autrice classique de la seconde moitié du XXe siècle, Sevgi Soysal (1936-1973) fait partie de ces plumes que l’expérience de l’enfermement n’a pas dissuadées d’écrire. Elle a continué de produire sous les verrous, avec Yenisehir’de Bir Ogle Vakti (« Yenisehir à la mi-journée », 1973, non traduit), et a également fait de la cellule l’unité de lieu d’un de ses récits. Dans Baris adli çocuk (« Un enfant nommé Paix », 1976, non traduit), elle met en scène, avec ironie et tendresse, l’extrême discipline des organisations politiques révolutionnaires de son époque. « On s’occupe pas d’un enfant de flic ! », lance le personnage de Demet, furieuse, à ses codétenues qui câlinent le fils d’une gardienne.
La nouvelle illustre le continuum qui existe entre l’intérieur et l’extérieur où, même enfermées, les militantes maintiennent leurs idéaux politiques. Une quête qui peut se traduire par l’imposition de contraintes supplémentaires, comme si les restrictions choisies constituaient l’unique ressort qui leur reste pour se ménager une marge de liberté. Outre la pesante discipline carcérale, les prisonnières s’imposent de nouvelles hiérarchies et de strictes règles de vie commune : ainsi, en une surenchère d’obéissance qui vaut geste de dérision, les militantes du récit se mettent au garde-à-vous dès que le gardien de prison entre dans leur cellule.
Vie intérieure et relations humaines pour seules richesses
Cette manière de défier l’autorité pénitentiaire rejoint d’ailleurs des combats bien réels. La Turquie a en effet connu des périodes de mobilisations coordonnées dans différentes prisons, qui font de certains établissements pénitentiaires des lieux symboliques de la résistance politique. La répartition des prisonniers dépend de leur docilité : les militants d’une même organisation qui ont résisté à la torture peuvent purger leur peine ensemble, tandis que celles et ceux qui sont passés aux aveux sont placés dans des cellules à l’écart. L’un des personnages de Murat Özyasar, Selim, condamné à la perpétuité, préfère ainsi faire face à l’opprobre de ses codétenus pour rester dans une cellule d’où il peut apercevoir, par la fenêtre, la femme dont il est amoureux.
Cet espace marginalisé aurait pu rester flou dans les imaginaires, mais les récits de sortie de prison abondent, et il est aisé de s’en faire une idée précise. L’extrême dénuement qui caractérise l’environnement carcéral turc motive bien souvent le choix narratif de ce lieu. La vie intérieure et les relations humaines deviennent les seules richesses à la disposition de détenus privés d’autres ressources. Dans 72. kogus (« La 72e cellule », 1954, non traduit), roman d’Orhan Kemal, la somme dérisoire que partage Ahmet Kaptan lui permet d’apporter un confort passager à ses camarades de prison. Une générosité qui illumine quelque temps l’indigence de ces êtres dégradés – vulgaires « vers sur pattes » – qui n’ont que des mégots de cigarette à jouer en guise de dés. Les témoignages comme les fictions décrivent souvent des situations a priori inattendues : rencontres fortuites, amitiés ou solidarités improbables… Contre toute attente, la gardienne, dans la nouvelle de Sevgi Soysal, parachutée contre son gré en prison, manifeste une empathie qui décontenance les détenues, accoutumées à une hostilité de tous les instants.
Dans un régime autoritaire, la menace qui plane coupe le souffle, inhibe la pensée. La société étouffe, et la distinction entre l’intérieur et l’extérieur de la prison perd progressivement de sa pertinence. Les descriptions de l’enfermement physique ne sont peut-être finalement qu’une expérience extrême de ce qui se vit autrement en dehors des murs. « En Turquie, beaucoup de gens sont derrière les barreaux, mais les plus enfermés, ce sont celles et ceux qui sont à l’extérieur, commente pour “Le Monde des livres” le journaliste Ahmet Sik, qui a connu la prison à deux reprises. En cellule, au moins, les limites de votre liberté sont tracées par les murs. A l’extérieur, la prison est dans les esprits. Il y a des journalistes qui sont en prison même s’ils ne sont pas derrière les barreaux. »
L’enfermement libérerait de la peur
Suffocation collective. Les murs perdent leur matérialité, l’étau se resserre, l’imaginaire carcéral enchaîne les esprits. Si bien que la privation de liberté accule les êtres au désespoir et révèle des facettes insoupçonnées de leur personnalité. Dans son récent livre, Je ne reverrai plus le monde (Actes Sud, 2019), Ahmet Altan ne compte que sur sa mémoire, sa culture et son imagination pour s’affranchir des grilles : « Un prisonnier compte tout, sauf le temps. Le temps, il le découvre. (…) j’ai compris, d’instinct plutôt que de raison, qu’il me fallait me fabriquer un temps nouveau, une horloge inédite. (…) Le tempus absoluto n’a plus de prise sur moi. (…) C’est en prison que j’ai redécouvert les deux temps, l’absolu, d’un seul bloc, et celui fragmenté de l’horloge. »
Galvanisées par l’injustice, les plumes se font d’autant plus défiantes, insolentes. Certains écrivains iront même jusqu’à suggérer que l’enfermement libère de la peur. Il n’y a plus rien à perdre. Ainsi les écrits de prison contiennent-ils, en filigrane, d’innombrables pistes de résistance. « Me jeter en prison était dans vos cordes ; mais aucune de vos cordes ne sera jamais assez puissante pour m’y retenir. Je suis écrivain. Je ne suis ni là où je suis, ni là où je ne suis pas. Enfermez-moi où vous voulez, je parcours encore le monde avec les ailes de l’imagination », conclut Ahmet Altan depuis sa cellule. Au lecteur de creuser ces pistes, au fil des pages.
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