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Le Monde, le 13/09/2019
Marie Jégo (Istanbul, correspondante)
La Turquie craint une arrivée massive de migrants syriens et réclame plus d’aide à l’Union européenne.
Craignant l’arrivée en Turquie d’une nouvelle vague de réfugiés syriens en provenance de la province d’Idlib, le président turc Recep Tayyip Erdogan n’a eu de cesse, ces derniers jours, de réitérer ses menaces d’« ouvrir les portes » aux migrants afin de les laisser rejoindre l’Europe. « Allons-nous porter ce fardeau seul ? Si nous ne recevons pas le soutien nécessaire pour partager le fardeau des réfugiés, avec l’UE et le reste monde, nous allons ouvrir nos frontières », a déclaré le président turc lors d’une intervention devant les militants de son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur), dimanche 8 septembre à Eskisehir (centre).
Ces propos inquiètent les partenaires européens de la Turquie, toujours soucieux de maintenir l’accord signé en 2016 avec Ankara pour contenir le flux de migrants vers l’Europe. Pour apaiser les tensions, la chancelière allemande Angela Merkel s’est entretenue mercredi par téléphone avec le président Erdogan au sujet des réfugiés, tandis que le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, rappelait à son homologue turc Mevlüt Cavusoglu que l’UE respecterait ses engagements.
L’accord en question, qui visait à réduire le trafic d’êtres humains et à prévenir les naufrages meurtriers en mer Egée, prévoyait l’octroi d’une aide de 6 milliards d’euros à Ankara. Quelque 5, 6 milliards ont déjà été versés quand bien même le président Erdogan prétend n’en avoir reçu que la moitié.
Réelle menace
Malgré ces aléas, l’accord a jusqu’ici porté ses fruits : les arrivées de migrants en Grèce ayant considérablement diminué par rapport au pic constaté en 2015. Ces derniers mois, la situation a toutefois changé. Les autorités grecques se sont récemment retrouvées prises de court par la hausse des arrivées de migrants dans les îles de l’ouest de la mer Egée, notamment à Lesbos, Chios et Kos. Leur nombre a plus que doublé par rapport à l’année passée.
Y a-t-il une corrélation entre les menaces d’Erdogan et la hausse des arrivées en Grèce ? La Turquie, qui héberge actuellement 3,6 millions de réfugiés syriens ne pourra assumer seule un nouvel afflux en provenance d’Idlib, le dernier bastion de la rébellion syrienne, actuellement cible d’une offensive militaire de grande ampleur menée par le régime et de son allié russe.
La menace est réelle. Selon Kerem Kinik, le président du Croissant-Rouge turc, 500 000 personnes chassées du sud de l’enclave par les bombardements se sont récemment massées dans des camps de fortune installés le long d’une frontière turque, elle-même fermée.
Le mécontentement populaire suscité par la présence de nombreux réfugiés syriens sur le territoire turc a atteint un pic cette année.
Le thème des migrants est devenu un casse-tête pour le président Erdogan et son parti. Selon un récent sondage de l’institut Metropoll, 75 % des personnes interrogées désapprouvent la politique du gouvernement à l’égard des réfugiés syriens, tandis que 34 % souhaitent que les Syriens rentrent chez eux, même si la guerre se poursuit. L’enquête, conduite auprès de 1 085 personnes, montre même que 41 % des partisans de l’AKP, le parti du président Erdogan, sont en désaccord avec la politique syrienne d’Ankara.
Le mécontentement populaire suscité par la présence de nombreux réfugiés syriens sur le territoire turc a atteint un pic cette année, mettant le président Erdogan, dans l’embarras. Affaibli sur la scène intérieure, il tente de résoudre la question des réfugiés en pressant des Etats-Unis de lui accorder une « zone de sécurité » au nord-est de la Syrie où un million de réfugiés syriens (sur les 3,6 millions hébergés par la Turquie) seraient réinstallés.
Comme la Turquie, dont l’économie s’est délitée, n’a pas les moyens de financer ce projet, le président turc veut obtenir un soutien financier international pour l’établissement de ces implantations de réfugiés à l’est de l’Euphrate, d’où seraient délogées les forces kurdes syriennes des Unités de protection du peuple. Ces dernières, considérées par Ankara comme une menace sur la vie mais alliées de la coalition internationale menée par Washington dans le combat contre l’organisation Etat islamique.
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